Quels scénarios de sortie de crise pour les entreprises ?
L'année 2020 marquée par une pandémie mondiale affiche un taux de défaillances d'entreprises en baisse de 38% par rapport à 2019 grâce aux aides publiques. Quels sont les scénarios de sortie de crise de ces entreprises aujourd'hui maintenues en vie artificiellement?
L'année 2020 est marquée par la pandémie mondiale Covid-19 et un recul du PIB national de -8,3%. Avec seulement 32 184 défaillances d'entreprises, 2020 entre dans l'histoire en atteignant le plus faible niveau de défaillances depuis 30 ans. Cela représente une baisse de 38% par rapport à 2019.
Des entreprises "asymptomatiques" grâce aux aides publiques massives
Cette situation paradoxale, asymptomatique à première vue, s'explique notamment par la mise en place d'aides publiques massives relève la dernière enquête de Deloitte sur les entreprises défaillantes en France. Une dynamique qui s'observe partout en Europe. Ainsi, en 2020, les défaillances d'entreprises ont diminué de 32% en Italie, de 15% en Allemagne et de 14% en Espagne.
Cependant cette tendance à la baisse est en réalité "loin d'être linéaire : si les défaillances des entreprises de moins de 20 salariés reculent de manière significative (-38%) et plus fortement que celles des entreprises qui comptent entre 20 et 500 salariés (-28%), les défaillances d'entreprises de plus de 500 salariés sont en revanche en forte hausse (+73%)", explique Jean-Pascal Beauchamp, associé responsable du département Restructuring financier chez Deloitte.
Si on analyse l'évolution du nombre de défaillances en fonction du chiffre d'affaires, on observe une dichotomie similaire, avec une forte augmentation (+71%) pour les entreprises réalisant plus de 50 M€ de CA, et une baisse manifeste pour celles aux revenus inférieurs.
2021-2022 : à quand "l'effet boomerang" ?
A quel moment les symptômes économiques et financiers de cette crise inédite pour les entreprises vont-ils apparaître ? "Cet effet boomerang dépend de plusieurs facteurs clés : le maintien des aides, l'attitude des créanciers publics, des banques et des compagnies d'assurance, mais aussi des modalités de remboursement des Prêts Garantis par l'Etat. Mais nous n'anticipons pas l'apparition des premiers symptômes généralisés avant le 4ème trimestre 2021, voire le 1er semestre 2022", avance Jean-Pascal Beauchamp de chez Deloitte. Il souligne cependant que ces prévisions ont été réalisée en se basant notamment sur la politique vaccinale, soit avant l'arrivée du variant delta qui fait la une de l'actualité et qui pourrait changer la donne.
Enfin, dès l'arrêt des aides de l'Etat et des moratoires mis en place par l'Urssaf et les impôts, "les entreprises dites en zone grise et les entreprises zombies vont être vite rattrapées", analyse Jean-Pascal Beauchamp de Deloitte qui estime à près de 20 000 les entreprises qui pourraient être concernées. "C'est une correction pour revenir à un seuil normatif de défaillances tel qu'il existait en 2019. Car la combinaison de l'arrêt des aides d'Etat et de la reprise des poursuites par l'Urssaf et les Impôts qui entraineront un assainissement du marché pour les entreprises qui n'avaient pas pré-covid ( ou n'ayant plus post covid) les bons fondamentaux économiques, indépendamment de l'effet de rebond liée à la sortie de crise".
Des actionnaires sollicités
" Si on se met dans l'optique d'un scénario de sortie de crise "quoiqu'il en coûte", les banques seront très vigilantes sur l'obtention des PGE. Ils seront plus difficiles à obtenir pour les entreprises" , explique Jean-Pascal Beauchamp, associé responsable du département Restructuring financier chez Deloitte qui rappelle que près de 75% des 140 milliards débloqués par l'Etat ont été distribuées entre mars et juin 2020. Car malgré le plan de relance de l'économie et la prolongation des aides jusqu'en décembre 2021, l'Etat va se désengager progressivement.
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Les entreprises vont alors devoir compter sur leurs fonds propres pour survivre. "Il y aura également un recentrage sur le rôle des actionnaires qui seront davantage sollicités. Les banques vont demander aux actionnaires de mettre de l'argent sur la table. En résumé, pour équilibrer un endettement important lié à un PGE nouveau ou complémentaire, ce seront les nouveaux capitaux propres apportés par les actionnaires de manière concomitante qui feront pencher la balance en faveur d'un accord de ces dernières", conclut Jean-Pascal Beauchamp, associé responsable du département Restructuring financier chez Deloitte.
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