Daf, comment améliorer le maintien en poste de vos seniors
Age de départ à la retraite repoussé, index senior, tensions sur les recrutements, compétences à préserver, fidélité etc... Les raisons pour travailler sur le maintien en poste des seniors des équipes finances se multiplient.
Les débats sur la controversée réforme des retraites portée par le gouvernement Borne et définitivement adoptée ce 20 mars ont remis sur la table l'épineux sujet de l'emploi des seniors en France. Selon la dernière enquête de la DARES (Direction de l'Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques), seulement 56% des personnes de 55 à 64 ans ont un emploi en France, contre près de 60% en moyenne en Europe. En y ajoutant ceux qui cherchent un emploi, le taux d'activité est de 59,7%. Deux taux certes à leur apogée depuis 1975 en raison des différentes réformes des retraites mais à mettre en regard avec les 73% de taux d'activité moyen des 15-64 ans et des 81,8% des 25-49 ans.
La réforme qui vient d'être adoptée, repoussant l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans, devrait mécaniquement faire encore progresser ces ratios mais tout l'enjeu est de réussir à les faire augmenter vraiment significativement...D'autant qu'au-delà de cet enjeu sociétal incontournable, la question va également désormais avoir un impact sur la marque employeur : le nouvel index senior, introduit par cette réforme, prévoit une obligation de publication dès cette année pour les entreprises de plus de 1.000 salariés et dès l'année prochaine pour les entreprises de plus de 300 collaborateurs.
Dans cette optique, chaque service de l'entreprise, chaque manager, chaque direction aura son rôle à jouer dans les recrutements de seniors (avec le soutien éventuellement du nouveau dispositif « CDI seniors ») mais aussi, - et c'est un sujet dont on parle beaucoup moins -, dans le maintien en poste des collaborateurs seniors. Y compris donc dans les directions administratives et financières.
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Des préjugés sur les seniors à déconstruire
« En France, nous avons des préjugés complètement infondés sur les seniors. Cette image négative injustifiée conduit bon nombre d'entreprises à les pousser plus ou moins gentiment vers la sortie passés les 55 ans. A cela s'ajoutent des dispositifs d'accompagnement très intéressants en France qui permettent de rejoindre la retraite en toute sécurité : les seniors s'en saisissent d'autant plus facilement dès lors qu'ils ne se sentent plus les bienvenus dans leur entreprise », analyse Arnauld Fourniol, associé, directeur au sein du département Transformation RH de Mercer France. Ces préjugés, l'expert les déconstruit et argumente point par point.
Les seniors coutent trop cher ? Faux, répond-il. « Il est vrai que les salaires progressent beaucoup jusqu'à 45 ans, ensuite la hausse n'est pas exponentielle, elle est toute relative ». Pour lui, ce coût est à mettre aussi en regard avec l'expérience apportée, la connaissance des codes de l'entreprise et de ses valeurs, mais aussi en regard avec la fidélité des seniors plus importante que celle des jeunes générations plus prompts à changer de crémerie. « Le coût d'un recrutement est important, il ne faut pas l'oublier ».
Les seniors sont lassés, moins volontaires, moins engagés dans leur travail ? Faux, là-encore selon Arnauld Fourniol. « Des études ont même montré qu'après 55 ans, le taux d'engagement était supérieur... ». Il est conforté en ce sens par Michel Grigner, directeur financier France Pays-Bas Belgique Maroc de Hays (1.200 salariés dans cette unité au total, 120 sous sa responsabilité). A 58 ans, il est lui-même senior et affiche une motivation sans faille pour son job. A tel point qu'on lui a confié des nouvelles responsabilités depuis l'année dernière en élargissant sa compétence géographique. Au sein de son équipe, il ne note pas non plus de désengagement des seniors. « En réalité, si un collaborateur est démotivé, quel que soit son âge, c'est parce qu'il n'adhère plus aux valeurs de l'entreprise ou qu'il ne comprend plus le sens de son travail. Et ça, ce n'est pas un problème d'âge mais de management ! », pointe le Daf de Hays.
Frédéric Cossais, 56 ans, Daf sur le départ d'InVivo et Daf par le passé de plusieurs entreprises aux profils variés abonde : « l'usure de l'âge souvent évoquée est en réalité plutôt une usure liée au management. En tout cas, pour les métiers de bureau. J'ai vu des entreprises où les collaborateurs de la direction financière faisaient exactement la même chose depuis 20 ans. Et qui, cerise sur le gâteau, n'étaient pas écoutés par leur management dans leurs envies de formation ou dans leurs propositions d'amélioration des process. Pour les jeunes, comme pour les moins jeunes, il faut savoir donner du sens ». L'homme sait de quoi il parle, en tant que manager mais aussi en tant que salarié. Avec un profil de Daf de transition, il a effectué de nombreuses missions. Il serait d'ailleurs bien resté plus longtemps dans certaines entreprises. « On ne m'a pas dit que j'étais trop âgé mais trop qualifié..., ce qui veut souvent dire la même chose », ironise-t-il.
Autre argument en défaveur des séniors : ils ne seraient pas à l'aise avec les outils modernes ? Encore une fois, tout faux ! « Il n'y a aucune raison pour que les collaborateurs aient une aversion plus prononcée pour l'automatisation par exemple que les autres générations ou pour les nouveaux modes de fonctionnement des directions financières. C'est une question de formation, ni plus, ni moins », insiste le directeur de la transformation RH de Mercer. Michel Grigner complète : « J'ai été le promoteur de l'automatisation des process dans mon entreprise. J'ai pu constater que les réticences au changement n'étaient pas liées à l'âge en réalité. Il y a des départs de collaborateurs qui n'adhéraient pas mais ce n'était pas forcément les plus âgés. Là encore, le management est primordial avec un bon accompagnement au changement et une communication renforcée sur le sens de la transformation ».
Maintenir les seniors en poste, moins complexe qu'il n'y parait
Pour conserver le plus longtemps possible dans son équipe les collaborateurs seniors, - une nécessité encore plus criante en période de tensions fortes sur les profils -, il s'agit donc avant tout de travailler en profondeur son management. Mais finalement dans une démarche assez similaire à toutes les catégories d'âge : un management capable de donner un sens au travail de chacun, de lui donner envie de rester dans l'entreprise que le collaborateur ait 25 ans et déjà les yeux tournés vers son prochain employeur ou qu'il en ait 57 et lorgne vers les dispositifs de pré-retraite.
En parallèle, Arnauld Fourniol propose quelques points de vigilance plus particulièrement tournés vers les seniors : « le système du mentorat ou en tout cas de transmission des compétences représente un réel avantage pour le service, tout en valorisant le senior ». Le bien-être au travail, de manière globale, doit être recherché : qu'il s'agisse du cadre de travail lui-même ou de la flexibilité des horaires quand c'est possible. « Il faut investir dans le bien-être au travail, c'est important pour retenir les seniors ».
Le challenge est immense, tant les préjugés sur les seniors sont importants en France et bien moins médiatisés que les discriminations liées au sexe ou à la couleur de peau. Pourtant, le jeu en vaut la chandelle.
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