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Accord de performance collective : la fin des individualismes ?

L'APC permet de modifier les contrats de travail sans passer par un plan de sauvegarde de l'emploi. De nouvelles perspectives s'ouvrent à toutes les entreprises qui n'ont pas de difficultés économiques, mais doivent faire évoluer certains aspects de la relation de travail pour rester dans la course.

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Accord de performance collective : la fin des individualismes ?
© © Philippe LEJEANVRE

Vu de l'étranger, le droit du travail n'est pas, en France, l'outil, et encore moins l'ami, des chefs d'entreprise. Il est plutôt vu comme l'entrave majeure à l'entrepreneuriat et à ses initiatives. Les choses pourraient toutefois changer, sous l'impulsion des multiples pistes ouvertes par les ordonnances Macron, pour peu que les principales parties prenantes s'en saisissent.

Un accord d'entreprise d'application directe...ou presque

Ainsi, alors qu'il a longtemps été le bastion imprenable du statut individuel, le contrat de travail peut désormais être impacté par les stipulations d'un accord de performance collective. Ce dispositif, qui a succédé aux accords de compétitivité, a précisément pour objet de modifier le contrat, ce qui revient à dire, d'une certaine façon, qu'il s'impose à lui. Certes - et c'est heureux - le salarié ne se verra pas imposer de travailler dans les termes d'un contrat qu'il n'aurait pas acceptés. Mais il aura le choix entre la poursuite de sa collaboration à de nouvelles conditions et, s'il les refuse, un licenciement indemnisé par le seul versement de l'indemnité conventionnelle de licenciement et un abondement patronal du compte personnel de formation, à hauteur de 300 heures.

La cause à la fois de cette option et de la rupture - et leur légitimité - réside dans l'existence même de l'accord d'entreprise, dont l'objet est de " répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l'entreprise, [de] préserver ou [de] développer l'emploi ". En autorisant expressément des aménagements en matière de durée du travail, de rémunération et de mobilité professionnelle ou géographique, ce champ élargi répond à des problématiques réelles et fréquemment rencontrées par les entreprises. Ce dispositif met ainsi un terme, dans ces domaines, aux difficultés qu'il y avait jusqu'alors à proposer des modifications de contrat, dans un contexte qui répondait à l'intérêt de l'entreprise sans constituer, pour autant, un motif de licenciement. Il n'y a donc plus désormais à se livrer à des contorsions rhétoriques consistant à bâtir de toutes pièces le motif économique des futurs licenciements pour mettre en oeuvre, par exemple, un déménagement. Cela permet sans aucun doute aux partenaires sociaux de se concentrer sur l'essentiel et d'engager un dialogue plus franc et direct autour des mesures d'accompagnement des salariés, qu'ils acceptent ou refusent les termes de l'accord.

Au contenu libre...mais incitatif

De cet accord, dépendra d'ailleurs en grande partie le positionnement des salariés à son sujet. La loi laisse ici une liberté quasi-totale aux négociateurs. Il n'est qu'à comparer le nombre respectif des accords de compétitivité, conclus sous l'empire de la loi antérieure et celui des accords de performance collective, pour observer que c'était manifestement cette liberté, et non l'envie, qui dans un passé récent, a pu manquer aux négociateurs. Du côté des salariés, ils auront probablement tendance à d'abord revendiquer autant de mesures, sinon plus, au bénéfice de leurs collègues qui refuseront l'accord qu'à ceux qui l'accepteront. Côté patronal, il faudra aussi se garder de la tentation d'accepter, voire de proposer, un Plan de sauvegarde de l'emploi qui ne dit pas son nom, chaque partie autour de la table des négociations partant finalement du principe, exprimé ou non, que les salariés refuseront les modifications de leur contrat.

Il serait pourtant dommage de rester à l'abri des vieilles lunes plutôt que de partir explorer ces nouveaux territoires de la négociation collective. Car l'occasion est là, d'initier des relations nouvelles entre l'entreprise et ses salariés, sur le long cours, non seulement en les associant à une vision d'avenir, mais aussi en prévoyant des mesures qui ne soient pas purement cosmétiques et au contraire, réellement de nature à faciliter loyalement leur acceptation de la ou des modifications proposées. C'est à cette condition uniquement qu'il sera possible de sortir de la spirale à courte vue née des PSE trop généreux pour convaincre les salariés d'accepter la modification de leur contrat de travail.

Accessible a priori à toutes les entreprises...

L'accord est soumis, pour sa validité, aux conditions de droit commun : dans les entreprises dotées d'organisations syndicales représentatives il doit donc être signé avec celles ayant recueilli 50% des suffrages au premier tour des dernières élections de comité d'entreprise.

Cela signifie-t-il qu'une fois encore les plus petites entreprises seraient privées du recours aux outils de la négociation ? Si une partie de la doctrine le soutient, rien pourtant dans le texte de l'article L 2254-2 du code du travail qui régit ce type d'accord ne paraît autoriser cette restriction : le texte impose un " accord d'entreprise " et les accords conclus, selon les modalités propres aux entreprises dépourvues de représentation syndicale, relèvent incontestablement de cette catégorie.

Sous cet angle, là encore, le déverrouillage de l'armure contractuelle ouvre donc des possibilités sans précédent.

Pour en savoir plus

Danièle Chanal est associée du cabinet Aguera Avocats et vice-présidente d'Avosial. Spécialiste en droit du travail, elle intervient principalement sur les volets sociaux des restructurations d'entreprise.

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