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Le casse-tête de la déductibilité des charges financières

Les nouvelles règles de déductibilité des charges financières ont été définies dans le cadre de la directive européenne ATAD 1. Appliquée différemment par les pays de l'Union Européenne, la version française est assez complexe. Décryptage des grandes lignes directrices.

Publié par Marwa Nakib le | Mis à jour le
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Le casse-tête de la déductibilité des charges financières

La directive ATAD 1 est une déclinaison de l'action 4 du plan BEPS, qui considère qu'il faut limiter la déductibilité des charges financières des entreprises, à un maximum de 30% de leur EBITDA fiscal. En France, le dispositif est en place pour tous les exercices ouverts depuis le 1er janvier 2019.

La directive, en elle-même, ne va pas plus loin que cela. Les règles d'application issues des directives, cependant, ne sont pas identiques dans tous les pays de l'Union Européenne, et la version française apporte des éléments de complexité complémentaires. Bien que non-obligatoires dans le cadre de la directive, ces règles exigent que différents calculs soient effectués, avec de nouvelles définitions des intérêts et des charges financières, du plafond de déductibilité, et des normes de consolidation.

Ce qui a changé

Selon Alice de Massiac, avocate associée chez Taj, "la règle de déductibilité des charges financières était assez simple avant le 1er janvier 2019, même si certains dispositifs relatifs à des situations particulières pouvaient apporter quelques complexités. Globalement, les charges financières étaient déductibles à hauteur de 75% (25% des charges financières n'étaient donc pas déductibles)".

Selon la nouvelle règle, issue de la directive ATAD 1, les charges financières sont déductibles à hauteur d'un montant maximum de 30% de l'EBITDA fiscal (un nouvel élément qu'il faut calculer), ou de la somme de 3 millions d'euros, si cette somme est supérieure à 30% de l'EBITDA fiscal. Alice de Massiac commente : "En apparence, la règle peut paraître simple, sauf que, pour les directeurs financiers, fondamentalement, ce changement est très complexe ! Il faut y investir beaucoup de temps, ou le cas échéant, faire appel à des conseils".

En effet, en fonction de l'appartenance ou non de la société à un groupe d'intégration fiscale, ou à un groupe consolidé, il y a des calculs complémentaires qui doivent être effectués avec des référentiels qui ne sont pas forcément les comptes sociaux de l'entreprise. "Ce ne sont pas les comptes sociaux de l'entreprise qui sont à retenir. Aux bornes d'une intégration fiscale, il faut déterminer le montant de fonds propres en utilisant le référentiel des comptes consolidés du groupe auquel les sociétés appartiennent, en IFRS ou en US GAAP par exemple, non pas en effectuant un vrai palier de consolidation, mais en établissant une fiction, comme si le groupe d'intégration fiscale était une consolidation incluant strictement les entités membres de l'intégration fiscale, et toutes les entités qui ne sont pas membres de l'intégration fiscale sont considérées comme étant des titres non consolidés. Ces nouvelles définitions sont difficilement compréhensibles tant par les consolideurs, dans la mesure où ces règles fiscales ne retiennent pas une approche de consolidation classique, que par les fiscalistes, étant donné qu'elles font référence à des données consolidées".

Et si on simplifiait l'application du dispositif?

Selon Alice de Massiac, "le vrai sujet est de réussir à déterminer le bon montant de l'EBITDA fiscal, après avoir déterminé les charges financières nettes. Pour cela, il faut partir du résultat fiscal de l'entreprise, ajouter les amortissements déduits fiscalement, ajouter les dotations aux provisions pour dépréciations qui ont été déduites fiscalement, et puis déduire les reprises de provisions pour dépréciation taxable, etc. Bien sûr, il y a des outils et des tableurs, qui peuvent aider à déterminer le bon montant. En revanche, pour les groupes d'intégration fiscale, la détermination du palier n'existe pas dans les outils qui aident à la détermination de la déductibilité des charges financières, et donc cette fonction doit être implantée au sein de l'outil de consolidation avec un paramétrage particulier. Certaines entreprises ont effectué ce paramétrage dans leurs outils de consolidation, d'autres ont toujours recours à un tableur Excel".

Par ailleurs, il y a un traitement spécifique en cas de cession d'actifs amortissable ou de mise en rebut d'actifs amortissables. Une fois l'EBITDA fiscal déterminé, il faut calculer le plafond de déductibilité, de 30% de l'EBITDA fiscal, ou de 10%, si l'entreprise est sous capitalisée. Alice de Massiac ajoute : "le calcul devient plus compliqué si la société appartient à un groupe consolidé ! dans ce cas, il faut comparer la situation de l'entreprise avec le groupe consolidé : si les ratios de l'entreprise sont meilleurs que ceux du groupe consolidé, la société n'est pas considérée comme étant sous-capitalisée, et le ratio à prendre est la totalité de la dette de l'entreprise ou du groupe consolidé, divisé par ses fonds propres. Par cette comparaison, même si une entreprise est sous capitalisée, elle n'est pas considérée comme étant sous-capitalisée. La même comparaison doit être effectuée entre le groupe d'intégration fiscale et le groupe consolidé en cas d'intégration fiscale".

À noter aussi, si l'entreprise appartient à un groupe consolidé, elle peut, si ses ratios par rapport au groupe vont dans le bon sens, récupérer 75% de la déductibilité de ce qui dépasse les 30% ou 3 millions d'euros. Pour qu'elle puisse bénéficier de ce complément de déduction, il faut que l'entreprise effectue une comparaison de ratios fonds propres divisés par les actifs, toujours dans le référentiel consolidé.

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