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Les accords de télétravail : y a-t-il encore quelque chose à négocier ?

La crise sanitaire a impulsé un mouvement irrépressible vers le télétravail. Mais l'adoption d'un accord sans une bonne analyse de la situation peut avoir des répercussions négatives sur la productivité et la qualité de vie au travail. Alors, comment négocier les accords de télétravail en 2022 ?

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Les accords de télétravail : y a-t-il encore quelque chose à négocier ?

Le télétravail désigne toute forme d'organisation dans laquelle un travail, qui aurait pu être exécuté en entreprise, est effectué hors de ses locaux, de façon volontaire, en utilisant les technologies de l'information et de la communication. Il peut notamment être mis en place par accord collectif, par charte ou par tout autre moyen. De nombreuses entreprises préfèrent encadrer cette pratique par un accord collectif : quelles sont donc les préconisations en matière de négociation ?

1. Une préparation minutieuse en amont

L'employeur doit avant tout procéder à une analyse afin de s'assurer du cadre juridique obligatoire et adapter le futur accord au contexte de l'entreprise.

1.1. Le cadre légal

La mise en place du télétravail doit tenir compte du cadre juridique prévu par la loi, des accords interprofessionnels du 19 juillet 2005 et du 26 novembre 2020 et de l'obligation de préservation de la santé et de la sécurité des salariés. Le salarié en télétravail a les mêmes droits que celui dans les locaux de l'entreprise. L'accident survenu en télétravail est présumé être un accident de travail. L'accord ou la charte élaboré par l'employeur doivent obligatoirement prévoir :

Les conditions de passage en télétravail et de retour à une exécution du contrat en entreprise ;

Les modalités d'acceptation par le salarié des conditions de mise en oeuvre ;

Les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail ;

La détermination des plages horaires durant lesquelles le salarié peut être contacté ;

Les modalités d'accès au télétravail des travailleurs handicapés et des salariées enceintes.

1.2. L'analyse préalable liée au contexte de l'entreprise

L'accord collectif nécessite de mener une réflexion en amont afin de concilier la performance économique et le bien-être des salariés, tout en tenant compte des contraintes inhérentes au modèle de l'entreprise. Cette réflexion peut être menée à deux niveaux :

-celui du personnel d'encadrement, afin de prévoir les conséquences sur le management, pour anticiper le degré d'autonomie donné aux managers et aux salariés, ainsi que toutes les contraintes organisationnelles ;

-celui de l'ensemble des salariés, pour mieux saisir leurs souhaits et appréhensions, et faciliter la négociation avec les partenaires sociaux, puis la mise en place de l'accord

2. Le contenu de l'accord : exemples de bonnes pratiques

Une fois ces enjeux identifiés, l'employeur devra définir le cadre de la négociation et son contenu, sans négliger les risques psychosociaux.

2.1. La mise en place du télétravail

Le télétravail n'étant pas un sujet de négociation périodique, il est possible de conclure un accord séparé ou de l'articuler avec un accord de qualité de vie au travail. Le préambule devra exposer les raisons du passage en télétravail. L'accord doit prévoir des réserves et garanties à l'attention des salariés, notamment au sujet de l'impact sur les emplois, ou sur une potentielle réduction des locaux de l'entreprise. Il est conseillé d'intégrer une période d'adaptation, offrant la possibilité d'un retour sur site.

Il convient également d'organiser les conditions de mise en oeuvre et de réversibilité ou de suspension. Il est possible d'organiser un processus prévoyant le dépôt d'une candidature côté salarié ou la présentation d'une offre côté employeur, ainsi que des critères de suspension, en raison des besoins de l'entreprise, en cas de manquement du salarié ou sur simple demande. En tout état de cause, le refus d'accorder le bénéfice du télétravail à un salarié qui occupe un poste éligible, dans les conditions prévues par l'accord collectif, devra être motivé, au risque d'être considéré comme discriminatoire.

2.2. L'importance des critères d'éligibilité

L'employeur doit veiller à fixer les conditions d'éligibilité par des critères objectifs et éviter les formulations vagues, sources de polémiques. Il est possible de fixer des conditions par métier ou catégorie professionnelle et/ou en raison de l'ancienneté, en excluant, par exemple, les périodes d'essai, les stagiaires et les apprentis. Il est aussi prudent de subordonner le télétravail à des critères liés au fait de disposer d'un espace adapté - pour prévenir des risques psychosociaux - et d'une bonne connexion internet. Le critère des qualités du salarié peut être ajouté, mais le seul critère subjectif « d'autonomie » est à éviter, à moins de définir clairement la notion, au moyen, d'une grille d'appréciation.

2.3. La définition d'un statut du télétravailleur

L'employeur devra intégrer une définition claire des conditions de télétravail, en élaborant un véritable statut du télétravailleur, tant sur le rythme et la charge de travail, que sur la santé et la sécurité et le droit à la déconnexion. Une clause définissant le lieu de travail est indispensable, précisant s'il se limite au domicile ou peut s'étendre à des espaces de travail partagés, voire un lieu de villégiature.

Pour la détermination des plages horaires, l'employeur ne doit pas oublier les salariés au forfait jours, non soumis à l'horaire collectif et prévoir des plages horaires spécifiques durant lesquelles ils peuvent être sollicités. Il est aussi conseillé d'aborder la question financière, notamment la prise en charge des frais professionnels par l'employeur et les dépenses remboursables, au moyen du versement d'une allocation forfaitaire par exemple. La responsabilité respective de l'employeur et du salarié en matière d'équipement devra aussi être fixée. Enfin, le chef d'entreprise veillera à protéger les données personnelles en intégrant des mesures pour garantir la sécurité des systèmes d'information, comme le préconise la Cnil.

Pour en savoir plus

Aurélie Kamali-Dolatabadi est l'associée en charge du département droit social de Velvet Avocats.

Elle accompagne ses clients sur toutes les questions de relations individuelles et collectives du travail, l'épargne salariale, la protection sociale. Elle les conseille également dans le cadre de restructurations et de cessions d'entreprises.

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