Fortes chaleurs : quelles obligations pour l'employeur ?
On se souviendra de l'été 2003, pour sa canicule ayant provoqué le décès de plusieurs salariés. Face au réchauffement climatique, en ce début d'été déjà particulièrement chaud, faisons un point sur les obligations de l'employeur en matière d'exposition des salariés à des fortes chaleur.
Entre obligation générale et obligations spécifiques, et face à la multiplicité des textes applicables en la matière, il peut être difficile pour les employeurs de cerner leurs obligations et responsabilités en matière de protection des salariés à l'égard des conditions climatiques. Tentons une synthèse.
L'obligation générale de prévention et de sécurité
L'employeur est tenu d'aménager les lieux de travail - entendus largement comme ceux destinés à recevoir des postes de travail, situés ou non dans les bâtiments de l'établissement, ainsi que tout autre endroit compris dans l'aire de l'établissement auquel le travailleur a accès dans le cadre de son travail - de manière à ce que leur utilisation garantisse la sécurité des travailleurs.
Ces lieux de travail doivent être tenus dans un état constant de propreté et présenter les conditions d'hygiène et de salubrité propres à assurer la santé des intéressés.
Dans ce cadre, tout employeur doit être conscient des risques qu'une chaleur extrême peut avoir sur ses employés : un risque d'épuisement et/ou de déshydratation, et un risque de coup de chaleur.
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Ce risque doit être pris en considération dans le cadre de l'évaluation des risques via l'actualisation du DUER (Document Unique d'Evaluation des Risques) et se traduire par un plan d'actions prévoyant des mesures d'organisation de nature à protéger les travailleurs exposés à des conditions climatiques particulières.
Le code du travail ne donne aucune indication de température maximale ou minimale concernant le confort thermique. L'employeur peut néanmoins s'inspirer de la norme française AFNOR X 35-203, qui recommande une température ambiante comprise entre 19 et 25 °C selon la saison, l'humidité relative de l'air et le type de travaux effectués dans les locaux.
Rappelons notamment :
- qu'il est interdit aux employeurs d'affecter des jeunes aux travaux les exposant à des températures extrêmes susceptibles de nuire à leur santé ; il n'existe pas de dérogation à cette interdiction ;
- que les employeurs sont dans l'obligation de mettre à disposition des boissons et de protéger les travailleurs des conditions climatiques, dans la mesure du possible, lorsqu'ils sont employés à l'extérieur.
Que faire en cas de fortes chaleurs ?
Que faire lorsque les locaux ne sont pas équipés de système de climatisation ou encore pour les salariés affectés à des travaux extérieurs ?
Dans le cadre de la canicule, comme en 2021 et en 2022, une instruction ministérielle du 13 juin 2023 relative à la gestion des vagues de chaleur a été diffusée notamment aux préfets de région, de département et aux directeurs de DREETS (Directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités). Cette instruction rappelle les actions incombant aux agents du système de l'inspection du travail pendant la période de veille saisonnière et recense les ressources utiles à disposition des entreprises pour prévenir les risques liés aux vagues de chaleur.
On y retrouve :
- des actions concrètes à mener sur le terrain
- la remontée d'information concernant les mesures de prévention et de gestion mises en oeuvre par la DREETS
- le suivi des accidents graves et mortels
- le rappel des consignes destinées aux employeurs lorsqu'un département passe en vigilance rouge
- le niveau de mobilisation attendu des services déconcentrés en cas de vigilance rouge
- l'indemnisation ou la récupération des heures perdues pour cause de canicule.
Les recommandations pratiques
Le Guide ORSEC (Organisation de la Réponse de SEcurité Civile) sur la gestion des vagues de chaleur liste les recommandations pratiques à suivre par les employeurs, parmi lesquelles :
- veiller à l'élaboration et l'actualisation du document unique d'évaluation des risques et d'un plan de gestion interne des vagues de chaleur le cas échéant
- désigner un responsable de la préparation et de la gestion
- recenser les postes de travail les plus exposés à une source de chaleur importante
- mettre en place une organisation et les moyens adaptés (mesures de limitation de ces expositions (ex. horaires décalés, pauses plus fréquentes...)
- aménager les horaires de travail, augmenter la fréquence des pauses, reporter les tâches physiques éprouvantes, privilégier le télétravail lorsque cela est possible
- informer les salariés des risques, des moyens de prévention ainsi que des signes et symptômes du coup de chaleur et déshydratation
- mettre à disposition des salariés des locaux ventilés, de l'eau potable et fraîche, et ce, gratuitement
- vérifier que les adaptations techniques pertinentes (stores, aération...) permettant de limiter les effets de la chaleur ont été mises en place et sont fonctionnelles : dans les locaux fermés où les salariés sont amenés à séjourner, l'air doit être renouvelé
- consulter régulièrement les prévisions météorologiques afin d'anticiper au mieux voire réaménager l'activité et surveiller la température des locaux ;
- s'assurer que le port des protections individuelles est compatible avec les fortes chaleurs ;
- faire remonter toute situation anormale potentiellement en lien avec la chaleur au système d'inspection du travail
Pour les travailleurs en extérieur, dont ceux du BTP :
- aménager les postes de façon à ce que les travailleurs soient protégés, dans la mesure du possible
- prévoir un local permettant l'accueil des travailleurs dans des conditions préservant leur sécurité et leur santé. À défaut d'un tel local, des aménagements de chantier sont nécessaires afin de permettre la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans des conditions équivalentes
- mettre à la disposition des travailleurs au moins 3 litres d'eau par personne et par jour
Quelles sont les sanctions encourues ?
S'il constate l'emploi d'un jeune affecté à des travaux l'exposant à des températures extrêmes susceptibles de nuire à sa santé, l'agent de contrôle de l'inspection du travail peut notifier une décision de retrait du jeune affecté aux travaux interdits. Le non-respect de cette décision peut être passible d'une amende administrative. Par ailleurs, le fait d'employer un jeune à des travaux interdits est passible d'une amende.
D'une manière générale, l'employeur qui ne respecterait pas ses obligations en matière de conditions climatiques s'exposerait à des dommages intérêts pour manquement à son obligation de prévention et de sécurité.
En cas d'accident ou maladie contractée par un salarié sur le lieu de travail, sa responsabilité pourrait être engagée.
L'auteur
: Emilie Meridjen, associée en droit social au cabinet d'avocats Sekri Valentin Zerrouk est la partenaire de sociétés françaises et étrangères qu'elle conseille dans l'élaboration et la mise en oeuvre de documentations et stratégies sociales pertinentes, pragmatiques et sécurisées. Elle défend également ses clients devant les juridictions du travail et de la sécurité sociale.Sur le même thème
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