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La parité comme vecteur de performance et donc de croissance ?

L'index égalité femmes-hommes, appliqué graduellement depuis 2019 par le ministère du Travail, a pour objectif de supprimer les inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes. Au-delà de ceci, la parité ressort de plus en plus comme un élément favorisant la performance des entreprises.

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La parité comme vecteur de performance et donc de croissance ?
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La France, comme la plupart de ses voisins européens, entre dans une période de récession. La pérennité des entreprises françaises est au coeur de la relance. L'entreprise doit donc se restructurer et chercher à tout prix des leviers de croissance.

Si, de prime abord, la mise en place d'une politique de parité au sein de l'entreprise est vue comme une source de coûts et de contraintes qui pourrait, au vu des circonstances économiques, ne pas constituer une priorité, des études récentes démontrent le contraire. Et si la parité était un levier de croissance de nos entreprises ?

L'index égalité femmes/hommes

Issu de la loi " avenir professionnel " du 5 septembre 2018, l'index égalité femmes-hommes est appliqué graduellement depuis 2019 par le ministère du Travail pour supprimer les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes dans les entreprises.

Publié chaque année au plus tard le 1er mars au titre de l'année précédente, il est obligatoire depuis le 1er mars 2019 pour les entreprises de 1 000 salariés et plus, depuis le 1er septembre 2019 pour celles dont l'effectif se situe entre 250 et moins de 1 000 salariés, et à compter du 1er mars 2020 pour celles dont l'effectif se situe entre 50 et 250 salariés.

Il s'applique au secteur privé (entreprises, associations et syndicats), aux EPI et EPA. Il doit être calculé au niveau de chaque entreprise (entité légale) ou au niveau de l'Unité Economique et Sociale.

Le principe consiste à mesurer la performance de la société au titre d'une période de référence de 12 mois consécutifs qui sera choisie par l'employeur, par rapport à des indicateurs prédéfinis en fonction des effectifs de la société, tels que l'écart des rémunérations entre les femmes et les hommes, l'écart de taux d'augmentation individuelle de salaire hors promotion, l'écart de taux de promotions entre les femmes et les hommes, le pourcentage des salariées ayant bénéficié d'une augmentation dans l'année de leur retour de congé de maternité (si des augmentations sont intervenues pendant cette période) et le nombre de salariés " du sexe sous-représenté " parmi les 10 salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations.

La satisfaction des critères sera traduite en points et le nombre de points obtenus conditionnera la nécessité de prendre des mesures correctives ou le prononcé de sanctions financières à l'encontre de la société.

Une fois ces critères appliqués grâce à l'outil mis en place par le ministère du Travail, la note obtenue est rendue publique. En cas d'index inférieur à 75 points, l'entreprise doit mettre en place des mesures correctives pour atteindre ce seuil dans un délai de 3 ans. Ces mesures doivent être définies dans le cadre de la négociation obligatoire sur l'égalité professionnelle, ou, à défaut d'accord, par décision unilatérale de l'employeur et après consultation du CSE.

En cas de non-publication de son index, d'absence de mesures correctives ou d'inefficience de celles-ci, l'entreprise s'expose à une pénalité financière pouvant aller jusqu'à 1% de sa masse salariale annuelle.

Un lien entre la parité et l'augmentation significative de la performance des entreprises ?

Au-delà de l'exigence légale et du risque de sanctions, des études récentes font le lien entre l'atteinte de la parité à des niveaux de direction et l'augmentation significative de la performance des entreprises (McKinsey " Diversity Wins ", 19 mai 2020).

On retiendra notamment que la parité semble augmenter la diversité et la disponibilité des talents et permet une meilleure pénétration des marchés, étant donné la diversité des points de vue (les femmes représentant plus de 50% de la population). Sur le plan managérial, la parité diversifie les styles de leadership et renforce la mobilisation des collaborateurs en maximisant leur engagement. Finalement, les entreprises qui promeuvent la parité projettent une image positive sur les marchés, qui est particulièrement en phase avec les attentes des nouvelles générations.

Une approche de mise en conformité efficace basée sur la " compliance "

Les entreprises se trouvent alors devant un choix stratégique : calculer l'index en espérant obtenir un score supérieur à 75 ou entamer dès à présent une démarche structurante de " parité by design " permettant d'atteindre le seuil critique et d'améliorer ce score sur le long terme, le score de 75 n'étant en réalité qu'un minimum.

Toutefois, une approche plus ambitieuse consisterait à mettre en place un programme de conformité, et de " planifier " cette conformité. Concrètement, cette seconde approche conduira à repenser les éléments clés de la parité, tels que les politiques de ressources humaines impactant l'ensemble l'entreprise : évaluation de la performance, rémunération, recrutement, etc. - à travers un vrai paradigme de parité et en se questionnant systématiquement sur la présence des biais de genre. La démarche de renforcement de la parité à long terme participe d'une véritable mise en conformité et entre dans le périmètre de la " compliance ".

Cette approche, pragmatique et opérationnelle, déterminera une trajectoire de mise en conformité en fonction du niveau de conformité souhaité, en considérant les caractéristiques spécifiques de l'entreprise concernée (i.e. taille des effectifs, perspectives de croissances, etc.), celles de l'industrie dans laquelle elle opère (i.e. BTP vs soins à la personnes), mais aussi en anticipant des changements internes et externes à l'entreprise (évolutions légales, croissance des effectifs, crise pandémique, etc.).

La mise en conformité se conçoit alors comme un véritable projet d'entreprise, nécessitant un plan d'action sur plusieurs cycles, en fonction des ressources de l'entreprise en termes financiers et humains, des échéances et un suivi.

Le processus, évolutif, suivra un cycle classique en conformité : identification des risques, analyse d'écart selon le niveau de conformité souhaité, structuration d'un programme, gouvernance désignée pour en assurer l'orientation, sensibilisation au bienfondé du projet, formations favorisant l'implication des collaborateurs, référentiels de suivi des résultats et " reporting " aux instances dirigeantes sur l'efficacité et l'avancement du programme.

Autant d'étapes nécessaires pour installer à tous les niveaux de l'entreprise une parité qui peut/semble désormais faire partie des facteurs clé de sa performance, qu'il s'agisse de sa performance financière ou, très certainement, de sa résilience face aux crises que nous allons traverser.

Pour en savoir plus

Caroline Leblanc, Director Compliance & Regulatory Consulting chez Duff & Phelps, possède plus de 15 ans d'expérience, en France et au Canada, dans les domaines de la conformité réglementaire et du conseil et de l'audit des technologies de l'information. Elle dispose d'une solide expertise en criminalité financière, en protection des données à caractère personnel ainsi qu'en contrôles internes informatiques exercés sur l'information financière.

Claire Poirson, avocate associée chez Bersay est spécialisée dans les domaines de la propriété intellectuelle, des nouvelles technologies et des données personnelles ainsi qu'en droit de la distribution, des médias et de la presse.


Anne-Lise Puget, avocat en droit social-Associée chez Bersay, spécialisée en droit social, tant collectif qu'individuel, en conseil et en contentieux.



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