L'étau se resserre sur les mécanismes d'optimisation fiscale
Entre la coopération internationale au sujet de la lutte contre l'évasion fiscale et les évolutions réglementaires en France autour de la fraude fiscale, les entreprises ont tout intérêt à se montrer prudentes en termes d'optimisation fiscale.
Finies les belles années où les multinationales pouvaient profiter du manque d'harmonisation fiscale entre les différents pays pour en tirer des avantages financiers : les différents États se sont mis d'accord pour lutter conjointement contre toute forme d'évasion fiscale. Maître Emmanuel Dinh, spécialiste du droit fiscal français et international des entreprises, associé du Cabinet Couderc Dinh & Associés, date ce changement de position au G20 de l'année 2012. "Ils ont pris conscience que tout le monde se retrouvait perdant dans la course au moins-disant fiscal et ont décidé de durcir la lutte contre l'évasion fiscale et surtout de coopérer", raconte-t-il.
Aujourd'hui, la transparence fiscale entre États est donc de mise : des échanges ont lieu entre les différents pays pour s'assurer que l'assiette de l'impôt est correctement établie. Me Dinh donne l'exemple de la directive ATAD (anti tax avoidance directive, directive de lutte contre les pratiques d'évasion fiscale), qui date de janvier 2016 : pour mettre fin aux schémas d'évasion fiscale, cette directive s'attaque pêle-mêle à la déduction fiscale des charges financières nettes, à l'exit tax sur les transferts d'actifs d'un pays à un autre, aux instruments hybrides, aux sociétés étrangères contrôlées ou aux montages considérés comme abusifs. Au niveau de l'OCDE, Me Dinh cite le projet BEPS (base erosion and profit shifting, érosion de la base d'imposition et transfert de bénéfices) : il consiste en 15 actions qui ont pour objectif d'équiper les gouvernements d'instruments nationaux et internationaux pour lutter contre l'évasion fiscale en s'assurant que les profits soient taxés à l'endroit même où sont ceux-ci sont générés. Il est notamment question de solutionner les problèmes posées par l'économie numérique, de neutraliser les effets des dispositifs hybrides, de limiter l'érosion de la base d'imposition faisant intervenir les déductions d'intérêts et d'autres frais financiers, de lutter plus efficacement contre les pratiques fiscales dommageables via notamment l'échange de renseignements, d'empêcher l'utilisation abusive des conventions fiscales, d'aligner les prix de transfert calculés sur la création de valeur, etc.
Le tour de vis de la réforme du verrou de Bercy
"Même s'il est nécessaire de sanctionner les abus, l'étau se resserre sur les mécanismes d'optimisation fiscale", pense Me Emmanuel Dinh. En France, la réforme du "verrou de Bercy", en vigueur depuis 2018, est, selon l'avocat, le meilleur exemple de ce nouveau tour de vis. "Auparavant, c'était uniquement l'administration fiscale qui décidait de poursuivre les contribuables. Mais cette réforme prévoit une transmission automatique au parquet de comportements répréhensibles. Et les seuils sont assez bas", rapporte Me Dinh qui estime que le risque fiscal est de plus en plus fort et que le risque pénal s'est même accru. Les Daf ne sont pas directement visés par l'engagement de leur responsabilité pénale, à moins d'être également mandataires sociaux.
Pratiquer l'optimisation fiscale peut donc devenir risqué, que ce soit sur le sol français ou au niveau international. Si bien que Me Dinh observe une auto-censure au sein des entreprises à ce sujet : "Les entreprises s'interdisent d'économiser de l'impôt pour éviter la transmission du dossier au procureur", rapporte-t-il. Un comportement de prudence dû à la peur de la sanction mais aussi, pense l'avocat, aux définitions floues de la fraude et de l'évasion fiscales. "La fraude fiscale c'est se soustraire à l'impôt. C'est très large, on peut tout y mettre".
En bref, mieux vaut rester discret sur ses opérations d'optimisation fiscale. Et même les limiter au maximum pour s'assurer de rester conforme.
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