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La déclaration de créance ou comment faire valoir ses droits à l'égard d'une société en procédure collective

Lorsqu'une société fait l'objet d'une procédure collective, toutes les dettes nées avant le jugement d'ouverture sont automatiquement gelées. Quelles créances déclarer? Quelles modalités appliquer ? Explications.

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La déclaration de créance ou comment faire valoir ses droits à l'égard d'une société en procédure collective
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Pour faire valoir leurs droits, tous les créanciers ont l'obligation de déclarer leurs créances. À défaut, ils s'exposent à ne plus jamais pouvoir être payés de ce qui leur est dû.

Le domaine de la déclaration de créance : la procédure collective

Le jugement du tribunal qui ouvre l'une des trois procédures collectives (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire) emporte immédiatement et automatiquement le gel de toutes les créances nées avant le jugement d'ouverture. Ce gel du passif antérieur emporte trois conséquences : d'abord, les créanciers ont l'interdiction de poursuivre le débiteur en procédure collective aux fins d'obtenir le paiement de leurs créances. Ensuite, le débiteur a l'interdiction de payer ses créanciers antérieurs ; s'il le fait, les paiements seront annulés et le débiteur comme les créanciers s'exposeront à des sanctions pénales. Enfin, chaque créancier dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture devra déclarer sa créance.

Quelles créances déclarer ?

Toutes les créances nées avant l'ouverture de la procédure doivent être déclarées au passif du débiteur par les créanciers, quels que soient leur nature et leur titulaire : loyers, fournitures de marchandises, prestations de services, charges sociales, etc. Seuls les salariés sont dispensés de cette formalité. De même, le caractère échu ou non échu de la créance est indifférent. Enfin, que la créance soit certaine ou purement éventuelle, elle devra en toute hypothèse être déclarée.

Le seul critère à examiner est le fait générateur de la créance, autrement dit sa date de naissance. Pour les loyers, le fait générateur est caractérisé par l'occupation des locaux. Seule la période d'occupation antérieure à l'ouverture de la procédure donnera lieu, prorata temporis, à une déclaration de créance. Pour ce qui concerne la fourniture de marchandises ou la fourniture de prestations de service, le fait générateur est caractérisé par la livraison de la chose ou l'exécution de la prestation. Enfin, s'agissant des prêts de sommes d'argent, le fait générateur est fixé par la remise des fonds au débiteur. Ainsi, la banque qui a accordé un prêt à une société, placée en sauvegarde après la remise des fonds, devra déclarer l'intégralité des sommes qui lui sont dues, quelles que soient les modalités de remboursement initialement fixées.

Les modalités de la déclaration de créance : attention à la forme et aux délais !

La déclaration de créance est un document écrit qui doit être remis au mandataire judiciaire ou au liquidateur judiciaire dans un délai maximal de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture de la procédure au Bodacc. Ce délai est allongé de deux mois supplémentaires pour les créanciers domiciliés ou ayant leur siège social à l'étranger.

Un créancier qui omet de déclarer sa créance dans les délais est forclos, ce qui aura pour conséquence de rendre sa créance inopposable à la procédure collective. En d'autres termes, le créancier ne pourra en principe jamais être remboursé de sa créance.

La loi a cependant prévu un mécanisme permettant aux créanciers négligents de déclarer leurs créances hors délai, à condition de démontrer soit que leur omission n'est pas due à leur fait, soit que le débiteur a lui-même omis de signaler aux organes de la procédure l'existence de cette créance. Si cette preuve est rapportée, le juge-commissaire pourra relever le créancier de la forclusion et l'autoriser à déclarer sa créance hors délai.

La déclaration de créance doit comporter, entre autres mentions obligatoires, le montant de la créance due au jour du jugement d'ouverture, les éventuelles sûretés dont la créance est assortie, ou encore les éléments de nature à prouver l'existence et le montant de la créance. Point de vigilance extrêmement important : une fois le délai de déclaration expiré, la déclaration de créance ne pourra plus être modifiée. En particulier, il sera interdit de modifier à la hausse le montant de la créance.

Le sort de la déclaration de créance : l'admission ou le rejet

Lorsqu'une créance a été déclarée au passif, deux cas sont à envisager. Dans le premier cas (le plus simple), la créance est reconnue et validée par le débiteur et le mandataire judiciaire (ou le liquidateur judiciaire) chargé de la vérification du passif, avec pour conséquence son admission au passif. Le créancier pourra espérer être payé en tout ou partie de sa créance, soit dans le cadre du plan de sauvegarde ou de redressement qui sera arrêté ultérieurement, soit à l'occasion des répartitions de l'actif du débiteur en liquidation judiciaire.

Dans le second cas, la créance est contestée. Cette contestation sera matérialisée par une lettre adressée au créancier par le mandataire judiciaire (ou le liquidateur judiciaire) expliquant les motifs de contestation, lettre à laquelle le créancier devra répondre impérativement dans un délai de trente jours, qu'il soit français ou étranger ; à défaut, le créancier ne pourra plus s'opposer à la contestation soulevée. Enfin, la contestation sera portée devant le juge-commissaire, qui décidera, au vu des pièces et arguments respectifs du créancier et du débiteur, si la créance doit être admise ou rejetée, en totalité ou seulement partiellement.

Passage obligé de tout créancier d'une société en procédure collective, la déclaration de créance doit être établie avec le plus grand soin, en évitant les nombreux écueils de cet exercice souvent complexe et périlleux.

Pour en savoir plus

Nassim Ghalimi, est avocat au Barreau de Paris, Responsable du département de Droit des entreprises en difficulté / Restructuring Associé du Cabinet Osborne Clarke

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