L'indispensable protection des lanceurs d'alerte
Seule la protection du lanceur d'alerte permet la révélation de manquements ou dysfonctionnements au sein de l'entreprise. Cette protection revêt trois dimensions : la confidentialité, la protection pénale et la protection professionnelle.
La multiplication des dénonciations (notamment pour harcèlement) et les chartes éthiques / codes de bonnes conduites ont progressivement intégré des dispositifs de recueil des alertes. La procédure de recueil des signalements est obligatoire dans les entreprises d'au moins 50 salariés depuis le 1er janvier 2018 (loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 dite " Sapin II " et Décret n°2017-564 du 19 avril 2017).
Le lanceur d'alerte bénéficie d'un statut protecteur dès lors qu'il s'agit d'une personne physique, membre du personnel ou collaborateur extérieur et occasionnel, ayant eu personnellement connaissance des faits allégués, et agissant de manière désintéressée et de bonne foi.
La confidentialité
La procédure de recueil du signalement doit garantir la confidentialité :
- de l'identité du lanceur d'alerte : les éléments permettant de l'identifier ne peuvent être divulgués qu'avec son consentement
- de la ou les personnes visées
- des informations recueillies
L'identité du lanceur d'alerte et de la ou les personnes visées ne peuvent être transmises aux autorités compétentes que dans le cadre d'une procédure judiciaire. Mais, même dans ce cas, le consentement du lanceur d'alerte est requis. La divulgation d'éléments confidentiels est punie de 2 ans d'emprisonnement et de 30.000 € d'amende maximum.
La protection pénale
Afin que le lanceur d'alerte ne soit pas dissuadé de dénoncer les dysfonctionnements constatés (le plus souvent un délit), il bénéficie d'une irresponsabilité pénale.
Ainsi, le lanceur d'alerte n'est pas pénalement responsable pour la divulgation d'informations portant atteinte à la divulgation d'un secret lorsque celle-ci
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(i) est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause
(ii) respecte la procédure de signalement
(iii) est faite par une personne répondant aux critères du lanceur d'alerte.
L'irresponsabilité pénale est exclue seulement pour les 3 secrets suivants : secret de la défense nationale, secret médical et secret des relations entre un avocat et son client.
Par ailleurs, toute personne qui fait obstacle à la transmission d'un signalement aux autorités compétentes est punie d'un an d'emprisonnement et de 15.000 € d'amende maximum.
Enfin, le lanceur d'alerte bénéficie d'une protection contre les plaintes abusives pour diffamation. La loi Sapin II a renforcé la sanction encourue en cas de constitution de partie civile abusive ou dilatoire contre le lanceur d'alerte en portant l'amende à 30.000 € (au lieu de 15.000 €).
La protection professionnelle
Le lanceur d'alerte ne peut pas être écarté d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une formation professionnelle ni sanctionné, licencié ou faire l'objet de mesure discriminatoire directe ou indirecte (article L. 1133-3-3 du Code du travail).
Le statut protecteur est conditionné au respect des procédures de signalement et à la bonne foi du lanceur d'alerte.
La bonne foi exigée de la part du lanceur d'alerte renvoie bien sûr à l'absence d'intention de nuire. Elle s'apprécie aussi par rapport à son contraire, la mauvaise foi, que la chambre sociale de la Cour de cassation a définie, dans le cadre du contentieux concernant la dénonciation de faits de harcèlement, comme supposant la connaissance par le salarié de la fausseté des faits allégués.
La circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi (Cass. soc. 8 juillet 2020 n° 18-13.593). En pratique, la mauvaise foi du salarié n'est retenue qu'en cas de dénonciations mensongères, supposant une intention de nuire.
Toujours dans le but de faciliter la tâche du lanceur d'alerte, la charge de la preuve a été aménagée. En cas de litige relatif à une éventuelle mesure de rétorsion de l'employeur, le lanceur d'alerte devra présenter des éléments de fait permettant de présumer qu'il a signalé une alerte conformément à la procédure. L'employeur devra ensuite prouver que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé (article L. 1133-2-3 du Code du travail).
Enfin, en cas de rupture du contrat de travail à la suite d'un signalement, le lanceur d'alerte a la possibilité de saisir le Conseil de Prud'hommes en référé.
Pour en savoir plus
Manuelle Puylagarde, avocat en droit du travail, membre d'AvoSial, premier syndicat des avocats d'entreprise en droit social
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