Recherche

DossierLes grands chantiers des directions financières

Publié par le

2 - Finance durable, la prochaine révolution ?

La finance durable qui privilégie les opérations financières qui prennent en compte de critères extra-financiers ou ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) est le gros chantier de demain pour la fonction mais les directions financières sont-elles prêtes ?

  • Imprimer

Poussées par les contraintes réglementaires avec une obligation de déclarer sa performance extra-financière de plus en plus forte, mais pas seulement, poussées aussi par l'évolution conjoncturelle avec des crises successives qui ont rendu particulièrement tangible les enjeux climatiques et sociaux notamment, les entreprises et par extension leurs directions financières sont au pied du mur et n'ont plus d'autre choix que d'ouvrir le chantier RSE.

« De plus en plus d'entreprises sont soumises à des obligations extra-financières. Quand l'ancienne DPEF (déclaration de performance extra-financière) ne concernait que les entreprises de plus de 500 salariés, la nouvelle directive CSRD (corporate sustainability reporting directive) récemment entrée en vigueur va multiplier par quatre le nombre d'entreprises concernées. De même le règlement SFDR (sustainable finance disclosure reglementation) de l'Union européenne ou taxonomie verte, contraint les établissements financiers à plus de transparence auprès des sociétés auxquelles elles prêtent. L'ensemble de ces nouvelles réglementations vont cascader par capillarité et de plus en plus rares seront les entreprises qui ne seront pas impactées », prévient Audrey Leroy, commissaire aux comptes et associée BDO.

Un sujet présent mais peu mature

Problème : si des initiatives existent déjà dans bien des organisations, celles-ci sont encore peu ou mal structurées. Interrogés sur les engagements RSE de leur entreprise et les actions en faveur d'une finance durable, les Daf estiment que le chemin à parcourir est encore devant eux et jugent les engagements RSE de leur entreprise encore insuffisants en leur attribuant une moyenne d'à peine 6/10. Pour autant, lorsqu'ils sont interrogés sur des actions RSE déjà en place ou à venir, 94% répondent par l'affirmative. Un paradoxe qui montre la prise de conscience du chantier colossal que représente une réelle et globale transformation ESG des organisations.

« Je pensais qu'il serait facile de financiariser la RSE mais stabiliser les indicateurs se révèle extrêmement complexe », reconnaît Domingos Anthunes, directeur financements et trésorerie chez Décathlon, pourtant novateur et engagé sur la question. Décathlon a notamment introduit des critères ESG dans ses lignes de crédit. Six KPI ont été définis, sont suivis et revus en fonction des trajectoires déterminées. Une bourse interne basée sur un scoring par pays des émissions de CO2 a également été mise en place avec un effet incitatif assez efficace pour ne citer que ces exemples.

Les Daf à la manoeuvre ?

D'une manière générale, et c'est une bonne nouvelle, les Daf semblent bien positionnés pour agir : 42% sont fortement impliqués dans la stratégie RSE de leur entreprise en tant que leader (13%) ou sponsor (29%) et 38% sont partie prenante. De même, ils semblent avoir une assez bonne visibilité sur l'impact financier de leurs investissements durables à court et moyen terme mais se projettent mal à plus de 5 ans (18%) et quasiment pas à plus de 10 ans (5%). De par leur exigence et leur maîtrise des données, ils sont bien placés pour devenir le bras armé de la stratégie RSE de leur entreprise. Mais sont-ils réellement à la manoeuvre ? Sont-ils prêts à assumer ces nouvelles responsabilités pour lesquelles on les sollicite de plus en plus ?

La problématique principale pour les Daf est d'arriver à collecter toutes ces données extra-financières qui sont disséminées dans les différents services de l'entreprise, qui plus est, à différents niveaux ! Clin d'oeil au chantier digital, la mise en place d'un management de la donnée permettra de mieux collecter et de fiabiliser ces données. Tout ceci représente évidemment un coût humain et technologique important et nécessite de nombreuses étapes.

Prémices peut-être de cette transformation, les Daf semblent pour le moment concentrés sur l'organisation interne, l'engagement de l'ensemble des parties prenantes de l'entreprise (68%) et la fixation d'objectifs stratégiques (58%). « Attention toutefois à ne pas confondre politiques et actions à mettre en oeuvre », alerte Audrey Leroy de BDO qui constate que beaucoup d'entreprises se cantonnent à définir et suivre des indicateurs. « Les indicateurs ne sont que la finalité, ils ne donnent pas le chemin à suivre. La direction est donnée par les actions déployées. Elles seules conduisent à la prise de décision. La première des actions à réaliser est de remettre à plat les chaînes de valeur et le modèle d'affaire pour idfentifier les principaux impacts, risques et opportunités pour l'entreprise », conseille l'experte.

Des actions concrètes en interne sont possibles

Pour Susanne Liepmann, directrice financière et présidente de l'Association FiPlus, « si avoir une vision, une roadmap et un budget RSE est essentiel, cela ne peut être efficace que s'ils sont inscrits dans l'agenda stratégique au niveau du Comex et guident chaque décision. La Daf semble la bonne fonction transversale pour être fédératrice sur ce chantier qui réunit les 3P (People, Planet, Profit). » De même, la création d'un comité RSE avec des parties prenantes internes et externes aide à faire avancer les organisations plus rapidement sur ces sujets. Enfin, si le cap est la première chose à définir, avoir une boussole pour le maintenir est également prioritaire. Pour cela des modèles existent déjà mais il est aussi possible de construire sa propre méthodologie. « Chez RAISE nous avons construit une méthodologie de mesure et de management de l'impact (MMI) qui permet de qualifier le niveau d'impact d'une société et qui est applicable à toute taille et tout secteur d'entreprise, indique Romain Broutier CFO de RAISE. Nous avons choisi de la laisser en libre accès sur internet afin que tous ceux qui le souhaitent puissent l'utiliser ou s'en inspirer. » Et pour ceux qui ne savent pas par où commencer, passer par le prisme de la trésorerie et des financements pour imposer la prise en compte de critères ESG peut être un bon début.


BON À SAVOIR

Les bonnes pratiques des Daf du comité d'étude

-Monétiser l'extra-financier pour ensuite qu'il se partage.

-Mettre en place un budget carbone de la même façon qu'on donnait des enveloppes de CAPEX, ici il s'agirait de donner des enveloppes qui pénaliseraient ou bonifieraient les mauvais élèves et les bons.

-Mettre en place un P&L environnemental

-Réviser la supply chain et instaurer une labellisation fournisseurs

-Mettre en place un « mind package », travailler la création de valeur avec les actionnaires, les engager à réinvestir dans des projets RSE toute sur-création de valeur.

-Former les financiers de la société à la RSE.

Camille George

Sur le même sujet

S'abonner
au magazine
Retour haut de page