DossierLes grands chantiers des directions financières
La finance d'entreprise évolue fortement d'autant plus sous l'effet des récentes crises. Au coeur de ces transformations se trouve le Daf tantôt maître d'oeuvre, tantôt artisan du changement. Enquête au coeur des directions financière à travers l'étude Trends of Finance 2023 menée par Daf mag et BDO.

Sommaire
- Des puces et des hommes
- Un chantier perpétuel
- Une maturité en demi-teinte
- Des freins identifiés mais bloquants
- La gestion du capital humain fait sa mue
- Créer un collectif intergénérationnel
- Finance durable, la prochaine révolution ?
- Un sujet présent mais peu mature
- Les Daf à la manoeuvre ?
- Des actions concrètes en interne sont possibles
- La conscience des risques, l'ADN des Daf
- Cybersécurité enjeu n°1
- Instaurer une culture gestion du risque
1 Des puces et des hommes
Au coeur de ce réacteur qu'est l'entreprise, la fonction finance n'est jamais oisive mais au contraire toujours en lien avec les parties prenantes internes, que sont les autres directions support et métiers, autant qu'avec les parties prenantes externes, telles que les banquiers investisseurs actionnaires et autres membres du board. Afin de pouvoir répondre à tous les besoins de ses différents interlocuteurs, qu'ils soient opérationnels ou stratégiques, à effet immédiat ou de plus long terme, la direction financière doit être extrêmement agile et polyvalente. Un état d'adaptation quasi permanent qui pousse la fonction à évoluer et à se transformer.
Si les chantiers sont nombreux, il y en a quatre majeurs et incontournables qui occupent les directions financières quelle que soit la taille et le secteur d'activité de l'entreprise à laquelle elles sont attachées. La digitalisation bien sûr en fait partie et est même sans doute le chantier le plus ancien. La gestion des équipes est également source de transformations profondes pour les directions financières. L'effet de la crise Covid et l'arrivée sur le marché du travail de nouvelles générations de collaborateurs ont d'ailleurs encore accéléré le besoin de faire évoluer la gestion de l'humain. Chantier permanent mais particulièrement remis sur le devant de la scène en raison de la succession de crises apparues depuis 2020, la maîtrise des risques reste une préoccupation majeure des Daf et implique un travail d'équilibriste encore plus périlleux qu'avant. Enfin, un chantier encore en devenir pour beaucoup mais qui émerge de façon certaine depuis 2021-2022 est celui de la finance durable. Ce dernier, s'il est désormais reconnu comme nécessaire et inévitable reste difficile à appréhender pour les directions financières car il suppose d'arriver à conjuguer des notions d'utilité, de valeurs multiples et de durabilité et donc de fait oblige à modifier la pratique de la finance telle qu'elle existe actuellement.
Mais commençons par le commencement. A l'origine de toutes les grandes transformations de la finance d'entreprise se trouve la digitalisation.
Bien qu'à l'oeuvre depuis plusieurs années pour ne pas parler de décennies, la transformation digitale des entreprises n'est toujours pas terminée. Les enjeux à digitaliser la fonction finance sont pourtant plus forts que jamais : avec l'accélération des cycles constatée par l'ensemble des dirigeants financiers, tous secteurs confondus, le besoin d'efficacité opérationnelle, de simplification des process et d'agilité, notamment dans la prise de décision, n'ont jamais été aussi prégnants au sein des organisations.
2 Un chantier perpétuel
Et pourtant, dans le cadre de l'étude Trends of Finance 2023*, menée par Opinion Way pour Daf Magazine et BDO, les Daf interrogés sur l'état d'avancement de la transformation digitale de leur département ne s'attribuent en moyenne que 6,2 sur 10. Un résultat somme toute plutôt faible qui témoigne d'un sentiment mitigé en ce qui concerne la transformation digitale de leur propre direction financière. Si certains postes et certaines tâches ont déjà été digitalisés, la transformation digitale n'est jamais complète. Des freins persistent, complexifiant l'aboutissement du processus de transformation. Chantier perpétuel dont son architecte n'est jamais totalement satisfait, la digitalisation de la fonction est encore et toujours un sujet pour les Daf. « Souvent perçue comme le graal parce qu'elle est censée conduire à l'excellence opérationnelle tant recherchée, la digitalisation et la structuration digitale de la fonction est en réalité bien souvent un travail de funambule pour le Daf qui doit entre-autres composer avec le legacy, autrement dit l'héritage technologique, de l'organisation dans laquelle il opère », pointe Karine Havas, senior VP et CFO France et Afrique au sein du groupe Bureau Veritas.
3 Une maturité en demi-teinte
Parmi les points positifs : la dématérialisation des flux et des processus est largement acquise (par 71 % des répondants) et la digitalisation est bien avancée sur toute la partie transactionnelle, qu'il s'agisse de la gestion des factures fournisseurs (73 % de process Purchase to pay déployés ou en cours de déploiement) ou de celle des factures clients (75 % de process Order to cash déployés ou en cours de déploiement). Enfin, la grande gagnante en termes de maturité digitale est la comptabilité générale, digitalisée pour 83 % des répondants de l'étude. Autre point positif, la digitalisation est majoritairement transverse à l'ensemble des services. La sortie des organisations en silos est donc bel et bien amorcée.
En revanche si les directions financières ont assez largement dématérialisé, elles sont encore loin d'avoir toutes eu recours à l'automatisation des tâches et des processus (28 % seulement). Et seulement 8 % des répondants utilisent un outil d'intelligence artificielle tel que le machine learning par exemple. La révolution tant annoncée de la robotique et de l'IA n'a vraisemblablement pas eu lieu puisque ces outils peinent toujours semble-t-il à trouver leur place au sein des directions financières. C'est un autre des enseignements de l'étude Trends of Finance 2023.
Quant à l'enjeu prioritaire pour 2023 c'est très nettement le management de la donnée qui remporte la palme avec près de 70 % des suffrages. Exploiter les données et organiser cette exploitation pour lui donner du sens et de la valeur reste la principale préoccupation des directions financières. Collecter, trier, fiabiliser, bref, structurer le processus de traitement de la donnée sera leur prochain challenge. « La question de la gouvernance de la donnée est clé dans le sens où elle vise à mettre la donnée au service des décisionnaires de l'entreprise. Il s'agit de passer d'une notion de business model à celle de business services », estime un Daf dans le secteur aéronautique.
4 Des freins identifiés mais bloquants
Pourquoi cela prend-il autant de temps ? Parmi les freins identifiés le manque de temps est souvent le premier cité. En effet, les feuilles de route déjà bien chargées laissent peu de temps pour la veille, la mise en place, la formation et la prise en main. Mais derrière ce manque de temps affiché transparaissent les manquent réels. Et là ce sont les ressources financières et humaines qui sont principalement citées par les répondants : « Le manque de moyens humains au sein des équipe IT qui pâtissent de la pénurie de talents sur certaines connaissances spécifiques créent un manque de compétences qui peuvent ralentir le processus de digitalisation, relève un Daf d'une entreprise de recrutement. De plus si la transformation digitale de la finance n'est pas une top priorité pour l'entreprise l'allocation de budget s'en ressent forcément. »
Pour Laurent Lamoureux, associé et directeur métier expertise comptable chez BDO, le principal risque d'échec d'un projet digital est d'outiller sans faire évoluer les process : « Il n'y a rien de pire que d'implémenter des outils moderne tout en conservant de vieilles méthodes par habitude. Vous passerez alors le plus clair de votre temps à construire de passerelles pour que les flux communiquent. Le danger est qu'au lieu d'obtenir une organisation agile, on obtienne une usine à gaz. Il est important d'essayer d'avoir du recul pour construire le cycle le plus homogène possible dès le début. »
Mais pour cela il faut aussi accepter de faire quelques concessions sur ses habitudes de travail. Car le frein le plus bloquant reste la résistance au changement. La conduite du changement reste un défi pour les Daf qui soulignent « la complexité d'accompagner et d'engager les équipes dans ce changement » et qui jugent « essentiel le sponsorship de la direction générale ». Pour Patricia Moscatelli, director of strategic alliances chez Axway cela met en relief l'écart entre la réalité du monde de l'entreprise et la réalité du quotidien : « Le digital est aussi une question d'état d'esprit. Il faut des objectifs certes, mais portés par une vision qu'il convient de ne jamais perdre de vue. »
BON À SAVOIR
Les bonnes pratiques digitales des Daf du comité d'étude
Outre l'analyse quantitative menée auprès d'un panel de 150 Daf et CFO et la série d'entretiens individuels afin d'affiner l'analyse des résultats, nous nous sommes appuyés sur un comité d'expert composé d'une trentaine de Daf et CFO qui ont accepté de participer à plusieurs matinées de réflexion autour des thématiques de l'étude Trends of Finance 2023. Cela a donné lieu à des échanges riches et fait ressortir quicks wins et bonnes pratiques pour mener à bien un projet de digitalisation.
-Mettre en place un management de l'excellence opérationnelle. En se basant sur la méthode lean c'est assez facile à mettre en place et très impactant car cela permet de mettre la performance au service des collaborateurs.
-Mettre en place des Business Process Owner pour avoir des personnes capables de maîtriser voire d'imposer lorsqu'il le faut les nouveaux processus.
-De la même façon définir un « data model » avec des data owner afin de définir les bonnes règles de gestion et les bons filtres pour ne pas consolider n'importe quoi.
-Construire un catalogue des données financières pour permettre l'essor d'un langage commun (un ETP n'est pas toujours pris en compte de la même façon par la comptabilité et les RH par exemple).
-Raisonner problématiques avant de raisonner solutions.
- Instiller une culture de la donnée.
-Pour les grands groupes, promouvoir la création d'un CSP qui auront un apport réel pour les Business Units.
On le voit bien le processus de transformation digitale est certes bien entamé mais encore loin d'être achevé. Cela implique de nombreux changements dont celui de penser différemment ce qui n'est pas toujours facile à appliquer. Pour certains experts, la digitalisation est la 3e révolution mais c'est aussi la première à supprimer plus de postes qu'elle n'en crée. Pour d'autres au contraire elle peut être un moyen de revaloriser les métiers de la finance et les financiers. Ce qui est sûr c'est qu'elle bouleverse les métiers de la finance et les besoins en compétences. En somme elle est étroitement liée à l'humain.
5 La gestion du capital humain fait sa mue
« Si on regarde sur 3 ans les sujets de fond n'ont pas changé : le premier enjeu pour les directions financières porte sur la transformation des métiers. Le fait de digitaliser impacte fortement les métiers de la finance. Les besoins en compétences ont énormément évolué, estime Mathilde Mouquet directrice de la pratique RH chez Peregryne. Toute la question est comment identifier les compétences actuelles et les compétences de demain et comment accompagner cette évolution. »
Il s'agit d'une équation à enjeux multiples pour le Daf comme pour ses équipes. « Pour le Daf, il y a un véritable enjeu de leadership aujourd'hui. Les effets du digital sur les métiers ont engendré des enjeux en termes de gestion des carrières fort. Il est important d'avoir des décideurs capables d'organiser ce changements », souligne encore Mathilde Mouquet. Or, rien n'est moins simple car en période de changement la charge de travail est plus que conséquente puisque la réalité opérationnelle demeure. Et quelle entreprise aujourd'hui n'est pas en transformation ? Le changement est devenu permanent. De plus, les différentes crises (sanitaires, géopolitiques, inflationniste) ont généralisé de nouveaux besoins et attentes en termes de conditions de travail. Ce qui était essentiellement porté par les nouvelles générations entrant sur le marché du travail l'est aujourd'hui par une très large majorité de salariés : un environnement de travail positif qui favorise la mobilité et le télétravail mais aussi un meilleur équilibre vie privée-vie professionnelle par exemple.
Majoritairement conscients de ces nouvelles attentes (77%) tout comme des difficultés actuelles du marché de l'emploi, les Daf se concentrent sur la fidélisation (74%) et la formation (59%) de leurs collaborateurs avant d'envisager de recruter. Une stratégie plutôt judicieuse étant donné que des salariés épanouis favorisent le développement d'une culture d'entreprise positive et valorise la marque employeur.
6 Créer un collectif intergénérationnel
La difficulté pour les directions financières sera d'arriver à créer un collectif qui n'exclut pas les anciens et qui intègre les nouveaux. « La gestion de l'évolution des compétences en interne est hautement stratégique. On parle beaucoup de la transformation digitale mais en parallèle de celle-ci, l'évolution des équipes et l'accompagnement au changement sont tout aussi essentiels. Or il est presque plus long de transformer une organisation humaine que des outils », pointe Franck Angibaud, chief transformation finance officer chez Alten.
D'une manière générale, les Daf ont une analyse assez juste de la situation et sont conscients des enjeux et des problématiques liées au capital humain. Mais s'ils ne se voilent pas la face, ils semblent un peu démunis sur la bonne méthode à mettre en place pour avancer sur ces sujets.
Et ce, principalement parce qu'ils ne sont pas seuls décisionnaires sur ces sujets. La transformation RH ne peut pas être seulement limitée à une fonction, une direction, elle est forcément globale et concerne l'entreprise dans son ensemble. Elle passera nécessairement par une évolution des modes de management. Et si la direction financière peut être force de proposition, l'impulsion du changement devra venir de tout en haut, de la direction générale.
« Si l'impulsion doit être top-down, les bonnes pratiques, elles peuvent être bottom-up, souligne Mathilde Mouquet. C'est en donnant plus de marge de manoeuvre et d'autonomie à leurs équipes que de nouveaux fonctionnements émergeront. »
Bien sûr en fonction du secteur, plus que de la taille de l'entreprise, le Daf partira de plus ou moins loin avec plus ou moins de facilités à faire accepter le changement. Mais quelle que soit la situation initiale, de bonnes pratiques sont à piocher chez les plus avancés en la matière. Chez Fed Finance par exemple, la gestion des carrières est gérée quasiment de façon sur-mesure : « Pilotée par les ressources humaines et soutenue par le management, une learning culture avec un système de mentors internes et la définition de "rôles" pour accompagner la montée en compétence d enos collaborateurs a été mise en place », explique William Naccache, Daf du cabinet de recrutement Fed Finance. Pour Mathilde Mouquet, l'autre levier clé est le lien que le Daf crée avec ses équipes. On oublie souvent que travailler avec des gens ne signifie pas les connaître. « Demandez-vous si vous connaissez vos collaborateurs, leurs projets, leurs centres d'intérêt. Vous trouverez alors plus facilement comment les engager et comment les accompagner dans une évolution qui leur correspondra », conseille-t-elle.
BON À SAVOIR
Les bonnes pratiques RH des Daf du comité d'étude
-Avoir recours à l'alternance ou mettre en place un parcours de formation de 3 ans sur les fonctions comptabilité et gestion pour aider au recrutement et faire rapidement monter les jeunes en compétences.
-Adopter une démarche bottom-up en créant des communautés internes métier par métier afin que les collaborateurs construisent eux-mêmes le futur de leur organisation.
-Ne pas hésiter à détacher un collaborateur sur une mission connexe à ses fonctions habituelles, le détacher géographiquement lorsque c'est possible, pour lui ouvrir de nouvelles perspectives.
-Au niveau RH faire une cartographie des compétences plutôt que des métiers.
La mère de toutes les transformations, celle qui en a généré beaucoup d'autres dans son sillage est sans conteste la digitalisation. Un chantier encore en cours et indissociable de la mue des métiers et des équipes.
7 Finance durable, la prochaine révolution ?
Poussées par les contraintes réglementaires avec une obligation de déclarer sa performance extra-financière de plus en plus forte, mais pas seulement, poussées aussi par l'évolution conjoncturelle avec des crises successives qui ont rendu particulièrement tangible les enjeux climatiques et sociaux notamment, les entreprises et par extension leurs directions financières sont au pied du mur et n'ont plus d'autre choix que d'ouvrir le chantier RSE.
« De plus en plus d'entreprises sont soumises à des obligations extra-financières. Quand l'ancienne DPEF (déclaration de performance extra-financière) ne concernait que les entreprises de plus de 500 salariés, la nouvelle directive CSRD (corporate sustainability reporting directive) récemment entrée en vigueur va multiplier par quatre le nombre d'entreprises concernées. De même le règlement SFDR (sustainable finance disclosure reglementation) de l'Union européenne ou taxonomie verte, contraint les établissements financiers à plus de transparence auprès des sociétés auxquelles elles prêtent. L'ensemble de ces nouvelles réglementations vont cascader par capillarité et de plus en plus rares seront les entreprises qui ne seront pas impactées », prévient Audrey Leroy, commissaire aux comptes et associée BDO.
8 Un sujet présent mais peu mature
Problème : si des initiatives existent déjà dans bien des organisations, celles-ci sont encore peu ou mal structurées. Interrogés sur les engagements RSE de leur entreprise et les actions en faveur d'une finance durable, les Daf estiment que le chemin à parcourir est encore devant eux et jugent les engagements RSE de leur entreprise encore insuffisants en leur attribuant une moyenne d'à peine 6/10. Pour autant, lorsqu'ils sont interrogés sur des actions RSE déjà en place ou à venir, 94% répondent par l'affirmative. Un paradoxe qui montre la prise de conscience du chantier colossal que représente une réelle et globale transformation ESG des organisations.
« Je pensais qu'il serait facile de financiariser la RSE mais stabiliser les indicateurs se révèle extrêmement complexe », reconnaît Domingos Anthunes, directeur financements et trésorerie chez Décathlon, pourtant novateur et engagé sur la question. Décathlon a notamment introduit des critères ESG dans ses lignes de crédit. Six KPI ont été définis, sont suivis et revus en fonction des trajectoires déterminées. Une bourse interne basée sur un scoring par pays des émissions de CO2 a également été mise en place avec un effet incitatif assez efficace pour ne citer que ces exemples.
9 Les Daf à la manoeuvre ?
D'une manière générale, et c'est une bonne nouvelle, les Daf semblent bien positionnés pour agir : 42% sont fortement impliqués dans la stratégie RSE de leur entreprise en tant que leader (13%) ou sponsor (29%) et 38% sont partie prenante. De même, ils semblent avoir une assez bonne visibilité sur l'impact financier de leurs investissements durables à court et moyen terme mais se projettent mal à plus de 5 ans (18%) et quasiment pas à plus de 10 ans (5%). De par leur exigence et leur maîtrise des données, ils sont bien placés pour devenir le bras armé de la stratégie RSE de leur entreprise. Mais sont-ils réellement à la manoeuvre ? Sont-ils prêts à assumer ces nouvelles responsabilités pour lesquelles on les sollicite de plus en plus ?
La problématique principale pour les Daf est d'arriver à collecter toutes ces données extra-financières qui sont disséminées dans les différents services de l'entreprise, qui plus est, à différents niveaux ! Clin d'oeil au chantier digital, la mise en place d'un management de la donnée permettra de mieux collecter et de fiabiliser ces données. Tout ceci représente évidemment un coût humain et technologique important et nécessite de nombreuses étapes.
Prémices peut-être de cette transformation, les Daf semblent pour le moment concentrés sur l'organisation interne, l'engagement de l'ensemble des parties prenantes de l'entreprise (68%) et la fixation d'objectifs stratégiques (58%). « Attention toutefois à ne pas confondre politiques et actions à mettre en oeuvre », alerte Audrey Leroy de BDO qui constate que beaucoup d'entreprises se cantonnent à définir et suivre des indicateurs. « Les indicateurs ne sont que la finalité, ils ne donnent pas le chemin à suivre. La direction est donnée par les actions déployées. Elles seules conduisent à la prise de décision. La première des actions à réaliser est de remettre à plat les chaînes de valeur et le modèle d'affaire pour idfentifier les principaux impacts, risques et opportunités pour l'entreprise », conseille l'experte.
10 Des actions concrètes en interne sont possibles
Pour Susanne Liepmann, directrice financière et présidente de l'Association FiPlus, « si avoir une vision, une roadmap et un budget RSE est essentiel, cela ne peut être efficace que s'ils sont inscrits dans l'agenda stratégique au niveau du Comex et guident chaque décision. La Daf semble la bonne fonction transversale pour être fédératrice sur ce chantier qui réunit les 3P (People, Planet, Profit). » De même, la création d'un comité RSE avec des parties prenantes internes et externes aide à faire avancer les organisations plus rapidement sur ces sujets. Enfin, si le cap est la première chose à définir, avoir une boussole pour le maintenir est également prioritaire. Pour cela des modèles existent déjà mais il est aussi possible de construire sa propre méthodologie. « Chez RAISE nous avons construit une méthodologie de mesure et de management de l'impact (MMI) qui permet de qualifier le niveau d'impact d'une société et qui est applicable à toute taille et tout secteur d'entreprise, indique Romain Broutier CFO de RAISE. Nous avons choisi de la laisser en libre accès sur internet afin que tous ceux qui le souhaitent puissent l'utiliser ou s'en inspirer. » Et pour ceux qui ne savent pas par où commencer, passer par le prisme de la trésorerie et des financements pour imposer la prise en compte de critères ESG peut être un bon début.
BON À SAVOIR
Les bonnes pratiques des Daf du comité d'étude
-Monétiser l'extra-financier pour ensuite qu'il se partage.
-Mettre en place un budget carbone de la même façon qu'on donnait des enveloppes de CAPEX, ici il s'agirait de donner des enveloppes qui pénaliseraient ou bonifieraient les mauvais élèves et les bons.
-Mettre en place un P&L environnemental
-Réviser la supply chain et instaurer une labellisation fournisseurs
-Mettre en place un « mind package », travailler la création de valeur avec les actionnaires, les engager à réinvestir dans des projets RSE toute sur-création de valeur.
-Former les financiers de la société à la RSE.
La finance durable qui privilégie les opérations financières qui prennent en compte de critères extra-financiers ou ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) est le gros chantier de demain pour la fonction mais les directions financières sont-elles prêtes ?
11 La conscience des risques, l'ADN des Daf
La mise sous contrôle des risques constitue bien évidemment un enjeu fort pour les directions financières et irrigue d'ailleurs tous les autres chantiers en cours ou à venir cités précédemment. Habitués, de par leur fonction au sein de l'entreprise, à anticiper, identifier et mettre sous contrôle les risques, les Daf ont naturellement une bonne appréhension de la gestion des risques.
Les entreprises elles-mêmes semblent avoir progresser sur ce terrain. C'est en tous cas ce qui ressort de l'étude Trends of Finance 2023 menée par Opinion Way pour Daf Magazine et BDO. Selon les Daf interrogés, les principaux risques sont jugés sous contrôle et leur gestion bénéficie d'une bonne maturité puisqu'ils attribuent à leur entreprise une note moyenne de 7,3/10 sur la sécurisation de la data par exemple ou encore 7,6 sur la gestion de la conformité et 7,4 concernant la maîtrise du risque de défaillance clients.
12 Cybersécurité enjeu n°1
Il n'en reste pas moins que les risques constituent une matière protéiforme, mouvante et parfois peu préhensible. « Entre l'apparition de nouveaux risques, la résurgence de risques un peu oubliés et l'accélération des cycles, il n'y a plus vraiment de temps de pause dans la gestion des risques. Tout va extrêmement vite aujourd'hui », constate Eric Picarle, associé BDO.
Sans surprise l'enjeu prioritaire clairement identifié par les directions financières est la cybersécurité pour 77 % des répondants avec des efforts particuliers portés sur la sécurisation des datas. « Bien souvent le problème n'est pas tant d'identifier les risques que de les documenter et de les processer, souligne Eric Picarle. Or cela évolue positivement. On constate de nets progrès avec des efforts particuliers sur la documentation et les mesures de protection. » Pour l'expert, la première étape est de réaliser une matrice des risques une bonne fois pour toute afin de prioriser et de matérialiser les risques. « Cela demande certes un investissement humain et financier important mais cela en vaut la peine. » Notons que le travail de documentation représente en moyenne le travail d'une personne à temps plein sur un mois, implique la conduite d'interviews sur le terrain dans tous les services en interne et bien souvent l'intervention d'un ou plusieurs prestataires externes.
13 Instaurer une culture gestion du risque
Parce qu'un travail poussé sur la gestion des risques permet de faire ressortir les points forts actuels et les besoins pour demain, il est possible d'utiliser ces travaux comme driver positif et non plus par la peur comme ce fut longtemps le cas. Et les Daf semblent l'avoir pleinement compris puisqu'ils sont une large majorité à vouloir mettre l'accent sur la structuration interne en investissant sur l'organisation de la gestion des risques. 72% des Daf interrogés prônent en effet une gestion des risques partagée en interne le plus largement possible. Pour près de 70% des Daf la priorité en 2023 sera de développer une culture de la gestion des risques. On note qu'il ne s'agit pas de culture du risque (conduite par la peur) mais bien une culture de la gestion du risque avec donc une dimension pédagogique forte. L'objectif étant que chacun prenne conscience, comprenne et s'approprie les risques qui les concernent directement. « Il y a une réelle ambition de décloisonner la perception du risque dans l'organisation par la compréhension des enjeux globaux notamment, témoigne Emmanuel Piot, secrétaire général des activités Habitat IDF de Vinci Construction. Nous avons mené des audits internes sur le terrain pour quantifier et faire remonter les risques mais également pour impliquer les opérationnels. Nous leur avons ensuite fourni un aide-mémoire des bonnes pratiques. » Créer des groupes de travail pour faciliter l'appropriation et la communication naturelle des métiers est une autre possibilité et également une méthode pour dédiaboliser les risques sans toutefois les minimiser. Pour achever de positiver l'approche tout en responsabilisant chacun des programmes de certification pour les collaborateurs peuvent être mis en place sur les bons réflexes cyber par exemple.
Côté outils, les investissements semblent avoir été fait. Ils ne sont en tous cas pas prioritaires pour les directions financières. 60 % des répondants affirment ainsi être équipés de solution de prévision et de scénarisation des risques. Même chose pour les outils de conformité permettant de réduire les risques réglementaires. « Il n'existe pas de solution magique pour gérer les risques. La technologie sera toujours au service de la stratégie. Il ne faut donc pas attendre après la technologie pour avancer sur ces sujets. L'humain reste central et a seule cette capacité de transformation », conclut Eric Picarle, associé BDO.
BON À SAVOIR
Les bonnes pratiques des Daf du comité d'étude
-Identifier les bonnes personnes en interne pour établir la cartographie des risques et s'assurer qu'elle est utilisée.
-Prévoir une révision annuelle de cette cartographie.
-Responsabiliser les services pour que chacun joue sa partition et partage l'enjeu de protection.
-Communiquer largement grâce à un guide pratique par exemple puis nommer une personne référente pour s'assurer le sponsorship et l'accompagner en créant des groupes de travail ou communautés internes.
-Proposer des programmes de certification pour engager les collaborateurs et saluer les bonnes conduites vis-à-vis du risque cyber notamment.
Le fil d'Ariane de toutes ces transformations est bien sûr la gestion des risques. Tout changement implique une ou plusieurs inconnues et une mise en risque qu'il faut évaluer et maîtriser. Or, ce terrain-là aussi est plus que mouvant.
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