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Notation de crédit : est-ce rentable d'investir pour une PME ou une ETI ?

Jusqu'ici réservée aux grands groupes, la notation de crédit se démocratise grâce à l'apparition d'agences européennes ciblant les PME et ETI. Solliciter une notation représente toutefois un coût qu'il faut bien prendre en compte avant de se lancer.

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Notation de crédit : est-ce rentable d'investir pour une PME ou une ETI ?

Débourser plusieurs centai­nes de milliers d'euros par an pour se faire noter par les gran­des agences d'évaluation financière - Standard & Poor's, Moody's ou Fitch, pour ne pas les nommer -, ce n'est bien sûr pas franchement envisageable pour une start-up, une PME et difficilement pour une ETI. Ce n'est d'ailleurs pas forcément conseillé non plus, note Didier Philouze, head of debt advisory chez Redbridge. « Les critères de ces gran­des agences sont plutôt adaptés aux grands groupes. Même si elles ont un peu fait évoluer les choses ces dernières années, le paramètre de la taille de l'entreprise reste essentiel dans la note. Une petite entreprise, même solide, sera toujours moins bien notée qu'un groupe. »

En revanche, depuis quelques années, un autre type d'agence de notation a fait son apparition en Europe, revendiquant une cible d'entreprises de taille plus modeste et participant ainsi à une démocratisation de la pratique de la notation. Leurs process et leurs critères de notation, surveillés de près par l'autorité européenne des marchés financiers, sont adaptés à cette cible et intègrent la plupart du temps des données extra-financières.

Plusieurs agences se disputent le marché en France, notamment EthiFinance, Inbonis Rating ou encore Scope Ratings. Avec des tarifs allant de 5 000 euros à 50 000 euros en moyenne, beaucoup plus abordables pour des PME et des ETI, voire même pour des start-up.

Pour autant, cela reste un poste de dépense non négligeable, d'autant que pour une utilisation sur le long terme, la note doit être actualisée chaque mois (avec le coût qui va de pair évidemment). Alors, le jeu en vaut-il réellement la chandelle ?

Pourquoi investir dans une notation ?

La réponse est résolument oui, pour Bénédicte Foussard, directrice administrative et financière de la petite entreprise Vertal, fabricant de biostimulants à destination de l'agriculture. Créée il y a 22 ans, la PME de 25 salariés (chiffre d'affaires de moins de 5 millions d'euros) prend désormais son envol et va construire sa première usine. Elle a fait appel à Inbonis Rating pour obtenir une note - qu'elle espérait bonne, évidemment -, afin de soutenir ses demandes de financements bancaires ainsi que ses demandes de subventions françaises (Bpifrance) et européennes (Feder). Carton plein sur tous les plans ! « J'arrivais sur ce poste, j'avais besoin de savoir comment était estimée la solidité de l'entreprise et donc combien je pouvais espérer lever. La cotation Banque de France donne une image du passé, je voulais une image du futur ! J'ai obtenu 100 % des financements bancaires demandés et nos dossiers de subvention ont été acceptés ! » Pour la directrice financière, pas de doute, la note décrochée par Vertal, un joli B, a pesé très favorablement dans la balance.

Pour Brice Fournet, le Daf d'Aegide Domitys (500 millions d'euros de CA, 4 100 collaborateurs), le jeu en vaut aussi clairement la chandelle. Le directeur financier de l'entreprise spécialisée dans les résidences services seniors a, pour sa part, fait appel à EthiFinance l'année dernière. « Nous avions pour ambition d'expérimenter de nouveaux instruments de finan cement, notamment un programme de NEU CP. Pour accéder à ce marché, il fallait soit être coté en Bourse, soit que le programme soit garanti par une banque, soit être noté. Nous avons choisi cette dernière option. Cette note permet de donner aux investisseurs des informations sur notre capacité à assurer nos engagements à court terme. Cette démarche a un coût (de l'ordre de 20 à 30 k€ par an), mais les effets sont clairement positifs. Le lancement du programme a été un vrai succès puisqu'en deux mois, nous avons réussi à émettre l'intégralité de notre programme de NEU CP à des conditions de financement intéressantes. » Brice Fournet souligne un autre point positif de la notation : « Elle illustre une certaine maturité financière de notre organisation, elle signifie que nous sommes capables de mobiliser du temps et de l'argent sur cette démarche. Elle renforce notre crédibilité. »

À ces arguments, Bertrand Potier, directeur crédit ratings d'EthiFinance, ajoute : « Dans 95 % des cas, une entreprise sollicite une notation parce qu'elle a besoin de financements. Cette notation lui permet de rassurer ses partenaires sur sa fiabilité, la transparence de sa communication. La notation lui permet d'ouvrir le champ des possibles dans les leviers de financement. Et puis, cette démarche est aussi un banc d'essai pour les CFO, elle leur permet de se préparer aux questions des investisseurs. » Emmanuelle Bonal, directrice commerciale d'Inbonis Ratings, abonde dans le même sens : « Notre notation, avec le rapport associé, a une valeur pédagogique pour l'entreprise. Elle peut être un élément de monitoring interne. D'ailleurs, une entreprise qui se lance dans une notation, et qui craint de ne pas être suffisamment solide pour obtenir une bonne note, peut démarrer par une notation confidentielle qui pourra servir de base de travail pour les années suivantes. »

Didier Philouze, de Redbrige, confirme l'intérêt pédagogique potentiel : « La quasi-totalité des grosses PME et des ETI est en réalité notée, sans forcément le savoir. S'engager dans une démarche volontaire peut leur permettre de mieux comprendre comment elles le sont. Certaines peuvent être défavorisées par certains points qu'elles pourraient facilement améliorer. » Néanmoins, l'expert relativise : « Au-delà de l'aspect compréhension de la note et amélioration des process internes, à mon sens, l'intérêt d'une notation sollicitée, pour une PME, n'est pas majeur. À moins d'en avoir un besoin strict pour des financements particuliers. » Point de vue similaire pour Medhi Makhlouf. À la tête du cabinet Tracks Financements, il accompagne des start-up et des PME dans leurs recherches d'investisseurs. « J'ai travaillé avec plusieurs start-up qui s'interrogeaient justement sur l'opportunité de solliciter une notation avant d'aller rencontrer des fonds d'investissement. Nous avons constaté que le rapport gain/investissement n'était pas évident, car les fonds disposent en interne des compétences pour mener les investigations et réaliser leur propre scoring. Ils mènent leurs propres analyses de toute façon, note ou pas note. »

Comment ça marche ?

Pour travailler avec les PME et ETI, les agences de notation spécialisées dans cette cible ont bien compris que les process ne pouvaient évidemment pas être les mêmes que ceux appliqués aux grands groupes. Chez Inbonis, par exemple, Emmanuelle Bonal revendique une procédure parfaitement compatible avec la taille et la structuration de la Daf d'une entreprise de taille moyenne. « Nous nous basons sur trois sources d'information : toute l'information publique, les informations du rating book construit par l'entreprise (documents financiers, tableau d'endettement, business plan, etc.) et un entretien d'un analyste avec le Daf ou le directeur général. La note est ensuite envoyée dans les 15 jours, l'entreprise a 24 heures pour apporter d'éventuels éléments complémentaires. » Même logique du côté d'EthiFinance : « Nous faisons le maximum pour ne pas être trop chronophages. L'essentiel des échanges se fait avec le Daf, après un quick off d'une heure avec le dirigeant. Quatre semaines de travail sont suffisantes », précise Rémy Estran, directeur d'EthiFinance Ratings . Reste donc à peser le pour et le contre, en fonction des besoins et objectifs de l'entreprise.

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