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Julien Beaufreton (DAF Asia Voyages) : « Le Daf de demain sera un directeur de l'impact »

Asia Voyages est un tour opérateur spécialiste de l'Asie au départ du marché français, qui fête ses 40 ans cette année. Chaque année, près de 20 000 clients partent pour des voyages de loisirs. Entre la finance, les fonction RH et l'IT, Julien Beaufreton, directeur administratif et financier, se vit comme un véritable Daf « multidimensionnel ». Rencontre.

Publié par Christina DIEGO le | Mis à jour le
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Julien Beaufreton (DAF Asia Voyages) : « Le Daf de demain sera un directeur de l'impact »
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Quel a été votre parcours jusqu'à votre poste actuel chez Asia Voyages ?

Julien Beaufreton : Après une double formation en philosophie et en finance à Sciences Po Paris, j'ai débuté ma carrière en Chine, en faisant du contrôle de gestion. J'ai fait 15 ans de fusion-acquisition dans différentes institutions, en banque d'affaires, et en Mid Cap multi-secteurs. Je suis arrivé chez Asia en 2019 où j'occupe la fonction de directeur financier, mais aussi des RH, et depuis peu, du pilotage IT et des systèmes d'information. L'ajout de la fonction ressources humaines à mes responsabilités financières transforme mon rôle en un véritable défi multidimensionnel.

Quelles sont pour vous les spécificités d'un Daf « multidimensionnel » ?

J. B. : Le métier de directeur administratif et financier dans les entreprises de taille intermédiaire présente une complexité particulière, car il doit simultanément incarner plusieurs typologies distinctes de responsabilités. Cette polyvalence est d'autant plus marquée dans les PME, où le Daf se trouve contraint d'endosser plusieurs rôles. La première dimension consiste en une fonction de contrôleur des coûts, que l'on pourrait qualifier de « cost-killer ». La seconde dimension revêt un caractère de garant de la conformité. Le Daf se doit d'assurer la mise à jour permanente de toute la documentation juridique, légale et administrative. La troisième dimension confère au Daf un rôle d'ambassadeur et d'interface entre les différents acteurs de l'entreprise (actionnaires, banquiers, comité de direction, etc.)

Enfin, la quatrième dimension, souvent négligée, consiste en un rôle de facilitateur du développement de l'entreprise. Le Daf doit être un acteur du développement commercial et stratégique, au service des autres fonctions de l'entreprise plutôt qu'un simple garde-fou. Cette dimension exige une approche « business minded » qui dépasse la simple conformité réglementaire ou le contrôle des coûts. Cette polyvalence constitue à la fois la richesse et la complexité de la fonction financière dans les structures de taille intermédiaire.

Comment intégrez-vous les outils IA dans votre quotidien ?

J. B. : Nous sommes soumis à une réglementation très spécifique régie par le code du tourisme. À ce titre, l'IA soulève des enjeux technologiques majeurs. Et l'IA n'est pas une innovation récente dans notre secteur. En finance, nous l'utilisons depuis longtemps, souvent sans en avoir pleinement conscience. L'implémentation de solutions d'IA ne peut se faire de manière isolée ou improvisée. Elle doit s'inscrire dans une réflexion globale sur nos architectures technologiques, nos processus et nos flux opérationnels. Son efficacité dépend fondamentalement de la qualité de nos processus sous-jacents. Des flux mal organisés ou mal maîtrisés reproduiront leurs dysfonctionnements même avec l'apport de l'IA. Cette technologie doit être considérée comme un outil au service de nos processus, et non comme une fin en soi.

Le secteur du tourisme a un impact environnemental, où en êtes-vous au niveau de la stratégie RSE, dans un contexte de report de la CSRD ?

J. B. : Ce délai supplémentaire constitue une chance de perfectionner notre approche et de mettre en place les processus nécessaires pour répondre pleinement aux exigences réglementaires. L'engagement en faveur du développement durable représente aujourd'hui un enjeu majeur de compétitivité pour les acteurs du secteur touristique. Notre spécialisation dans les déplacements aériens, incontournables pour les voyages en Asie, génèrent en effet une empreinte carbone significative. Cette situation place notre secteur dans une position paradoxale. D'une part, nous contribuons effectivement à l'émission de gaz à effet de serre. D'autre part, le tourisme joue un rôle fondamental dans le développement économique des pays d'accueil. Sur le plan économique, l'impact du tourisme est tout aussi significatif. Il représente par exemple près de 20 % du PIB thaïlandais, illustrant son importance vitale pour de nombreuses économies.

Cette dualité soulève des questions complexes. Les enjeux environnementaux doivent donc être appréhendés dans leur globalité, en tenant compte de ces dimensions sociales et économiques tout aussi fondamentales.

Quel est votre rôle côté direction financière sur ce chantier ESG-RSE ?

J. B. : Je pense ce sujet incombe particulièrement au directeur administratif et financier, et ce, pour plusieurs raisons. Notre feuille de route pour les années 2025-2026 s'articule en effet autour d'un projet structuré en trois phases distinctes et complémentaires. La première consiste en l'élaboration d'indicateurs extra-financiers pertinents, assortis d'objectifs d'amélioration clairement définis. La seconde étape, tout aussi cruciale, implique la mise en place d'un système de suivi dans la durée. Enfin, une autre phase consiste en la formalisation et la publication de ces informations dans un rapport extra-financier. Cette étape de documentation et de communication publique vise à garantir la transparence de notre démarche, nos engagements et de nos réalisations.

Comment travaillez-vous avec les équipes RSE ?

J. B. : Notre structure, de taille intermédiaire, ne justifie pas la création d'une direction dédiée exclusivement à la RSE, elle est pleinement intégrée au sein de la direction financière. Les compétences analytiques et quantitatives constituent le coeur de métier des services financiers. Nous maîtrisons déjà le suivi d'indicateurs complexes, qu'il s'agisse du EBITDA, du ROI, du ROCE, ou encore du gearing. Ces mêmes compétences doivent être appliquées aux indicateurs extra-financiers, qui ne sont au fond que des mesures alternatives de performance.

Cette évolution du rôle de la direction financière préfigure ce que devraient devenir les fonctions financières de demain : des directions de l'impact. Je pense que le directeur administratif et financier se transforme progressivement en directeur de l'impact, dont la mission consiste à évaluer et optimiser l'ensemble des dimensions de la performance, financière et extra-financière. À mon sens, cette transformation représente l'avenir de notre métier.

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