Comment les directions financières peuvent-elles devenir plus stratèges dans un contexte d'incertitudes ?
Incertitudes géopolitiques, volumétrie de la gestion financière, arrivée de l'IA, transformation de la fonction... les directions financières doivent gérer un environnement de travail de plus en plus complexe et adopter une posture de stratège auprès de la direction générale. Eric Vidal vice-président régional France (Alpes) et Europe centrale et Est (CEE) de OneStream décrypte les enjeux.

Face aux droits de douane américains et à la fragilité économique actuelle, quelles répercussions observez-vous ?
Eric Vidal : Les récentes déclarations de l'administration américaine depuis l'arrivée au pouvoir du président Trump en janvier, ont effectivement suscité des inquiétudes dans le monde professionnel.
Cependant, force est de constater que ces développements politiques n'ont pas eu d'impact mesurable sur notre performance au premier trimestre. Sur le plan opérationnel, nous n'observons donc pas d'impact direct. Notre performance pour le deuxième trimestre dépendra davantage de facteurs internes et de notre capacité à exécuter notre stratégie commerciale que de considérations géopolitiques.
Comment les DAF peuvent-ils gérer au mieux la volumétrie des données financières alors qu'ils estiment que cette gestion est un frein à la croissance ?
E. V. : Les attentes des dirigeants d'entreprise à l'égard de leurs directeurs financiers ont en effet considérablement évolué. Près de 70 % des CEO attendent une contribution plus stratégique de la part de leurs directeurs financiers. Parallèlement, une proportion similaire de ces derniers estime dit être submergée par des données dont la qualité n'est pas toujours optimale, ce qui entrave leur capacité à jouer pleinement leur rôle de décideur stratégique.
Notre solution modulaire présente plusieurs bénéfices significatifs. Elle permet notamment d'optimiser ce que nous appelons le « time-to-market », c'est-à-dire la rapidité de déploiement et de mise en oeuvre des applications. L'intégration native des différents modules au sein d'une même plateforme facilite grandement les échanges de données entre les différentes applications. Prenons l'exemple concret de l'interaction entre les modules de consolidation et de reporting. Lorsque ces fonctionnalités sont portées par des solutions distinctes, leur interconnexion nécessite des développements spécifiques et des interfaces complexes. Notre architecture unifiée élimine ces contraintes techniques, permettant une communication fluide et immédiate entre les différents composants du système.
Les bénéfices sont multiples et profonds. Les directions financières accèdent à des données plus rapides, plus précises, plus fiables - ces trois qualités formant le triptyque sacré de l'information financière idéale. Cette amélioration qualitative libère les équipes des tâches fastidieuses de gestion et de vérification des données, leur permettant de se consacrer à des missions plus stratégiques, plus nobles, plus en phase avec les défis contemporains.
Près de 77% des DAF considèrent que les systèmes hérités sont un frein majeur à leur efficacité. Quels critères doivent-ils privilégier pour choisir des outils modernes adaptés à leurs besoins spécifiques ?
E. V. : La question de la modernisation des outils de consolidation financière représente, à mon sens, l'enjeu central pour les directions financières contemporaines. Dans le contexte actuel de transformation financière, de nombreuses directions financières saisissent l'opportunité pour repenser fondamentalement leur système d'information. Cette refonte commence généralement par le remplacement de leur outil de consolidation, élément central de leur architecture financière. Le marché français est aujourd'hui dominé par deux solutions principales : BFC proposé par SAP, et HFM hérité d'Oracle. Ces technologies, bien qu'historiquement prépondérantes, atteignent désormais leur fin de vie, une obsolescence programmée dont tout le monde parle mais que peu osent encore remettre en question.
Ce processus de modernisation s'accompagne cependant de deux défis majeurs. Le premier, d'ordre financier, concerne le coût élevé de ces transformations et le second relève de la résistance au changement, un phénomène particulièrement marqué dans ce domaine. Les équipes financières, souvent habituées depuis de nombreuses années à leurs outils existants, manifestent une réticence naturelle face à l'adoption de nouvelles solutions. Cette transition nécessite donc un accompagnement méthodique et expert. Sans une adhésion des utilisateurs finaux, tout projet de modernisation court en effet le risque d'un échec certain, quelle que soit la qualité technique de la solution choisie.
Quels en sont les principaux enjeux ?
E. V. : L'objectif principal recherché à travers cette modernisation est clairement l'efficacité opérationnelle. Cette démarche permet de gagner un temps précieux et d'améliorer significativement la qualité des données. Cette amélioration qualitative découle directement de l'intégration de toutes les fonctionnalités au sein d'une plateforme unifiée, où les processus de vérification sont considérablement renforcés, réduisant ainsi de manière substantielle les risques d'erreur.
Le gain de temps réalisé dans la collecte et la mise à disposition des informations financières permet aux équipes de se consacrer davantage à des activités à plus forte valeur ajoutée. Cette évolution marque le passage à la seconde phase de la transformation financière, celle dédiée à l'analyse approfondie des données, à l'élaboration de prévisions financières plus précises, et à la production de reportings plus pertinents.
Comment, selon vous, l'IA est en train de transformer la fonction de DAF ?
E. V. : L'IA s'intégrera inexorablement dans le monde professionnel, et particulièrement dans le domaine financier. Les gains potentiels sont considérables : amélioration de la fiabilité des données, disponibilité accrue des informations, précision renforcée des prévisions, et in fine, meilleure performance globale.
Cependant, une distinction fondamentale doit être établie : chaque métier nécessite une intelligence artificielle spécialisée. Les solutions génériques intégrées à certains systèmes ERP pourraient laisser croire à une polyvalence qui n'existe pas.
La finance nécessite des outils d'intelligence artificielle spécifiquement conçus pour ses besoins. C'est précisément l'approche adoptée par OneStream, qui a développé une IA spécialisée dans les métiers financiers, s'appuyant sur plus d'une décennie d'expérience dans ce domaine. Cette spécialisation est cruciale, car l'efficacité d'une IA dépend largement de la qualité et de la quantité des données historiques sur lesquelles elle s'appuie. Avec cinq à dix ans de données financières disponibles, les clients disposent désormais d'une base suffisante pour alimenter des algorithmes d'IA véritablement performants.
Comment travaillera le DAF en 2035 selon vous ?
E. V. : Il apparaît évident que le directeur administratif et financier de 2035 occupera une position stratégique renforcée au sein des organisations, devenant véritablement le bras droit du directeur général. Cette évolution s'accompagnera de plusieurs transformations majeures dans son environnement de travail.
Le DAF de demain disposera d'équipes dont la taille ne sera pas nécessairement réduite par rapport à aujourd'hui, mais dont les capacités opérationnelles seront considérablement augmentées. Ces équipes auront en effet la capacité de répondre quasi-instantanément à l'ensemble des questions stratégiques qui se poseront. Cette réactivité accrue sera rendue possible par l'accès à des outils analytiques sophistiqués, conçus pour fournir des informations de haut niveau directement exploitables par le directeur financier. Cette évolution technologique devrait également avoir un impact positif sur l'équilibre vie professionnelle-vie personnelle. Contrairement aux craintes parfois exprimées, cette transformation ne devrait pas se traduire par une réduction des effectifs, mais plutôt par une optimisation du temps de travail. Les fonctions métiers pourront ainsi consacrer davantage de temps à leur vie personnelle, ce qui correspond à une aspiration contemporaine majeure, me semble-t-il.
Sur le même thème
Voir tous les articles Gouvernance & Stratégie