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Quel sens pour la finance et le financier d'entreprise, comment préparer l'avenir ?

Aujourd'hui que voit-on se dessiner dans le quotidien des services financiers des entreprises ? Comment évolue la finance, quel sens lui donner et quelle sera la mission du directeur financier demain ? Retour sur l'un des temps forts de 100% Finance.

Publié par Camille George le - mis à jour à
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Quel sens pour la finance et le financier d'entreprise, comment préparer l'avenir ?
© Smilzz-france

Parmi les tendances lourdes qui ont contribué à faire évoluer la fonction finance ces 10 dernières années, la digitalisation et la robotisation des process constituent un agent de transformation majeur et va jusqu'à modifier le rôle et la place du Daf. L'automatisation et l'industrialisation de nombreux processus financiers ont permis à la fonction de gagner en efficacité ce n'est plus à démontrer. Alors à quoi faut-il s'attendre pour la décennie à venir ? Les Daf et experts invités sur la table ronde Préparez l'avenir, mettez du sens dans la finance qui se tenait le 23 septembre dernier lors de 100% Finance, ont tenté de répondre à cette interrogation loin d'être neutre.

" A très court terme il nous faudra continuer à nous améliorer et à concentrer nos équipes sur des tâches à valeur ajoutée, estime Laurence Branthomme, directrice financière d'Eurazeo. La digitalisation va se poursuivre, tout ce qui tourne autour de la robotisation va prendre de l'ampleur jusqu'à nous permettre d'aller à l'étape suivante qu'est la finance prédictive. Un autre point d'évolution de la finance d'entreprise portera à mon sens sur son lien avec l'extra-financier. Le rôle du comité d'audit va s'accroitre sur ces sujets de performance extra financière et donc forcément la direction financière va se trouver de plus en plus impliquée. "

Pour Philippe Guillaumie, Daf Groupe de Sisley, l'émergence du digital et de ces applications multiples dans la sphère financière et toute l'importance de la data, financière ou non, dans l'entreprise, crée des circonstances nouvelles qui bousculent le directeur financier et qui l'amène à s'interroger sur sa place : " Si le directeur financier demeure sur ses fonctions régaliennes traditionnelles qu'il exerce historiquement il aura de moins en moins sa place dans la gestion de l'entreprise aux côtés du Dg. Et sa place risque de s'éroder. " Certains vont même jusqu'à parler d'uberisation du Daf en dressant le portrait d'un directeur financier submergé par l'automatisation et finalement dépassé par la machine. " Je n'y crois que jusqu'à un certain point. Il reste beaucoup de tâches liées à l'expertise, de plus, il existe de nouvelles tâches que le directeur financier peut capter qui nécessiteront elles aussi une véritable expertise. Tout ceci permettra au directeur financier de continuer d'exister. Sauf qu'il faut qu'il s'y prépare et s'en donne les moyens dès maintenant, " souligne Philippe Guillaumie.

Du directeur financier à directeur de la performance

Du pilotage financier, la finance d'entreprise se dirige donc vers le pilotage de la performance de l'entreprise. " Le Daf est le maître incontesté de l'analyse de la data selon Céline Bayle, directrice marketing produit chez Sage. Mais en effet on constate un glissement de contrôleur de gestion, maître des finances maître des échéances à conseiller interne. Même en interne chez Sage notre CFO nous aide désormais à réorienter le choix des produits, du mix des services, le positionnement prix, etc. " Cette évolution dans le rôle du Daf est rendue possible grâce aux outils qui lui permettent d'avoir des capteurs et de sortir de la chaîne de valeur finance pour aller sur la chaîne de valeur opérationnelle. " C'est ce système nerveux digital qui permet au CFO de devenir le directeur de la performance ", estime l'experte. Une évolution positive donc mais potentiellement déstabilisante aussi. " Sur tout ce qui touche au pilotage de la performance au sens global, le directeur financier a un rôle irremplaçable mais il aura des concurrents dans l'entreprise. Une période nouvelle se profile et sera je pense assez chahutée " relève Philippe Guilaumie de Sisley.

Bien sûr en fonction de leur taille, les entreprises ne sont pas toutes dans la même situation. Ne serait-ce qu'au niveau des PME et ETI, les situations face à la transformation digitale sont très variées. Et pour le Daf de Sisley c'est l'opportunité pour ces Daf dont le quotidien n'est pas encore envahi par le digital, d'anticiper ce changement et de s'y préparer. Béatrice Fayolle, Daf de SBT Humans Matter et ambassadrice des Acteurs de la Finance Responsable (AFR) va même plus loin : " le directeur financier aujourd'hui se trouve, au même titre que d'autres métiers d'ailleurs, dans une situation assez inconfortable. Mais cet inconfort est en fait assez génial car c'est un moyen de se réinventer. On a une force nous directeurs financiers c'est qu'on concilie déjà énormément de choses, juridique, social, etc. Et on sait les suivre dans le temps. L'enjeu aujourd'hui est d'arriver à leur donner du sens pour pouvoir donner cet aiguillage-là demain aux dirigeants de nos entreprises. "

Rentabilité, durabilité, utilité

Quant à savoir si un jour, peut-être pas si lointain, la direction financière ne serait pas diffusée pour ne pas dire dissoute dans l'ensemble des BU opérationnelles, les avis sont partagés. Pour Laurence Branthomme d'Eurazeo, si la production de données peut en effet être totalement délocalisée dans les fonctions opérationnelles, l'analyse de ces données, elle, n'est pas délocalisable. " Quand on aura réussi à sortir l'ensemble de la production des données ne restera que l'analyse. On pourrait aller jusqu'à dire que la direction financière en tant que telle n'existerait plus mais deviendrait une direction de la performance. Pour autant je reste convaincue que le rôle de gardien du temple, de tiers de confiance et de garant de la vérité du Daf perdurera. " Plus que de directeur de la performance Béatrice Fayolle préfère parler de valeurs : " A mon sens le directeur financier n'existe quasiment déjà plus. On devient les directeurs de la valeur ou des valeurs de l'entreprise. C'est-à-dire celui qui arrivera à analyser et à capter la création de valeur quelle qu'elle soit, financière ou extra-financière, de l'ordre du visible ou de l'invisible. Il nous faut devenir les capteurs de la valeur. " Et ces valeurs se comptent au nombre de trois pour la Daf de SBT Humans Matter : la rentabilité, la durabilité et l'utilité. Analyser la donnée, savoir l'expliquer, lui donner du sens en la remettant en perspective avec ces trois valeurs constitue donc l'une des nouvelles missions du directeur financier dans son organisation et plus largement dans son écosystème.

Quelle raison d'être pour la Daf ?

" Le rôle de communicant et de pédagogue du Daf a très fortement augmenté notamment en regard d'une meilleure prise en compte des aspects RSE ", souligne Céline Bayle de Sage. Le suivi de la consommation du capital Terre est important. " Le directeur financier est aujourd'hui un peu le seul à même de traduire dans le compte de résultat la contribution de tous les départements de l'entreprise ", estime Philippe Guillaumie de Sisley.

D'ailleurs, les réflexions sur la raison d'être et la notion de mission sont à la finance d'aujourd'hui ce que les réflexions sur la RSE étaient à la finance d'il y a 10 ans. " Il est à espérer que dans 10 ans la mission de l'entreprise ne sera plus un sujet et sera incontournable. Donc oui cela vaut la peine de s'y intéresser dès maintenant ", pointe Laurence Branthomme. Pour autant on ne peut pas aller plus vite que la musique. " Au stade de développement où en sont bon nombre d'entreprises notamment PME et ETI, la notion de RSE est encore à développer et les directeurs financiers avec leurs équipes peuvent jouer un rôle de promoteur. L'entreprise à mission ce sera l'étape d'après," tempère Philippe Guillaumie. Il n'empêche que la mission du Daf est de montrer la contribution de chacun dans la chaîne de valeur de l'entreprise. De toutes les valeurs de l'entreprise.

Demain il faudra sortir du coeur de l'entreprise et aller un peu plus dans l'écosystème de nos entreprises, chez les clients, sur les marchés, etc. " On s'est un peu enfermés dans nos maisons parce qu'on était débordé. Il faut s'obliger à la prise de hauteur et se ménager des plages vides dans nos agendas, " conseille Laurence Branthomme. " Faites un pas de côté, ça va bien se passer vous verrez ! ", conclut Béatrice Fayolle.


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