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Aides publiques à l'investissement industriel : pourquoi s'en priver ?

Les aides à l'investissement industriel sont nombreuses en France. La difficulté réside plutôt dans la navigation entre cette offre pléthorique de soutiens. Voici quelques conseils d'experts du sujet.

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Aides publiques à l'investissement industriel : pourquoi s'en priver ?

Il existe plus de 5.000 aides publiques à l'investissement industriel (réindustrialisation et transition écologique confondues) en France selon Nicolas Lemeunier, associé de Susbtan'Ciel, cabinet spécialisé dans l'accompagnement des entreprises à la recherche de subventions et de financements publics. A cette caractéristique de la multitude des aides à l'investissement, s'ajoute celle de leur durée de vie (très brève pour certaines). Impossible dans ces conditions d'en dresser une liste exhaustive et durable.

Plusieurs échelons d'aides sont néanmoins identifiables, et doivent d'ailleurs absolument être explorés par les entreprises car ils sont souvent (mais pas toujours) cumulables. Il s'agit de l'Etat, via ses différentes agences, des collectivités locales et de l'Europe.

Leur addition peut permettre d'obtenir un taux de financement public plutôt appréciable, comme l'explique Nicolas Lemeunier : « Le plafond légal de subvention est de 45%. Il est impossible de dépasser ce taux de subventionnement. Il faut toutefois reconnaitre que, même en étant accompagné par un expert, il est souvent difficile d'atteindre ce taux. En revanche, une aide de 20% du montant de l'investissement est accessible ».

Les principaux pourvoyeurs de subventions à l'investissement industriel

L'Etat

Via ses différents organismes notamment (BPI, Ademe etc), l'Etat est évidemment un des principaux soutiens des entreprises en matière d'investissement industriel. Ces soutiens sont souvent axés sur les priorités du moment. « Dans le cadre du plan France Relance, nous avons vu émerger de nombreux dispositifs, de nombreux appels à projets pour financer l'investissement productif. Avec le plan France 2030, nous constatons que les financements sont fléchés vers deux grandes catégories d'investissement. D'une part, ce qui touche à l'innovation, la R&D, etc. D'autre part, ce qui est en lien avec la décarbonation de l'industrie, la réduction des intrants, l'efficacité énergétique, etc. » détaille Anne-Cécile Vivien, Avocat directeur associé EY Société d'avocats, docteur en droit public. L'experte constate par ailleurs la montée en puissance d'une nouvelle catégorie d'appels à projet : les appels à projets « Flash ». Ouverts parfois pour un mois seulement, ils nécessitent une veille efficace de la part des entreprises mais aussi une organisation sans faille pour entrer dans le timing de l'appel à projets.

S'ils sont pléthoriques, ces programmes présentent néanmoins souvent un écueil pour les entreprises demandeuses: des critères d'attribution précis ou conditionnés à une taille d'entreprise bien spécifique. « Les aides ont longtemps été calibrées pour les PME ou les grands groupes. Elles étaient régulièrement inadaptées aux ETI. Depuis quelques années, des adaptations ont été réalisées, grâce notamment au travail de co-construction du METI mené dans le cadre de la Stratégie Nation ETI : les besoins des ETI sont mieux intégrés », explique Florence Naillat, adjointe du délégué général du METI.

La liste des appels à projets France 2030 est à consulter ici : https://www.gouvernement.fr/france-2030/appels-a-candidatures; ceux de Bpifrance ici : https://www.bpifrance.fr/nos-appels-a-projets-concours, et ceux de l'Ademe ici : https://agirpourlatransition.ademe.fr/entreprises/aides-financieres/recherche?aap%5B0%5D=vous_etes%3AEntreprise

Dans cette multitude d'appels à projets, Raphaël Didier, directeur de la transformation et de la stratégie innovation Bpifrance, attire l'attention des entreprises sur le plan startups et PME/ETI industrielles dont l'ambition est de créer 100 nouveaux sites industriels par an d'ici 2025. « Nous avons lancé un appel à projets première usine avec 3 relèves par an. Il est complété d'un prêt nouvelle industrie, du lancement du fonds SPI2, d'un diagnostic amorçage industriel etc ».

Les collectivités locales

Les collectivités locales, au premier rang desquelles figurent les Régions, disposent elles-aussi de financements destinés à soutenir l'investissement industriel sur leur territoire. Il est donc essentiel de prendre contact, a minima, avec les services économiques de la région sur laquelle le projet d'investissement industriel va prendre forme. Certaines sont plus interventionnistes que d'autres dans le domaine, et chacune priorise ses thématiques.

Au niveau micro-local, les métropoles, les communautés de communes ou d'agglomération, voire (mais c'est plus rare) les mairies, peuvent, elles aussi, mettre la main à la poche.

L'Europe

Plusieurs types de financement existent. Notamment les fonds Feder. « Ces crédits sont très importants et sont opérés par les Régions concernant les fonds européens de développement régional (FEDER). Mais ils ne sont pas assez connus, et sont plutôt en sous-utilisation », pointe Anne-Cécile Vivien d'EY. La nouvelle programmation FEDER jusqu'en 2027 est d'ailleurs sur le point d'être publiée.

A noter aussi les dispositifs de PIEEC (Projets importants d'intérêt européen commun), pour les très gros projets industriels. Récemment sur la santé ou sur l'hydrogène par exemple. Ou encore les EIC qui peuvent financer jusqu'à 2,5 millions d'euros et aller jusqu'à l'equity.

Trois conseils pour décrocher un financement public

Penser global !

C'est la préconisation première et incontournable d'Anne-Cécile Vivien d'EY Société d'Avocats et de Nicolas Lemeunier en la matière. « Il faut absolument avoir une vision globale de son projet afin de solliciter les dispositifs les plus avantageux », insiste Anne-Cécile Vivien. « Par exemple, nous avons eu un client récemment qui a fait l'erreur de demander une aide pour le financement d'une pré-étude. Une aide de 3.000 euros qu'il a obtenue mais qui lui a bloqué ensuite l'accès à une aide de 100.000 euros du même dispositif pour le reste de son projet ».

Au-delà de cette question du cumul, un point de vue global est important pour séduire le financeur. « On ne peut pas aller voir un financeur en lui demandant seulement de payer. Il faut être en capacité de raconter une histoire, de mettre en avant un projet structurant, les retombées pour l'entreprise mais aussi pour le territoire en termes d'emplois industriels, de service aux clients ou de décarbonation », pointe Nicolas Lemeneunier.

Être dans le bon timing et dans la bonne case

Le timing d'obtention d'un financement public à l'investissement industriel est sensible, car finalement la bonne fenêtre de tir est plutôt réduite. « Il faut avoir un projet suffisamment mature pour convaincre mais pas trop pour ne pas aller contre le principe général de l'incitativité des aides publiques », poursuit Anouck Juraver, avocate en droit public et directrice de mission subventions pour EY Société d'Avocats.

Raphaël Didier pointe lui aussi un conseil primordial : « Il est nécessaire de demander quelques devis pour avoir une estimation de l'investissement associé mais il ne faut absolument rien avoir engagé avant le dépôt du dossier. Sinon, nous considérons que l'entreprise n'a pas besoin de l'aide pour investir ». Le directeur de la transformation et de la stratégie innovation Bpifrance conseille également de bien vérifier son éligibilité avant de candidater afin d'éviter de gaspiller son énergie inutilement. « Il ne faut pas hésiter à solliciter des précisions, à avoir des contacts préliminaires pour bien cadrer la demande. L'Etat a fait de très gros efforts de simplification des process. Aujourd'hui, nous demandons les justes informations nécessaires étape par étape ».

Se préparer à un marathon

Malgré ces simplifications, les dossiers d'aides de financement public sont souvent très contraignants et chronophages. « L'effort peut être concentré et très intense sur une période d'un mois mais ensuite, il arrive que rien ne se passe pendant un an », préviennent les expertes d'EY Société d'Avocats. Un effort intense qui peut rebuter de nombreuses PME et ETI ne disposant pas forcément de personnel dédié à ce type de tâche.

Le recours à un prestataire extérieur peut être intéressant mais n'est évidemment ni indispensable, ni synonyme de réussite assurée. En revanche, sans accompagnement, il est important d'anticiper la charge de travail nécessaire et, de nommer un référent. Celui-ci devra aller collecter les informations auprès des différents services de l'entreprise et assurer ainsi le suivi auprès des financeurs.

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