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DossierScale-up : passer de PME à ETI sans accroc... Y a-t-il un pilote dans l'avion ?

Publié par Camille George le

2 - Embarquer les équipes pour ne pas rater la marche

Gérer les ressources et repérer les talents est l'une des problématiques majeures à laquelle sera confronté le Daf tout au long de la transformation. Comment rationaliser, redimensionner et motiver les équipes pour les faire passer du bateau de plaisance au paquebot, sans accuser trop de pertes ?

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Le point nodal de toute transformation - et le phénomène de scale-up ne déroge pas à la règle - reste les hommes. S'il existe, il est vrai, une multitude d'outils à disposition, c'est bien sur les compétences et les talents que l'on s'appuie pour faire grandir une entreprise. La première chose est donc de bien connaître ses équipes pour les positionner dans un organigramme de façon claire. "Alors que dans une PME, le périmètre de chacun peut supporter un certain flou, lorsque l'on passe au statut ETI, il est primordial de bien comprendre qui fait quoi et à quel niveau", souligne Frédéric Meunier, cofondateur de Squareness, qui conseille d'établir rapidement une matrice des compétences.

Cela va également donner de la visibilité au Daf et faire ressortir des profils sur lesquels il pourra s'appuyer. Car, pour le Daf, l'enjeu sera aussi de savoir s'entourer et de trouver des relais. Peut-être sera-t-il amené à choisir un adjoint pour le soulager dans l'opérationnel et lui permettre de se focaliser sur la communication aux investisseurs, par exemple. "Dans un contexte de forte croissance, on est encore plus happé par le quotidien, alors que, dans le même temps, le Daf doit prendre de la hauteur. Il est donc important de trouver très vite sur qui se reposer pour que le Daf puisse être au service des opérationnels et dans la prospective", prévient Frédéric Meunier.

Être attentif aux équipes

La croissance implique des contraintes dont il faut avoir conscience, sans quoi on se retrouve vite dépassé. "Il faut aller vite avec un objectif commun. Les salariés comme l'équipe finance doivent se sentir impliqués, car les objectifs sont atteints", estime Clarisse Puharré du réseau Comatch. Pour identifier qui seront les freins et qui seront les moteurs du changement, rien de tel qu'une réunion de service où chacun pourra s'exprimer, complétée ensuite par des entretiens individuels.

Bien sûr, il existe toujours un gap entre la transformation telle qu'elle est imaginée et la façon dont elle est réellement vécue par les équipes. Un gros travail de pédagogie attend le Daf pour faire comprendre et accepter les changements de gestion des équipes et de méthodes de travail. Être attentif à ses troupes signifie également ne pas les éreinter. "Gare aux burn-out !, avertit Clarisse Puharré. En période d'hypercroissance, il faut arriver à doser et freiner l'abondance de projets stratégiques lancés en même temps, car la réalisation des activités dépend avant tout des équipes."

Mixer les talents internes et externes

Dans ces phases de bouleversements internes et de pression liée à la transformation, le taux de turnover monte en flèche. Généralement, les réfractaires au changement auront tendance à quitter le navire. "Dans les structures en croissance, il y a toujours un moment où le personnel se renouvelle. C'est pourquoi il ne faut pas traîner à rédiger les modes opératoires et les procédures qui permettront de diluer les responsabilités et d'assurer la continuité d'exploitation", conseille Clarisse Puharré.

Un redimensionnement des équipes s'opère en général en même temps que le redimensionnement de l'entreprise et de ses activités. La quête de nouveaux profils devient nécessaire pour répondre aux nouveaux besoins. Certains talents rejoignent l'équipage au gré des acquisitions externes, d'autres se font spontanément connaître, parce que l'entreprise elle-même a gagné en rayonnement sur le marché de l'emploi. "Quant à ceux qu'il faut aller chercher, autant puiser dans les viviers prometteurs : les jeunes, les femmes et les communautés issues de la diversité", insiste David Brault. Pour Olivier Stephan, dga en charge des finances de Visiativ, passée de PME à ETI en quatre ans, il faut aussi réfléchir à des profils plus "capés" capables de "piloter les business units de l'entreprise aujourd'hui avec la taille qu'elle aura dans trois ou quatre ans. Il ne faut pas hésiter à aller chercher ces profils dans des sociétés plus grandes".

Le retour d'expérience d'Olivier Stephan, directeur général adjoint en charge des finances de Visiativ : "il faut diversifier les talents"

"Un changement d'échelle du groupe rend nécessairement l'organisation plus technique et moins familiale, mais cela permet aux gens talentueux de s'exprimer", estime Olivier Stephan, qui a vécu et accompagné la scale-up de Visiativ, devenue une ETI dans l'édition et de l'intégration de solutions numériques. En quatre ans, l'entreprise est passée de 350 à 1000 collaborateurs, de 50 à 200 millions d'euros de chiffre d'affaires, s'est introduite en Bourse et implantée dans sept nouveaux pays (dix au total), en misant sur un rythme de croissance organique moyen de 10% par an, complété par des acquisitions (20% environ).

"La transformation a commencé avec l'entrée en Bourse. Il a fallu obtenir la confiance des investisseurs et, pour cela, expliquer une stratégie innovante", raconte le dga. Et cela vaut aussi pour la gestion des ressources. Le Codir est constitué de 50% de managers, qui étaient déjà là il y a quatre ans, et de 50% de nouveaux venus. "Les premiers apportent une expertise plus opérationnelle, tandis que les seconds ont une vision plus stratégique et plus internationale". Depuis un an, Visiativ a mis en place une "people review" afin de proposer un programme d'accompagnement pour évaluer les talents et proposer des formations en hard ou soft skills. "On essaie d'appliquer de façon pragmatique ce qui se fait dans les grands groupes", indique Olivier Stephan.

Enfin, une journée de welcoming est est organisée une fois par trimestre à Lyon, au siège, pour faciliter l'intégration de tous ceux qui sont arrivés au cours de la période. "Depuis peu, cet atelier se déroule pour moitié en anglais", s'amuse Olivier Stephan. Preuve que le virage international et le mélange des talents se poursuivent.

Comment limiter le turnover

Mais si le renouvellement est assez naturel, il faut rester vigilant sur le risque de fuite des talents par manque de compréhension ou défaut de communication. "La vision de l'entreprise était plutôt claire, mais les moyens pour y parvenir n'ont pas toujours été bien compris, se souvient Olivier Stephan. Nous avons donc remis en place un comité de direction élargi à 25 personnes afin de faciliter la descente et la diffusion de l'information." Bien ­communiquer est non seulement un bon moyen d'apaiser les inquiétudes, mais également de laisser les talents s'exprimer. Car si l'embauche de nouveaux éléments prometteurs sera sans doute nécessaire et bénéfique, puisqu'ils aideront logiquement à faire évoluer les équipes historiques, il ne faut pas négliger les compétences déjà présentes en interne et, au contraire, favoriser la promotion interne.

"Le mélange de talents externes venus de grands groupes et de talents issus de votre PME d'origine est appréciable et crée un équilibre. Les Comex sont parfois animés, mais le processus de décision reste agile", témoigne Olivier Stephan. Cependant, embarquer les talents préalablement ­repérés en interne suppose un gros travail de montée en compétence dans le cadre de la nouvelle organi­sation. "Il faudra créer des chemins pour permettre à des cadres dits de middle management de passer cadres dirigeants", note David Brault, cofondateur d'Objectif Cash. Tout ce processus d'accompagnement doit, bien sûr, être clairement inscrit, et identifié comme tel par les salariés, dans la stratégie de développement. "Il faut donner du sens aux actions et récompenser les équipes à la fois financièrement (par le biais de primes ou également d'une part variable au salaire), mais aussi en fêtant les réussites", conclut Olivier Stephan.

Rédactrice en chef de Daf Magazine, j’évolue dans la presse économique BtoB depuis plus de 15 ans. Ma passion ? L’économie des entreprises [...]...

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