Recherche

Management - Quel impact a la crise sur la gestion des équipes ?

Travail à distance, angoisse des collaborateurs, surcharge de travail... la crise du coronavirus et le confinement qui en a découlé à mis à rude épreuve les nerfs des Daf. Quels enseignements, en termes de management, en tirent-ils pour des lendemains plus chantants ?

Publié par le - mis à jour à
Lecture
7 min
  • Imprimer
Management - Quel impact a la crise sur la gestion des équipes ?

" J'ai dû lâcher prise, mes managers également. " Aurore Brière est directrice finance et opérations pour le compte du développeur de jeux vidéos Bandai Namco Europe (350 salariés, CA 2019 : 350 millions d'euros). Elle pilote une équipe finance d'une vingtaine de personnes. Pour elle, un des principaux enseignements de cette crise du Covid-19 restera l'évolution du management vers davantage d'autonomie et de responsabilisation des collaborateurs. " En télétravail, à moins de harceler les équipes par téléphone, il n'est pas possible de faire du micro-management. Et pourtant ! Avec moins de contrôle et des contraintes importantes pour ceux qui devaient par exemple gérer leurs enfants en même temps, cela a fonctionné. Nous avons même réussi à réaliser notre clôture annuelle dans les temps. J'avais des doutes et des inquiétudes importantes mais tout a été balayé rapidement devant l'implication générale. " Par conséquent, elle envisage pour les mois et années à venir, une plus grande liberté dans le rythme horaire. Maxime Cauwe, Daf de l'entreprise de services numériques Azeo (CA 2019 : 26,5 M€ ; 300 salariés) estime lui aussi probable une modification de l'organisation du travail : " Peu importe les horaires de travail finalement, tant que l'objectif est atteint. Nous allons probablement tous évoluer vers une validation des résultats plutôt que des moyens mis en oeuvre. "

"Il importe désormais de valider les résultats plutôt que les moyens engagés fait sens", Maxime Cauwe, Daf d'Azeo

Olivier Lamy, Directeur général délégué (Daf, RH, Services généraux) de l'entreprise lyonnaise AST (CA 2019 : 200 M€ ; 650 salariés ; construction de maisons individuelles) et membre de la DFCG, dresse le même bilan. " Avec le télétravail, il a fallu faire plus confiance que d'habitude, plus déléguer. Les équipes ont su nous montrer qu'elles étaient autonomes. Il serait désormais difficile de faire marche arrière sur le sujet. D'ailleurs, la plupart des membres de mes équipes ont travaillé plus que d'habitude ". Mark-Corentin Cot-Magnas, CFO de Mantu (CA 2019 : 450 M€ ; 7 550 salariés) observe : " En fait, il s'agit d'un cercle vertueux, la confiance entraîne de l'engagement. "

Donner du sens et de la transparence

" Je crois que les liens hiérarchiques vont s'atténuer. Dans cette période de crise, nous avons tous pris conscience de l'importance de raisonner en termes d'objectifs et non de tâches à effectuer, " continue Olivier Lamy. Et d'illustrer : " en plein coeur de la crise, les salariés étaient inquiets, stressés. J'ai préféré expliquer qu'il était important de traiter les factures pour que nos artisans soient payés et puissent continuer de vivre, plutôt que d'assener : vous traitez tant de factures par jour, point final ! " En clair, donner du sens au travail de chacun pour booster la motivation. Une option primordiale en contexte de crise, mais très bénéfique aussi dans des temps plus sereins.

Brigitte Geny, DGA Finance et Juridique de Synlab France (3.500 salariés, CA 2018 : 470 M€), en est tout particulièrement convaincue : " Il faut valoriser le rôle de chacun dans l'organisation globale de l'entreprise. Mettre en valeur l'utilité de chaque maillon de la chaine. Comment ? En communiquant avec transparence sur la situation et les besoins de l'entreprise, même lorsque les nouvelles ne sont pas bonnes. "

"En temps de crise on récolte ce que l'on sème avec nos collaborateurs", Brigitte Gény, DGA Finance de Synlab

Si la crise a propulsé un mode de management plus bienveillant dans nombre d'entreprises, perdurera-t-il et permettra-t-il de passer le cap des prochains soubresauts économiques et/ou sanitaires ? " Dans une crise, les gens se révèlent. En bon ou en moins bon, j'en avais déjà fait l'expérience par le passé. Mais là, j'ai été très impressionnée, je n'ai eu que de bonnes surprises. Je crois qu'on récolte aussi ce qu'on sème en temps hors crise : de la bienveillance, de l'empathie, savoir ne pas faire redescendre la pression sur ses collaborateurs, s'assurer que tout va bien, savoir dire merci et bravo, savoir prioriser les tâches dans ces moments de surcharge de travail et assumer face à sa propre hiérarchie pour ne pas épuiser les équipes etc. Est-ce que leur engagement aurait été le même si nous n'avions pas eu cette approche habituellement ? Je ne crois pas, " insiste encore la DGA de Synlab. Un point de vue partagé par Myriam El Khomri, directrice conseil du conseil chez SIACI Saint-Honoré : " Une crise bouscule toujours notre organisation collective et questionne les valeurs qui en sont les socles en amplifiant des tendances déjà à l'oeuvre. La situation actuelle ne fait pas exception : demain encore plus qu'hier, l'engagement et le bien-être des collaborateurs constitueront une clé fondamentale de la performance des entreprises. Ceux qui pensaient que le bien-être était une mode ou un gadget en sont pour leurs frais. Idem sur le besoin d'autonomie et de reconnaissance, qui seront des sujets à prendre à bras le corps dans les prochaines mois. "

"Les liens hiérarchiques vont s'atténuer, les équipes ont montré qu'elles étaient autonomes," Olivier Lamy, DG délégué d'AST

Marc Monaco, Daf de Constellium Issoire, s'engage d'ores et déjà sur ce chemin : " Je veillerai à être encore plus vigilant dans les fonctionnements quotidiens de notre organisation en mettant le facteur humain plus au centre de nos préoccupations. Les peurs (maladie, mort, chômage), ont révélé que la gestion des émotions est très importante et que le manager a un rôle fondamental dans l'équipe : rassurer, écouter, communiquer sont des principes à développer. " Idem pour Maxime Cauwe d'Azeo : " les collaborateurs se sont rendu compte qu'ils étaient capables, il faut continuer. Cela me donne envie de leur confier plus de responsabilités. "

Le télétravail comme nouvelle normalité ?

Les services finance y étaient plus ou moins bien préparés mais ils ont tous dû plonger à deux pieds dans cette nouvelle habitude de travail. Pour la plupart, l'expérience est concluante. A tel point que le télétravail pourrait bien devenir une habitude, à plus ou moins haute dose. " Nous allons introduire deux ou trois jours de télétravail par mois. C'est un choix positif pour les collaborateurs et un critère d'attractivité pour les nouveaux talents, " confie Olivier Lamy. " Pas plus je pense car les collaborateurs ont quand même besoin de se voir. " Mark-Corentin Cot-Magnas va plus loin : " Il n'y aura pas de retour à l'avant, c'est certain. Nous allons nous poser la question de la taille des bureaux, de leur vocation. Petit à petit, nous passerons du bureau où les salariés doivent se rendre, à un espace d'échange pour des moments de partage avec ses collègues. Nous allons devoir accompagner notre middle management sur le management à distance. "

Cette nouvelle normalité générera des évolutions dans l'organisation même du travail avec notamment une accélération de la dématérialisation et de la mise en place de la signature électronique. " Nous voyons clairement les limites du papier lorsque chacun doit rester chez soi. Il va falloir accélérer sur ce sujet, " prévient Aurore Brière de Bandai Namco. " Les sujets de dématérialisation sur lesquels les entreprises travaillent depuis plusieurs années vont faire un bond prodigieux. Certains de nos clients ont avancé plus vite sur le sujet en deux mois qu'en deux ans, " sourit Lionel Bianchi, directeur associé finance chez Axys, cabinet d'accompagnement à la transformation digitale.

S'abonner
au magazine
Retour haut de page