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Taxonomie verte européenne, plus qu'une réglementation

Effective au sein de l'UE depuis le 1er janvier 2022, la taxonomie verte européenne vise à permettre aux investisseurs d'identifier les activités vertueuses en termes environnemental. Toutes les entreprises doivent s'y intéresser, même celles qui n'ont aucunement d'obligation de reporting : en effet, un nouveau langage est en train de se mettre en place entre les entreprises et les investisseurs.

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Taxonomie verte européenne, plus qu'une réglementation

Depuis le 1er janvier 2022, les entreprises européennes déjà tenues de fournir une déclaration de performance extra-financière (DPEF) devront publier un reporting supplémentaire dans le cadre de la taxonomie verte européenne : celui-ci sera tenu d'indiquer quelle est la part « verte » des activités au regard de la centaine d'activités définies comme vertueuses pour l'environnement par la taxonomie. L'objectif de ce dispositif européen est d'identifier les activités économiques ayant un impact favorable sur l'environnement afin de mieux les financer. La taxonomie implique donc fortement les directions financières qui n'ont plus le choix : elles doivent s'engager en faveur de l'environnement pour inscrire leur entreprise dans l'avenir.

Grammaire commune


Et ce même si leur entreprise n'est pas tenue de fournir ni la DPEF ni le reporting spécifique de la taxonomie verte européenne. En effet, comme l'objectif de la taxonomie est de flécher les investissements vers les activités qui préservent le climat, toutes les entreprises sont concernées, à partir du moment où elles veulent accéder à des financements. « Il faut bien comprendre que la taxonomie est un nouveau langage, une grammaire commune qui va être employée entre les entreprises et les acteurs financiers : à terme, une entreprise qui voudra échanger avec ses bailleurs de fonds devra utiliser ce nouveau langage, ces nouveaux indicateurs pour obtenir des financements », met en garde Thomas Huaut, CFO spécialiste de la finance durable.
A noter par ailleurs que, dès l'entrée en vigueur de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) en 2024, la taxonomie concernera toutes les entreprises de plus de 250 salariés réalisant soit un chiffre d'affaires supérieur à 40 millions d'euros soit un bilan supérieur à 20 millions d'euros. « La vision politique est, à terme, de soumettre toutes les entreprises à cette obligation de reporting extra-financier. Je conseille donc aux entreprises qui ne sont pas encore matures sur le sujet de se mettre à niveau pour être dans les starting blocs le jour où ce sera obligatoire pour elles », avance Lina Ismail, chef de projet normalisation au sein de l'Afnor.


Les entreprises n'ont donc plus le choix : elles doivent s'emparer de cette taxonomie. Mais comment faire ? Lina Ismail conseille de se tourner vers les référentiels volontaires, comme celui développé par l'Afnor, le référentiel de taxonomie verte volontaire international qui correspond à la norme ISO 14030-3. « Les normes d'application volontaires que l'on développe aujourd'hui constituent de bons moyens d'entrée pour, d'une part comprendre ce qu'est le système de management environnemental et, d'autre part, s'en saisir. Il y a dans les normes une sorte de cahier des charges, de recette de cuisine sur les bonnes questions à se poser et comment se saisir de ces sujets-là », décrit-elle.

Outil de réflexion stratégique


Cela permet de commencer à faire une première analyse de ses activités et de mettre en place de premières actions. La direction financière est tout particulièrement concernée par cette mise en place de la taxonomie et doit évoluer. « L'évolution qu'on va avoir c'est une arrivée de l'ESG dans le monde des directions financières. Il s'agit de réussir à avoir des informations complémentaires sur la nature des capex dépensés qui n'existent peut-être pas encore dans les systèmes d'information de consolidation », remarque Olivier Muller, directeur au sein du département développement durable chez PwC France et Maghreb. La Daf doit donc se structurer pour mieux faire apparaître les enjeux de développement durable dans ses KPIs. Mais elle doit aussi faire évoluer son état d'esprit. « La finance d'entreprise est encore au début de cette démarche de développement durable et le CFO va donc devoir faire le choix de s'engager ou non dans cette voie favorisant la transition durable », estime Thomas Huaut.


Christophe Thibierge, professeur à l'ESCP, responsable de la spécialisation « Green CFO - Sustainable Finance », mise sur la formation : « En finance, le modèle est une optimisation du couple risque-rentabilité, c'est-à-dire que pour un certain niveau de risque on va sélectionner le projet le plus rentable. Ce qui peut être antinomique à certains moments avec des logiques de soutenabilité. Il s'agit de former les dirigeants, les managers pour élargir leur point de vue, pour que les modèles qu'ils utilisent contiennent désormais plus de variables, notamment des variables de soutenabilité ». Un formation qu'il conseille de dispenser aux équipes de la direction financière mais également à tous les salariés de l'entreprise, afin qu'ils prennent conscience de cette vision plus élargie de la rentabilité des entreprises, mais aussi aux actionnaires, pour les faire passer tout doucement d'un couple risque-rentabilité à un trépied risque-rentabilité-soutenabilité.


« La taxonomie verte européenne n'est donc pas qu'un sujet de compliance : il faut s'en emparer pour que ce soit plus que ça. « La taxonomie verte n'est pas qu'un enjeu de conformité ou de reporting : le développement durable est un enjeu stratégique pour toutes les entreprises et la taxonomie permet de se poser les bonnes questions quant à la création de valeur environnementale et sociale de son activité », juge Thomas Huaut. C'est plutôt le binôme risque opportunité qui doit guider les actions des entreprises dans le cadre de cette taxonomie : d'un côté le risque de ne plus avoir accès à des financements, de ne plus être compétitifs et de disparaître, et de l'autre le fait de saisir les belles opportunités qu'offre la transition environnementale. « Cette taxonomie doit vraiment être prise comme une mise au détail des activités économiques qui permet à une entreprise donnée, dans le cadre de son secteur, de se situer par rapport aux autres, voire de réfléchir à de la recherche et développement, pour changer certaines lignes, en abandonner progressivement et au contraire en intégrer de nouvelles. Il s'agit de faire de la taxonomie quelque chose de vraiment opérationnel, voire même un outil de réflexion stratégique », conclut Christophe Thibierge.







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