Coter ses émissions vertes : une (vraie) bonne idée?
Le marché des obligations ESG est en plein boom. Quels sont les intérêts de coter ce type d'obligations? Réponses avec les entreprises Schneider Electric et Neoen.
Le marché des obligations ESG qui regroupe les obligations vertes, sociales, et environnementales (« sustainables & sustainability-linked ») connaît une forte croissance depuis deux ans. « Si l'Europe représente à peu près 55% de la totalité des émissions obligataires, suivie par les États-Unis avec 25% et l'Asie qui commence également à émettre pas mal de de ces types d'émissions. », explique Alain Baetens, directeur commercial grandes entreprises, Primary Markets France chez Euronext à l'occasion d'un webinaire organisé par la DFCG le 1er février 2022, sur l'opportunité des émissions obligataires ESG.
65% d'obligations vertes
Une tendance qui s'est accélérée depuis la COP21 et l'Accord de Paris sur le Climat en 2015. Ainsi, l'Etat français a été le premier à lancer des obligations vertes ou « green bonds » dès 2017. Aujourd'hui, les obligations vertes qui représentent 65% de la totalité des émissions vont continuer « à être très largement utilisés par les corporates en 2022. Et les sustainability green bonds devraient représenter 25 à 30% de la totalité de ces types d'émissions », avance Alain Baetens, directeur commercial grandes entreprises, Primary Markets France chez Euronext.
Dans ce type d'opération, chaque société a des objectifs différents en fonction de son secteur d'activité et de ce qu'elle recherche auprès de son écosystème. « Mais globalement cela s'inscrit dans la raison d'être de l'entreprise sur le marché. Cela concerne sa gestion des risques mais aussi la façon dont les investisseurs vont l'observer et l'analyser », souligne le directeur commercial d'Euronext.
Des obligations vertes dès 2015 chez Schneider Electric
Ainsi, l'entreprise Schneider Electric a émis 200 millions d'euros de green bonds dès 2015 pour orienter des investissements, mieux appréhender le marché mais aussi « pour innover et crédibiliser notre nouvel outil de pilotage du développement durable », explique Alban de Beaulaincourt directeur des relations investisseurs chez Schneider Electric. C'était aussi un moyen de se faire connaître auprès d'un nouveau bassin d'investisseurs. Ainsi, 650 millions d'euros ont été émis fin 2020 avec une échéance 2026. « On voulait 0 coupons mais on offre la possibilité de les convertir en action à 176€ ce qui représente une prime de conversion de 50% par rapport au cours à fin novembre 2020 ».
Des KPI's sur le climat, l'égalité homme-femme et la nouvelle "génération"
Chez Schneider Electric, ces obligations vertes sont basées sur seulement 3 KPI's : le premier concerne le climat, « on permet d'éviter le rejet de 800 millions de tonnes de CO 2 chez nos clients en 8 ans, soit 100 millions par an », le 2e concerne l'égalité homme-femme (avec des objectifs de 50% de femmes à l'embauche, 40% de femmes dans les fonctions d'encadrement et 30% de femmes dans des fonctions de leadership à horizon 2025) et enfin le 3e KPI appelé « génération » consiste à former plus d'un 1 million de personnes à la gestion de l'énergie dans le monde. « Nous sommes engagés à payer 0,05% supplémentaires aux investisseurs en cas de non-respect de nos KPI's en 2025 (donc début 2026) », avance le directeur des relations investisseurs du groupe.
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Compléter des sources de financement traditionnels chez Neoen
Du côté du groupe Neoen, producteur indépendant d'électricité, les motivations étaient toutes autres. « Notre entreprise investit très fortement. Pour nous c'était donc un moyen de compléter nos sources de financement traditionnels en faisant appel aux marchés avec une dimension corporate », explique Louis-Mathieu Perrin, Chief Financial Officer chez Neoen. Si en 2019 le choix a été fait d'émettre des obligations convertibles classiques de 200 millions d'euros, fin 2020, le groupe a fait le choix d'émettre des émissions convertibles vertes à hauteur de 170 millions d'euros fin 2020 avec une échéance à 5 ans. L'entreprise a un émetteur qui n'est pas noté et a donc fait le choix d'émettre des obligations convertibles vertes avec la capacité pour les investisseurs de sortir en equity et donc sans remboursement de dette pour l'entreprise.
Augmenter sa visibilité auprès des investisseurs
Si ces entreprises ont décidé de coter leurs émissions obligataires c'est en grande partie par souci de transparence auprès des investisseurs qui l'exigent dans un souci de gestion de compliance des risques ou pour être labellisés. Mais c'est aussi gagner en visibilité auprès d'un bassin d'investisseurs. « C'est aussi avoir accès en tant qu'émetteur au bassin de liquidité de la Banque centrale européenne », détaille le directeur commercial d'Euronext.
Pour Neoen, coter ce type d'émissions était une évidence. « Par ce biais, nous nous adressons à un marché très liquide. C'est aussi la simplicité d'émission. Ainsi, même si notre société n'est pas cotée, nous avons été capables d'émettre ce produit convertible en un tout petit peu plus d'un mois. C'est enfin, la compétitivité. Avec ces obligations convertibles il y a une sortie possible en fonction de l'atteinte d'un critère de conversion pour les investisseurs même si vous payez quand même un coupon. Cela nous a permis d'émettre de la dette convertible avec des coupons compris entre 1.875 et 2% par an ce qui est quelque chose d'extrêmement compétitif », précise Louis-Mathieu Perrin, Chief Financial Officer chez Neoen.
Les entreprises doivent faire preuve d'une grande transparence sur le sujet auprès des institutionnels. Cela passe par une documentation très précise, « relativement normé avec le coupon ou la prime de conversion », selon le directeur de relations investisseurs de Schneider Electric. Cependant, « l'objectif c'est de trouver le bon équilibre entre les intérêts de la société qui veut minimiser le coupon et maximiser la prime de conversion et l'intérêt de l'investisseur qui lui doit quand même trouver un rendement. Cela fait partie de toute une phase de marché qui est relativement courte durant laquelle vous allez essayer de voir ce que les investisseurs sont prêts à accepter ».
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Bien s'entourer
Pour mener à bien un projet de cotation de ses obligations vertes, il faut savoir bien s'entourer. Il est possible de faire appel à des banques, des cabinets d'avocats ou des agences de notation. Le panel est large. Mais avant de faire appel à des compétences extérieures, il faut « regarder en interne auprès des équipes RSE et finance qui vont être amenées à travailler ensemble sur ces indicateurs extra-financiers. Et se poser la question : est-ce qu'on est structuré de la façon la plus adéquate pour s'accorder à cette nouvelle réglementation ? », conseille le directeur commercial d'Euronext.
Les clés du succès reposent sur « l'anticipation, le fait d'avoir des discussions relativement en amont avec les établissements financiers sur le type de coupons que vous pouvez cibler, le type de prix de conversion que vous pouvez attendre... Et enfin il s'agit de choisir la bonne fenêtre de marché », pour Neoen.
Vers les blue bonds?
Aujourd'hui, sur le marché des obligations vertes, « vous avez une demande qui dépasse l'offre avec des conditions qui restent très intéressantes », s'enthousiasme le directeur commercial d'Euronext. On voit aussi apparaître la notion de blue bounds, obligations bleues liées à des projets en lien avec la préservation des mers et des océans. Ainsi, en 2025 rares seront les portefeuilles où on ne trouvera pas la dimension ESG. « C'est aussi un moyen pour une entreprise de mettre l'organisation sous tension et de faire passer certaines décisions plus stratégiques de transformation sachant que l'ESG est vraiment partout, » conclut Alban de Beaulaincourt Directeur des relations investisseurs chez Schneider Electric.
A RETENIR
- Bien benchmarker ses parties prenantes (en interne et/ou en externe) : cabinets d'avocats, banques, agences de notation, ...
- Etre très exigeant sur la rédaction de sa documentation (Green bond framework, Second Party Opinion (SPO) réalisée en général par un tiers)
- Bien définir ses KPI's
- Choisir "la bonne fenêtre de marché"
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