DossierQuelques bonnes pratiques à retenir sur les conventions réglementées
Savoir si une convention doit être qualifiée de réglementée, nécessitant donc une autorisation préalable du conseil d'administration à défaut de laquelle la nullité est encourue, est un art délicat à pratiquer. Voici quelques critères de qualification et des conseils pour mener cette analyse.

Sommaire
- Convention libre ou réglementée
- Savoir qualifier une convention :
- Existence d'un groupe et qualification des conventions : le point de vue de la CNCC
- Les transactions commerciales courantes :
- La refacturation des frais de groupe :
- Transactions sur immobilisations :
- Transactions financières :
- Les conventions réglementées par nature :
- Le point de vue de l'AMF sur les conventions réglementées
- Mettre en place une charte interne :
- Motiver la décision d'autorisation du conseil d'administration :
- Nommer un expert indépendant :
- Pour aller plus loin ...
1 Convention libre ou réglementée
Dans une SA à conseil d'administration, les conventions avec les dirigeants, celles avec d'autres sociétés ayant des dirigeants communs et celles avec certains actionnaires sont soumises à un contrôle, d'où le terme de convention réglementée, dont le Code du commerce fixe le régime : autorisation préalable du conseil d'administration ; transmission au commissaire aux comptes ; approbation par l'assemblée, statuant au vu du rapport du commissaire aux comptes.
Face à ces conventions réglementées, il existe donc des conventions libres, celles portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales. Cette distinction constitue une source de litiges potentiels, l'interprétation des termes "opérations courantes" et "conclues à des conditions normales" étant souvent délicate.
Mots-clés :
Opération courante - c'est une opération effectuée par la société dans le cadre de son activité ordinaire. Ceci s'apprécie au regard de la conformité à l'objet social et de la nature de l'opération, qui doit être identique à celle d'autres déjà effectuées par la société.Conditions normales - ce sont les conditions usuellement pratiquées par la société dans ses rapports avec les tiers ou lorsqu'elles sont comparables aux conditions en usage pour des conventions semblables dans d'autres sociétés ayant la même activité : prix, délais de règlement, existence de garanties, etc.
Or s'il s'avère qu'une convention vue comme libre devient in fine réglementée, celle-ci peut être annulée pour défaut d'absence d'une autorisation préalable, en cas de dommage subi par la société et la responsabilité des administrateurs pourra être mise en cause. De l'intérêt d'être en mesure de bien qualifier une convention.
2 Savoir qualifier une convention :
Premier critère : la convention porte-elle sur une "opération courante", effectuée par la société dans le cadre de son activité ordinaire ? Ceci s'apprécie au regard de la conformité à l'objet social ainsi qu'au regard de la nature de l'opération, qui doit être identique à celle d'autres déjà effectuées par la société. Relevons que selon la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC), la qualification d'opération courante ne peut être retenue pour une convention de crédit-bail, une cession d'immeuble ou d'un matériel important et le transfert d'actifs, si l'opération concernée est isolée ou significative.
Second critère : les conditions de la convention, qui peuvent être considérées comme normales lorsqu'elles sont habituellement pratiquées par la société dans ses rapports avec les tiers ou lorsqu'elles sont comparables aux conditions en usage pour des conventions semblables dans d'autres sociétés ayant la même activité : prix, délais de règlement, existence de garanties, etc.
L'absence d'identité absolue des conditions d'une convention avec les conditions des conventions de même nature conclues avec des tiers ne permet pas de considérer automatiquement les conditions de la convention comme anormales.
Par exemple, l'absence de garantie dans le cadre d'une convention passée avec une société ayant des dirigeants communs ne constitue pas nécessairement une condition "anormale", même si cette garantie est demandée dans des conventions de même nature passées avec des tiers. En effet, il faut tenir compte des situations financières respectives des sociétés pour apprécier le caractère normal ou anormal de la non-demande de garantie.
Conventions interdites, conventions libres et conventions réglementées : par souci de prévenir d'éventuels conflits d'intérêts des dirigeants et de protéger les actionnaires, le législateur a réglementé la pratique de certaines conventions dans les sociétés commerciales.
3 Existence d'un groupe et qualification des conventions : le point de vue de la CNCC
La loi ne prévoit aucune dérogation à la procédure d'autorisation et d'approbation des conventions réglementées, même en l'absence d'actionnaires minoritaires, la doctrine de la CNCC considère que l'existence d'un groupe peut être prise en considération pour apprécier le caractère courant d'une convention et le caractère normal de ses conditions. Et pour éclairer, elle a publiée en 1990 une étude proposant des lignes directrices pour qualifier une convention conclue à l'intérieur d'un groupe.
4 Les transactions commerciales courantes :
Si les ventes, achats et autres prestations relevant de l'activité habituelle de l'entreprise sont a priori des conventions courantes, l'appréciation du caractère normal des modalités de ces transactions est plus complexe. Selon la CNCC, le caractère normal ne saurait systématiquement résulter de l'identité avec les conditions accordées aux tiers. En plus de cette nécessaire comparaison, l'appréciation du caractère normal nécessite d'examiner les contreparties éventuelles liées à l'appartenance au groupe, quelquefois difficilement chiffrables (approvisionnements privilégiés, utilisation de la marque du groupe dans les relations commerciales, etc.).
5 La refacturation des frais de groupe :
Location d'immeuble, mise à disposition de personnel, engagement des frais communs, les facturations qui découlent de la politique des groupes sont, par essence, des conventions courantes. C'est donc le prix qui doit être examiné : sont considérées comme normales la facturation au coût de revient et la facturation avec une marge bénéficiaire raisonnable (pour couvrir des frais indirects non affectés) mais une facturation forfaitaire, non fondée sur des éléments objectifs de coût, n'apparaîtra pas comme conclue à des conditions normales.
Le constat de clés ou de taux de marge différents selon les sociétés facturées, de méthodologies modifiées dans le temps ou de répartitions à l'évidence non équitables, serait susceptible de mettre en cause la qualification de la convention, faute de justification.
6 Transactions sur immobilisations :
Immobilisations incorporelles, corporelles ou financières, le critère d'habitude est retenu, sauf s'il s'agit d'un élément significatif pour la société. Le caractère normal sera présumé pour les transactions sur immobilisations réalisées à un prix de marché lorsque celles-ci n'affectent pas de façon significative l'actif du bilan.
7 Transactions financières :
Le caractère courant des transactions financières (prêts, avances, cautionnements, gestion d'un pool de trésorerie ...) est présumé (voir l'encadré jurisprudence).
L'appréciation du caractère normal des conditions de la transaction peut être plus délicate et doit être recherché :
- en fonction de l'importance des montants en cause au regard de la situation des sociétés en présence, et notamment des possibilités financières de la société qui en supporte la charge ;
- en fonction du taux appliqué, au regard de la nature de l'opération et de sa durée, cette appréciation reposant sur les conditions en vigueur tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du groupe.
Une société mère pouvant également consentir des prêts sur ses capitaux propres, la normalité du taux d'intérêt des prêts et avances entre sociétés d'un groupe devrait également s'apprécier en fonction du traitement égalitaire de toutes les sociétés du groupe.
Jurisprudence
À propos du caractère courant des transactions financières
Un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 2 avril 2002, rendu à propos d'une convention de trésorerie dans un groupe, a affirmé le caractère habituel de l'opération en raison de l'existence d'un groupe et de ses pratiques usuelles sans rechercher si la convention relevait de l'activité ou des pratiques habituelles des sociétés concernées : " Une telle convention ne saurait présenter par nature un caractère inhabituel dans un groupe de sociétés. " CA de Versailles, 2 avril 2002, n° 003930, Sté Clos du Prieuré c/ Me Souchon ès qualité.
8 Les conventions réglementées par nature :
À l'intérieur d'un groupe constituent par nature des conventions réglementées celles qui portent sur un(e) :
- abandon de créance, avec ou sans clause de retour à meilleure fortune ;
- prêt sans intérêt ;
- renonciation aux intérêts fixés par la convention de trésorerie ;
- subvention.
L'existence d'un groupe favorise la conclusion d'opérations entre sociétés ayant des dirigeants communs.
9 Le point de vue de l'AMF sur les conventions réglementées
Certaines des propositions du rapport constituent des "bonnes pratiques" dont peuvent utilement s'inspirer les sociétés non cotées.
10 Mettre en place une charte interne :
Si, dans un groupe, le nombre de conventions susceptibles d'entrer dans le champ d'application des conventions réglementées est important et si certaines de ces conventions comportent des enjeux financiers significatifs, la rédaction d'une charte interne peut constituer une bonne pratique. Cette charte aurait pour objet de préciser les critères retenus par le groupe pour qualifier une convention et la soumettre à la procédure des conventions réglementées. Elle devrait être soumise à l'approbation du conseil d'administration de la société et il apparaît également souhaitable que les actionnaires soient informés des critères retenus.
Cette charte pourrait être rédigée à partir du guide de la CNCC en l'adaptant aux spécificités du groupe. En tout état de cause, il est important que les critères d'appréciation déterminés le soient en accord avec le CAC.
11 Motiver la décision d'autorisation du conseil d'administration :
Lorsque la convention concernée comporte des enjeux significatifs, ou en présence d'actionnaires minoritaires, il peut être utile que la décision d'autorisation justifie de l'intérêt de cette convention pour la société et des conditions financières qui y sont attachées. Ces motifs seraient repris dans le procès-verbal de la séance et portés à la connaissance du CAC lors de la notification de la convention. Ce dernier, qui n'a à apprécier ni l'opportunité ni l'utilité de la conclusion de la convention, pourrait en revanche reprendre ces motifs dans son rapport spécial.
12 Nommer un expert indépendant :
Dans les cas où la convention envisagée est susceptible d'avoir un impact très significatif sur le bilan ou les résultats de la société ou du groupe, l'AMF recommande d'inciter le conseil d'administration à nommer un expert indépendant. Cette intervention d'un expert indépendant paraît une bonne pratique, même dans des sociétés non cotées lorsque les enjeux sont significatifs (cession d'actifs importants par exemple). La CNCC considère que le recours à un tiers expert pourra être utilement mentionné dans le rapport spécial du CAC, sans qu'il appartienne à ce dernier de rendre publics les éléments contenus dans le rapport de cet expert.
L'Autorité des marchés financiers a publié le 2 juillet 2012 un rapport sur les assemblées générales d'actionnaires, incluant plusieurs recommandations concernant le vote des conventions réglementées.
13 Pour aller plus loin ...
L'intérêt des conventions réglementées pour les conflits d'intérêts au sein des entreprises
Un chef d'entreprise qui vend ou achète un immeuble à sa société, une convention de trésorerie passée entre sociétés d'un même groupe, un contrat commercial conclu entre deux sociétés ayant un administrateur commun... autant de situations potentiellement génératrices de conflits d'intérêts qu'il s'agit de contrôler.
Le régime des conventions conclues dans les SARL
Le régime des conventions conclues dans les SARL diffère selon leur nature : conventions reglementées, conventions courantes, conventions interdites.
Pour en savoir plus sur les conventions réglementées, nous vous invitons a visiter ces liens complémentaires
Sur le même thème
Voir tous les articles Réglementation