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Joseph Stiglitz : "Le droit du travail français devrait s'inspirer de la flexicurité scandinave"

De passage à Paris pour la promotion de son ouvrage La Grande facture, le Prix Nobel d'économie Joseph E. Stiglitz prône le modèle scandinave de flexicurité. Des arguments de taille en plein débat sur les nécessaires réformes du droit du travail.

Publié par Eloïse COHEN le | Mis à jour le
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Joseph Stiglitz : 'Le droit du travail français devrait s'inspirer de la flexicurité scandinave'

"Si l'on mettait 85 multimilliardaires dans un autobus, il contiendrait une fortune équivalente à celle de la moitié la plus pauvre de la population du globe." Joseph E. Stiglitz, en pleine promotion de son ouvrage, La Grande facture, a le sens de la formule et des images. Et pour dénoncer les inégalités croissantes aux États-Unis comme en Europe, le Prix Nobel d'économie n'en manque pas. Savait-on, par exemple, que huit membres de deux illustres familles américaines ont un revenu équivalent à celui des 44 % des plus pauvres du pays ?
Mais si le constat est alarmant, l'ancien économiste en chef de la Banque mondiale est pour autant loin d'être alarmiste. Car des solutions, il en existe et l'État aurait les moyens de les appliquer.

Pourquoi, ainsi, ne pas s'inspirer du modèle scandinave de flexicurité pour réformer notre droit du travail. Soit une plus grande flexibilité accordée aux entreprises pour licencier en contrepartie d'une sécurité accrue des salariés licenciés (augmentation de la durée et du montant des indemnités). "Le deal est gagnant/gagnant : le salarié consent sereinement à cette souplesse car il sait que le marché, tendant vers le plein-emploi, lui permettra de rapidement trouver un nouveau travail", explique Joseph E. Stiglitz.

Pourfendeur de l'austérité

Autre cheval de bataille de l'économiste : dénoncer les politiques d'austérité menées en Europe et aux États-Unis. "Bien que personne ne parle d'austérité, c'est bien de cela qu'il s'agit. Et ce, sous prétexte de maîtriser la dette. Or, les taux d'intérêt n'ont jamais été aussi bas. C'est le moment pour l'État d'investir dans l'éducation, la recherche ou encore les infrastructures. C'est ainsi que nous préparerons la croissance future." Et pour gonfler les recettes fiscales, Stiglitz propose notamment de jouer sur la structure des impositions des entreprises. "Lorsque j'ai demandé au ministre des Finances suédois le secret de leur croissance, savez-vous ce qu'il m'a répondu ? Nos taxes élevées !", raconte-t-il. "En effet, les baisses d'impôt et de charges concédées par le gouvernement français aux entreprises ne sont pas efficaces. Elles ne devraient concerner que celles qui investissent en France, font des efforts écologiques, créent de l'emploi. L'État doit se saisir du pouvoir que lui confère l'impôt, à savoir encourager certains comportements économiquement bénéfiques et décourager ce qui engendre des externalités négatives, telles que la spéculation ou la pollution".

Mais ce n'est pas tout. Car l'État a aussi, selon lui, la responsabilité de rétablir les canaux de crédits aux PME, rompus depuis la crise des subprimes. "Il devrait avoir une certaine influence sur les banques, en particulier au regard des sommes énormes qu'elles nous doivent pour leur renflouement. On peut les inciter à prêter davantage aux petites structures par le bâton et la carotte", poursuit-il. ?

Ses propositions, si elles sont ambitieuses, le sont pourtant moins que leur enjeu, avertit Stiglitz. Car, ce sont les fondements mêmes de notre économie, aux États-Unis comme en Europe, que les inégalités menacent si elles poursuivent leur progression.

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