DossierQualité, gestion des fournisseurs, aide à la décision: comment le Daf peut accompagner les achats
En tant que business partner, le Daf est un allié de choix pour le service achats: amélioration de la qualité, des relations fournisseurs, accompagnement dans les décisions de "make or buy"... Autant de chantiers nécessitant l'oeil avisé du Daf!

Sommaire
- Make or buy? Le Daf, allié des achats dans la prise de décision
- 1 - Lutter contre les dogmes et querelles politiques
- 2 - Aider à définir le coeur de métier
- 3 - Comparer ce qui est comparable
- 4 - Répondre à la question de la réversibilité
- 5 - Sensibiliser les acheteurs à la finance
- Limiter les risques de litiges fournisseurs
- 1) Un contrat spécifique et évolutif
- 2) Pas de bon de commande, pas de paiement
- 3) Cahier de consignes et portail fournisseurs
- 4) De la contestation au litige il y a loin
- Le rôle du Daf dans la lutte contre les coûts de non-qualité
- Évaluer les coûts directs, estimer les indirects
- Garant de la pertinence des mesures et de la valeur à risque
- Les fournisseurs certes, les process aussi
- Penser COQ
- [Pratique] Les outils et indicateurs du Daf pour accompagner les achats
- Trouver une sémantique commune
- Valider les chiffres annoncés par les achats
- Des indicateurs en lien avec la stratégie de l'entreprise
1 Make or buy? Le Daf, allié des achats dans la prise de décision
Faire ou ne pas faire, telle est la question...Une question qui est certes le plus souvent au coeur de la direction achats mais qui ne peut pas être uniquement portée par elle. La direction administrative et financière, que les achats lui soient rattachés ou pas, a également un rôle à jouer, et pas des moindres: sa vision transversale de business partner associée à ses parfaites connaissances financières font du Daf l'allié indispensable pour permettre des comparaisons réellement objectives entre faire ou faire faire. Voici 5 points clés sur lesquels les Daf ont beaucoup à apporter dans le processus make or buy.
2 1 - Lutter contre les dogmes et querelles politiques
La question d'externaliser ou non une fonction qui était jusqu'à présent réalisée en interne cristallise beaucoup de passions, les opposants ayant souvent peur que l'externalisation conduise à la destruction d'emplois. Selon Serge Dautrif, CEO de Synapscore, société de conseil qui a réalisé une étude sur les enjeux clés à l'interface Achats/Finance, le Daf peut justement être utile pour lutter contre ces querelles d'ordre politique. "Conserver ou pas une activité en interne est souvent lié à des enjeux sociaux qui sont des sujets émotionnels. Le Daf permet d'apporter du rationnel économique", estime-t-il. En effet dépassionner les débats en présentant des données très objectives peut permettre de recentrer le débat et donc de mener le projet de Make or Buy à bien. Car, comme le rappelle Jean-Louis Cailloux, spécialiste de la fonction achats au sein de la société de conseil Dirigeants Conseil Alsace, la communication est clé: "Faire adhérer l'ensemble des acteurs de l'entreprise au projet permet qu'il soit mené à bout, avance-t-il. Il s'agit de faire comprendre que cette décision est en phase avec la stratégie de l'entreprise, qu'elle ne sera pas forcément liée à des réductions d'effectifs..." Et qui de mieux que le Daf pour apporter une vision rationnelle allant au-delà du court terme?
3 2 - Aider à définir le coeur de métier
Externaliser, oui. Mais pas n'importe quoi: certaines fonctions peuvent être conservées à l'intérieur de l'entreprise parce qu'elles apportent une valeur ajoutée en étant réalisées en interne. Ou au contraire être externalisées pour accéder à davantage d'innovation. Le Daf peut aider à déterminer ce qui peut être envisageable d'externaliser en apportant une méthodologie structurée "Il faut se poser la question de ce qu'il est essentiel de conserver, de maîtriser pour avoir un avantage compétitif sur l'ensemble de la chaîne de valeur. Il faut reconstruire le flux complet, l'ensemble du processus de production du produit, et se poser la question étape par étape, composant par composant, de ce qu'il est indispensable de maîtriser ou non", pense Jean-François Laget, directeur associé d'Argon Consulting. De nombreux autres paramètres entrent en compte : possède-t-on les compétences en interne? Le client souhaite-t-il que ce soit réalisé en interne ou non? Quels sont les risques?... Des questions que le Daf peut/doit poser et auxquelles il peut apporter des éléments de réponse.
4 3 - Comparer ce qui est comparable
" Il faut avoir en interne une idée précise du coût complet ", note Jean-Baptiste Sebag, senior manager chez Argon Consulting. Surtout, il faut pouvoir comparer ce coût avec celui proposé par le fournisseur : "La vision en interne et en externe n'est pas la même, ce qui rend la comparaison difficile. Il faut réussir à reconstituer un coût de production vraiment objectif en rentrant dans la compréhension des éléments structurels du processus de fabrication", souligne Jean-François Laget. En effet, comment mener une étude Make or Buy si l'on compare des choux et des carottes? Le Daf est là pour fournir des modèles de calcul objectifs et neutres pour chacun des scénarios envisagés. Intégrant le coût total (y compris les coûts indirects), les amortissements, le ROI, la NPV (valeur actuelle nette en français), l'évolution de la structure de coûts... etc.
Mais aussi les évolutions de produit, qui ne seront pas forcément correctement menées par un prestataire externe. "La vision de l'externalisation est souvent à trop court terme et trop statique. Il faut faire des scénarios, avoir une vision globale de l'entreprise ", pointe Serge Dautrif. Jacques-Emmanuel Durand, président d'Experbuy, conseille d'élaborer des prospectives économiques, à partir de l'analyse SWOT, afin d'établir quel sera le futur de sa propre entreprise mais également du marché, celui des fournisseurs éventuels... "L'évaluation des fournisseurs potentiels et leur comparaison par rapport à l'interne ne doit pas se faire en prenant en compte uniquement l'instant t. Il faut réussir à anticiper les évolutions et pas seulement pour les mois qui viennent mais pour les années", approuve Jean-Baptiste Sebag.
5 4 - Répondre à la question de la réversibilité
" Le coût de la réversibilité est à prendre en compte lors de l'évaluation Make or Buy ", pointe Serge Dautrif. En effet, si la relation ne se passe pas bien avec le prestataire externe, quelles seront les conséquences ? Le Daf est là pour pointer ce risque et penser à toutes les conséquences que cela induirait. Car, au-delà du coût de la réversibilité, Serge Dautrif souligne l'aspect juridique de cette question: "Quand on externalise, on cumule des expériences à deux: le problème de la propriété intellectuelle se pose", note-t-il. Un problème important en matière de réversibilité: qui est propriétaire de ce qui a été co-innové, à quelle hauteur...? Une question à ne pas négliger.
6 5 - Sensibiliser les acheteurs à la finance
Si le Make or Buy peut faire intervenir le Daf, ce sont bien les achats qui pilotent un tel projet. Le Daf doit donc faire du prosélytisme, de manière à ce que la direction des achats intègre de manière naturelle la question financière. "Former les acheteurs à la " Finance pour non financiers" peut permettre à ces derniers de mieux évaluer tous les coûts d'un projet sur la base d'un modèle financier plus complet et de renforcer leur réflexion stratégique sur certains", analyse Serge Dautrif. En effet, comme le rappelle Florent Labey, associé chez Althéa en charge de l'offre à destination des directions financières, "le directeur achats doit acquérir des notions financières". Le Daf doit donc faire preuve de pédagogie afin que les achats intègrent des indicateurs financiers ambitieux.
Choisir entre assurer en interne la production ou l'externaliser est une décision qui incombe à la direction achats. Mais qui mieux que le Daf peut l'épauler dans l'analyse de cette question?
7 Limiter les risques de litiges fournisseurs
8 1) Un contrat spécifique et évolutif
"Le meilleur moyen de gérer le risque de litiges est de disposer d'un contrat reflétant les particularités et la réalité de son achat", déclare Franklin Brousse, avocat spécialisé dans les achats indirects, informatiques et télécoms. À condition de ne pas se contenter de contrats types et surtout de les faire évoluer avec le temps! "Les entreprises se reposent trop sur des modèles de contrats et ne les adaptent pas à la situation; elles pensent donc être protégées mais ce n'est pas le cas", avertit-il. Ce n'est en effet pas la même chose d'acheter des boulons et des ordinateurs ou même des ordinateurs et des logiciels: il ne faut pas se reposer sur des processus établis mais bien les adapter à chaque situation.
Le contrat signé doit donc clairement décrire ce qui est acheté et quelles sont les conditions commerciales. "La contractualisation relève du bon sens: qu'est-ce qu'on achète, pour combien de temps, sous quelle condition peut-on sortir de la relation, qu'est-ce qui est prévu en matière de propriété intellectuelle, quelles sont les garanties associées, à quel niveau va-t-on pouvoir engager la responsabilité du prestataire s'il est défaillant...?", énumère Franklin Brousse. "Il est préférable de prévoir la manière de gérer les éventuelles évolutions de spécifications qui peuvent nécessiter des négociations commerciales dédiées afin d'éviter des litiges et des blocages sans cette anticipation", ajoute Cédric Guillouet, partner achats chez Althea.
9 2) Pas de bon de commande, pas de paiement
Les litiges peuvent également être administratifs : "Dans le cas de factures qui arrivent sans bon de commande, le rapprochement entre commande et facture ne se fait pas simplement d'autant plus si les services ne communiquent pas et que le processus n'est pas outillé, pointe Cédric Guillouet. Les achats sont alors confrontés à des litiges avec des fournisseurs non payés qu'ils doivent gérer à cause d'un processus déficient". Pour éviter cela, Martial Gerardin, directeur général Europe de Perfect Commerce, fournisseur de solutions e-achat, conseille de mettre en place une politique de "pas de bon de commande, pas de paiement des factures": "Le bon de commande est essentiel car c'est généralement lui qui précise ce qui est acheté et à quelles conditions. Il facilite également la comptabilité fournisseurs".
10 3) Cahier de consignes et portail fournisseurs
Autre problème administratif relevé par Manuel Auguste-Dormeuil, consultant senior chez Synapscore: les erreurs sur facture. Ce peut-être un problème de montant -dû généralement à un problème de bon de commande- mais aussi tout simplement un problème de forme. Manuel Auguste-Dormeuil conseille donc d'émettre un cahier de consignes sur la façon de facturer. Et de se convertir à la dématérialisation: "La dématérialisation exige un certain formalisme qui fait que ces litiges de formes disparaissent car, sinon, la facture est rejetée", observe Manuel Auguste-Dormeuil. Il pense que la meilleure solution est de proposer un portail fournisseurs où ils viennent déposer leur facture et peuvent voir l'avancement du traitement.
11 4) De la contestation au litige il y a loin
"Quoi qu'il arrive on évite toute forme de contentieux car cela engendre une perte de temps, des frais d'avocats... raconte Philippe Dupuis, Daf d'HR Path. Et constituer des dossiers n'est pas un travail très intéressant. Tout ce qu'on peut régler à l'amiable, on le fait". "Les procédures sont longues, coûteuses et aléatoires, abonde Me Franklin Brousse. Et si, au final, on passe quand même devant un juge, il sera sensible au fait qu'une solution amiable a été cherchée." Il rapporte qu'une loi va très prochainement aller dans ce sens. "Il faut privilégier le dialogue, trouver une solution alternative...", insiste Cédric Guillouet.
Quoi qu'il en soit, avant d'engager une procédure, il s'agit d'analyser les risques, de mesurer quelles chances on a de gagner. "On peut ne rien récupérer, voire devoir payer quelque chose", avertit Me Brousse.
Le choix des fournisseurs: les 4 fondamentaux
La meilleure façon d'éviter un litige fournisseur? Bien évidemment sélectionner au mieux ses fournisseurs.
1- Il revient au Daf d'anticiper toute défaillance financière des fournisseurs, laquelle peut être très problématique que le fournisseur soit primordial pour l'activité de l'entreprise ou si le fournisseur est trop dépendant - le client pourra dans ce cas être conduit à un appel en comblement de passif.
2- La direction financière peut également être mobilisée, en partenariat avec la direction qualité si elle existe, pour réaliser des audits qualité sur la prestation des fournisseurs afin d'évaluer leur risque.
3- S'assurer que sa demande est bien comprise du fournisseur et que la réponse de ce dernier est adéquate. Un cahier des charges doit évidemment être rédigé et une réunion de lancement organisée. "La réunion de lancement est essentielle pour s'assurer de la bonne compréhension des spécifications", insiste Cédric Guillouet, partner achats chez Althea.
4- Lutter contre les achats sauvages: à quoi cela sert-il de sélectionner les fournisseurs avec soin si les clients internes passent ensuite par des prestataires non validés? Martial Gerardin, directeur général Europe de Perfect Commerce, fournisseur de solutions e-achat, incite les acheteurs à présenter les fournisseurs sélectionnés et leurs différentes prestations sous forme d'un catalogue, comme un site e-commerce. "Cela évitera des litiges: si les fournisseurs ont été validés par les achats, la direction financière et la qualité, les conditions ont été négociées, il y a moins de flou", insiste Martial Gerardin.
Si la gestion des relations fournisseurs reste l'apanage de la direction achats, le point de vue juridique du Daf, ainsi que son accompagnement dans la mise en place des contrats et process comptables permettront d'éviter de coûteux litiges.
12 Le rôle du Daf dans la lutte contre les coûts de non-qualité
"La non-qualité est centrale, pointe Laurence Temam, Daf d'Alyotech, société de services informatiques. Si nos projets sont livrés remplis de bugs, nous pouvons pâtir d'une perte de notoriété qui générerait des pertes d'opportunités pour des missions ultérieures. Par ailleurs, nos équipes doivent passer du temps à retester et à corriger ces bugs... La qualité se joue à tous les niveaux. " Un témoignage qui montre bien les enjeux liés à la non-qualité: perte de temps, perte de notoriété, perte de marchés... Sans parler de la chute du cours de la Bourse. Ou des rappels de produits: citons, par exemple, Mars qui a rappelé au mois de février 2016 dernier des millions de barres chocolatées dans 55 pays. Des millions de dollars de perte mais aussi un déficit d'image, au moins temporaire.
Alain Girerd, dirigeant fondateur d'Elancio, estime que les coûts de non-qualité peuvent peser jusqu'à 20% du chiffre d'affaires. D'où la nécessité de mettre en place une culture de la qualité. "Une entreprise qui engage ce type de processus divise par deux le coût de non-qualité la première année et encore par deux la deuxième année", observe Alain Girerd. Le Daf, de par son statut de business partner mais aussi par sa capacité à mesurer les coûts et à évaluer les progrès réalisés, est celui qui doit être à l'origine d'une telle démarche de qualité!
13 Évaluer les coûts directs, estimer les indirects
Nous l'avons dit: les coûts de non-qualité ne sont pas négligeables. C'est donc au Daf, en tant que tour de contrôle des finances de l'entreprise, de constater en premier l'existence et l'impact de ces coûts afin de trouver des solutions pour les minimiser. Première étape: évaluer les coûts liés à la non-qualité afin de les optimiser. "La mesure n'est pas une fin en soi mais elle permet de faire avancer les choses en faisant prendre conscience aux gens des coûts générés par la non-qualité: cela permet de faire changer les comportements. La mesure permet également de faire apparaître les priorités, de justifier les actions menées et d'évaluer les progrès réalisés", pointe Alain Girerd.
Les coûts les plus faciles à évaluer sont les coûts directs, c'est-à-dire ceux liés à la production: pénalités dues à un retard, heures de travail passées à refaire quelque chose, matières premières gâchées, frais d'envoi en express pour combler un retard, rappel de produits... Sans parler des coûts administratifs pour le temps passé à régler tous ces problèmes. Sur ce point, le Daf peut apporter sa connaissance des coûts de chaque chose. "La finance permet de chiffrer et mettre tout le monde d'accord sur le coût d'une heure de production ou encore la rémunération des salariés: c'est le Daf qui apporte les éléments chiffrés qui servent à faire les calculs", avance Alain Girerd. Des coûts également importants à évaluer pour éventuellement les refacturer à des fournisseurs à l'origine de cette non-qualité.
Autres coûts liés à la non-qualité: les coûts indirects. Combien de ventes perdues à cause de cette non-qualité? Combien d'appels d'offres auxquels l'entreprise n'a pas été conviée? "Ces coûts sont difficiles à évaluer car ils ne sont pas payés", avance Nicolas Berland, directeur de Dauphine Recherches en management (DRM) à l'université Paris-Dauphine. À part si un client dit clairement qu'il ne fera plus jamais appel aux services de l'entreprise, il ne peut être établi que des estimations, des probabilités. Un domaine dans lequel le Daf peut, là encore, aider.
Petit lexique
- Coût d'obtention de la qualité (COQ): ensemble des dépenses nécessaires pour mettre en place la démarche qualité. L'objectif est de trouver le bon niveau d'investissements pour atteindre le niveau de qualité optimal, sans pour autant surinvestir.
- APQP (Advanced Product Quality Planning, ou PAQP en français pour Planification Avancée de la Qualité du Produit): processus créé par les constructeurs américains de voitures et qui définit un planning incluant toutes les étapes de fabrication d'un produit afin de faire apparaître les risques et les responsabilités de chacun (fournisseur, client ou partagée).
- AMDEC (Analyse des Modes de Défaillance, de leurs Effets et de leur Criticité): outil de risk management qui permet de classer les?risques de défaillance et de défaut en fonction de leur importance et de leur probabilité.
- Boucle de qualité: notion qui souligne l'interdépendance de toutes les fonctions de l'entreprise autour de la réalisation d'un produit ou d'un service : chaque étape du processus influence la qualité de la suivante et donc du résultat final. Cette notion est en lien avec le principe d'amélioration continue PDCA (pour Plan, Do, Check, Act).
14 Garant de la pertinence des mesures et de la valeur à risque
S'il est évidemment intéressant d'évaluer les coûts de non-qualité le plus justement possible, il faut cependant faire attention à ce que ces mesures ne soient pas des usines à gaz: elles doivent être au contraire comprises et partagées par tous pour être vraiment utiles. C'est, cette fois encore, au Daf d'aider à faire le tri, de donner des objectifs pour établir quelles mesures sont utiles et lesquelles ne le sont pas. Le Daf peut apporter une vision opérationnelle à ces coûts de non-qualité: il peut les transformer en pourcentage du chiffre d'affaires - avec l'objectif que cela tende vers zéro -, mesurer les impacts sur l'ensemble de l'organisation...
"L'intérêt du contrôle de gestion est de consolider les coûts de non-qualité au niveau de toute l'organisation. Le Daf peut aider à apporter une vision globale et faire prendre conscience aux achats qu'un fournisseur moins cher peut s'avérer plus cher au final à cause d'un problème de non-qualité engendrant, par exemple, retard et déficit d'image", pointe Alexis Hernot, consultant au sein de Synapscore.
Le Daf peut en effet aider à évaluer les fournisseurs: pour éviter de se retrouver face à de la non-qualité, il est indispensable de faire appel à des fournisseurs de qualité. Olivier Bruslé, directeur associé chez EY, parle de "valeur à risque": "Issue du monde financier et étendue petit à petit au monde industriel, cette valeur permet de livrer une estimation du risque." Il s'agit d'estimer les risques de faillite(grâce aux ressources en ligne, par exemple), la qualité des produits délivrés, l'organisation (notamment les problèmes liés à la chaîne d'approvisionnement)... "Pour cela, on peut se baser sur son expérience quand il s'agit de fournisseurs avec lesquels on a déjà travaillé. Pour un nouveau fournisseur, il faut s'attacher à ses références, à ses certificats...", pointe Olivier Bruslé.
"Pour un nouveau fournisseur, la note est forcément inférieure puisqu'il y a une prise de risque. Ensuite, l'estimation peut se faire à travers des indicateurs extérieurs: chiffre d'affaires, localisation, références - on peut appeler d'autres clients -, pratiques...", ajoute Alexis Hernot. C'est ensuite au Daf de consolider toutes ces informations pour estimer le risque inhérent à chaque fournisseur. "L'objectif est de dire que tel fournisseur a une valeur à risque de tant pour telle ou telle raison. Ce qui permet une évaluation des fournisseurs à coût complet: valeur d'achat et valeur à risque", note Olivier Bruslé. Le Daf peut également demander à ce qu'un certain seuil de risque ne soit pas dépassé.
15 Les fournisseurs certes, les process aussi
Bien sûr, cette évaluation poussée ne peut et ne doit pas se faire sur l'ensemble des fournisseurs. L'objectif est de se concentrer sur ceux liés au core business, ceux dont la non-qualité aurait le plus d'impact sur l'organisation. "Le suivi de non-qualité doit se réaliser en priorité sur les composants critiques au sein des produits vendus qui peuvent, s'ils sont défectueux, entraîner une panne voire des dangers", indique Alain Girerd (Elancio). Il revient au Daf, légitime du fait de sa vision générale de l'organisation, de déterminer quels fournisseurs ont le plus d'impact ou non. Et donc lesquels évaluer ou non. "Le rôle de la fonction financière est d'indiquer les moyens de mesure, la périodicité et quels fournisseurs évaluer", résume Olivier Bruslé.
Sabine Bechelani, associée chez EY, conseille également de s'attaquer aux process, qui peuvent eux aussi être de mauvaise qualité et engendrer des coûts. Elle donne l'exemple du traitement de la facture fournisseur: des process mal pensés peuvent engendrer de la perte du temps et donc des coûts de traitement supplémentaires. D'où la mise en place dans beaucoup d'entreprises de projets pour réduire le temps de traitement des factures.
Afin de savoir quels process faire évoluer, là encore des évaluations sont nécessaires. Et là encore le Daf est indispensable pour réaliser un diagnostic: temps de travail anormalement élevé d'une équipe, pénalités de retard que l'entreprise est amenée à payer, frais financiers trop importants... En résumé, l'ensemble des indicateurs de performance de l'activité doivent être étudiés de près pour déceler les défaillances. "Il faut raisonner processus par processus afin de comprendre les causes des dysfonctionnements. L'objectif étant ensuite de supprimer les activités non nécessaires et les dysfonctionnements ou de pallier une absence de procédures", décrit Sabine Bechelani. Bien évidemment, il n'est là encore pas possible de s'attaquer à l'ensemble des processus, il s'agit donc de les hiérarchiser en fonction des gains espérés et de la complexité de mise en oeuvre. Sabine Bechelani rapporte que les coûts de traitement peuvent être réduits de 15 à 20%.
16 Penser COQ
Le Daf joue également un rôle essentiel dans l'estimation des coûts de non-qualité évités grâce à l'intervention de la direction de la qualité. C'est le fameux COQ (coût d'obtention de la qualité). Cela permet de définir quel est le bon niveau d'investissement préalable pour économiser de l'argent au final, ou quels investissements aboutissent à quels résultats. S'il faut accepter de perdre de l'argent pour en gagner, il ne faut pas non plus surinvestir dans la qualité, au risque d'oeuvrer pour peu de résultats.
Philippe Petit, manager des formations achats au sein du groupe Cegos, conseille de jouer sur les deux tableaux en mettant en place des indicateurs de résultats (les coûts de non-qualité visibles) et des indicateurs de moyens (les moyens mis en oeuvre pour éviter la non-qualité). De quoi se rendre compte concrètement des moyens engagés pour quels résultats obtenus au final. "La difficulté pour le Daf réside dans le fait que ces moyens ne sont pas forcément tout de suite valorisables en euros: ils correspondent dans un premier temps à un taux de service. Même si l'objectif est, à terme, de les valoriser en euros, car c'est une valeur compréhensible par tout le monde et qui peut apparaître dans le compte de résultat, cela est prospectif et peut prendre du temps", avertit Philippe Petit. Perdre de l'argent pour en gagner: c'est cela s'attaquer aux coûts de non-qualité.
À lire aussi: "[Cas pratique] Comment le Daf de Solystic s'est emparé du problème de la non-qualité"
Les coûts associés à la non-qualité peuvent être limités grâce à des mesures initiées par la direction administrative et financière. Découvrez ici la méthodologie à adopter.
17 [Pratique] Les outils et indicateurs du Daf pour accompagner les achats
Daf et directeur achats sont rarement d'accord sur la mesure de la performance achats. D'où la nécessité, pour le Daf, de s'ouvrir à la culture achats et d'être pédagogue. Langage, famille d'achats, indicateurs, suivi, outils: on vous explique comment y parvenir.
"D'une entreprise à l'autre, les achats sont plus ou moins importants et représentent souvent jusqu'à 50, voire 60% du chiffre d'affaires, et il n'est pas rare qu'ils participent à 70 % du coût de revient", rapporte François Gautier, directeur du pôle achats de Karistem. D'autres experts parlent même de 50 à 80% du CA liés aux achats. Quel que soit le chiffre exact, l'impact des achats sur le résultat, donc sur la performance des entreprises, est conséquent.
Et c'est de plus en plus le cas: les entreprises préfèrent désormais se concentrer sur leur coeur de métier et déléguer le reste à des prestataires. Le pilotage de la performance achats ferait d'ailleurs partie du top 3 des priorités de progrès pour 64% des CFO et 41% des CPO (étude Synapscore, novembre 2015). Pourtant, le pilotage de leur performance est encore imparfait. Souvent limité au budget prédéfini, s'étendant parfois aux coûts évités ou, au mieux, au TCO, le calcul de la contribution des achats à la performance de l'entreprise ne sait pas sur quel indicateur danser.
18 Trouver une sémantique commune
C'est au Daf de mettre en place, en collaboration avec la direction achats, une méthodologie et des indicateurs qui rendent compte de leur apport réel au résultat de l'entreprise. Si le pilotage de la performance des achats n'est pas correctement mené au sein des entreprises, ce n'est pas une question de volonté mais de méthodologie à trouver: il n'est en effet pas facile d'évaluer quels sont les apports réels des achats. Si les coûts directs récurrents peuvent aider à estimer ces derniers d'une année à l'autre, c'est bien différent quand on parle de coûts indirects ou non récurrents.
Et un grand nombre de paramètres peuvent échapper au contrôle des acheteurs: augmentation de la consommation malgré les prix négociés, utilisateurs qui préfèrent un prestataire avec lequel la direction achats n'a pas d'accord, évolution du prix des matières premières... "Nous assistons à un éternel désaccord entre la direction financière et les achats: le directeur achats présente des gains que le Daf dit ne pas retrouver dans le bilan", indique Richard Caron, président-fondateur de Meotec.
Nota bene Le fait de réduire la marge de 5 à 2% est considéré comme une performance économique pour l'acheteur alors que le Daf veut voir un impact dans l'Ebitda ou dans le cash. "En général, cela reflète un problème de sémantique commune à la direction financière et à la direction achats. Il faut donc mettre en place une sémantique et une mesure communes", conseille Luc Agopian, directeur associé en charge de l'offre "Performance achats" chez Capgemini Consulting.
Une sémantique commune, donc, qui passe par des indicateurs et des règles définis ensemble. Ce qui exige qu'achats et finance se rencontrent régulièrement. Patrick Scholler, associé du cabinet Synapscore, conseille d'organiser des réunions de manière mensuelle, trimestrielle et annuelle."Les réunions mensuelles permettent d'analyser les résultats opérationnels, d'en observer les écarts et les tendances afin de décider de manière réactive d'actions à court terme", décrit-il. C'est aussi l'occasion de se pencher sur les risques et les tendances: évolution du marché, pénurie, offre excédentaire, évolution des monnaies, coût de l'organisation par rapport au budget... "La revue annuelle sert, quant à elle, à regarder le passé et le futur: performance de l'année écoulée, réduction de coûts ajustée à l'érosion des marchés, etc., mais aussi les projets de réduction des coûts pour l'année suivante", poursuit Patrick Scholler. Au cours des réunions trimestrielles, on pointe les écarts sur les projets définis pour l'année en cours et on fait une revue catégorie par catégorie: évolution du marché, coûts définis et réels, tendances lourdes du marché...
Florent Labey, associé chez Althéa en charge de l'offre à destination des directions financières, rapporte le cas d'entreprises qui détachent des contrôleurs de gestion au sein de la direction achats afin de faciliter les remontées d'informations et l'analyse des indicateurs. Et surtout la compréhension mutuelle des enjeux et de la vision de chacun. "Le Daf doit faire un effort pour s'intéresser à des données extra-comptables comme la notion de qualité. Il est important qu'il s'acculture à la performance achats. Et réciproquement: le directeur achats doit acquérir des notions financières", pointe-t-il. Si le TCO et les coûts de non-qualité doivent parler aux Daf, le BFR et l'Ebitda doivent être suivis par les achats. "La négociation des délais de paiement est importante alors qu'elle est souvent laissée de côté par la direction achats", ajoute Cédric Guillouet, partner achats chez Althéa. Le Daf doit donc faire preuve d'ouverture pour s'acculturer aux achats et de pédagogie pour expliquer ses propres indicateurs.
19 Valider les chiffres annoncés par les achats
"La direction financière doit être formée au TCO pour calculer la performance globale des achats à court, moyen et long termes et ne pas uniquement se focaliser sur les gains économiques à court terme. Ainsi, elle intégrera tous les paramètres: qualité, pérennité, impact sur l'activité et les clients internes et externes, et sur d'autres postes de coûts...", insiste Fanny Bénard, associée du cabinet de conseil dédié aux achats responsables Buyyourway.
Nota bene Soit une machine à la catégorie d'énergie basse, qui sera peut-être plus chère mais qui engendrera des économies d'énergie à long terme: "Il faut réussir à voir les choses de manière macro, pour l'ensemble de l'activité de l'entreprise: consommation électrique, bien-être des salariés et donc performance et efficience, fournisseurs de qualité pour être approvisionné sur le long terme..., insiste Fanny Bénard. Et les autres directions doivent accompagner les achats et la direction financière pour avoir cette vision globale."
Une vision transverse pour mieux piloter les achats en comprenant d'où viennent les écarts entre le résultat comptable et ce qu'annoncent les achats, mieux définir le budget... et surtout être prédictif.
"Le seul vrai outil de pilotage de performance de la fonction achats est le balance score card, un modèle réunissant un pilotage par la finance, par les processus, par la croissance et l'innovation et par le client, assure Richard Caron. L'objectif est de regarder les évolutions des perspectives et pas seulement de jeter un oeil dans le rétroviseur. Mais peu d'entreprises sont suffisamment matures pour mettre un tel modèle de pilotage en oeuvre."
C'est pour cette vision stratégique qu'il est essentiel que le Daf aide le directeur achats à piloter la performance des achats. "La finance peut influer sur la qualité des prévisions des acheteurs: les prévisions doivent être les plus hautes possibles et les moins biaisées. Car si les prévisions sont trop hautes, les prix de vente ne sont pas compétitifs, ce qui peut amener à attaquer les marges", prévient Patrick Scholler. Surtout, le Daf apporte une certaine fiabilité aux mesures effectuées par la direction achats. "La finance doit valider la mesure de la performance, estime Luc Agopian. Sinon, la situation est schizophrénique: le directeur achats détermine lui-même ses indicateurs, qui sont le plus souvent liés à son bonus. La collaboration avec le Daf a donc deux objectifs: traduire la performance achats dans les résultats de l'entreprise et valider les chiffres annoncés par les achats." Patrick Scholler ajoute: "Le CPO a tout intérêt à collaborer avec le CFO afin d'accéder à une plus grande visibilité et une meilleure crédibilité. La finance authentifie les chiffres publiés."
Car le Daf veillera à ce que les chiffres annoncés par les achats soient les plus proches possibles de la réalité, prenant en compte tous les paramètres: "Pour la réduction des coûts grâce à la négociation, par exemple, il demandera à ce qu'elle tienne compte de ce qui a été effectivement utilisé", précise Patrick Scholler.
20 Des indicateurs en lien avec la stratégie de l'entreprise
Mais si le CPO a besoin du CFO pour l'aider à calculer sa performance, cela ne veut pas dire que seuls des indicateurs économiques doivent être étudiés. "C'est la performance globale des achats qui doit être considérée, intégrant bien sûr la performance économique à court terme, mais également l'impact de l'achat sur l'entreprise à moyen et long termes sur l'activité, l'efficience, la satisfaction des clients internes et externes, la capacité à répondre à la réglementation et aux nouveaux besoins...", énumère Fanny Bénard. Elle conseille d'aller encore plus loin avec des paramètres sociaux, environnementaux, sociétaux, en parallèle des paramètres déjà utilisés.
"Et si un fournisseur fait faillite, ou fait travailler des enfants?", pointe Cédric Guillouet. Fanny Bénard cite l'importance d'indicateurs comme la pérennité de la relation avec les fournisseurs, qui deviennent de vrais partenaires, les délais de paiement, la formation des collaborateurs... "Il vaut mieux essayer de mesurer la contribution de valeur aux objectifs de l'entreprise que les gains", pense Richard Caron.
Les objectifs de performance achats doivent être liés à la stratégie de l'entreprise: économiques (volume de chiffre d'affaires, gains, dépenses...) et opérationnels (performance des processus achats, panel de fournisseurs, tco, time-to-procurement...).
"Certaines entreprises mesurent des gains, d'autres la réduction du nombre de fournisseurs, la qualité, les délais ou encore le taux de fournisseurs dans les pays à faibles coûts... Les objectifs assignés aux achats peuvent différer d'une entreprise à une autre", liste Olivier Wajnsztok, directeur associé d'Agile Buyer. Dans le luxe, par exemple, pas question que les produits ne soient pas de bonne qualité; peu importe le prix, finalement. Dans le pilotage de la performance achats, le Daf doit donc troquer sa casquette de gardien du temple contre celle de business partner pour adopter la vision stratégique de la direction générale et l'appliquer aux mesures de la performance des achats.
"Un tableau de bord qui suit 200 indicateurs ne sert à rien, avertit Richard Caron. Mieux vaut en suivre trois ou quatre mais les piloter réellement.""Il faut choisir des indicateurs simples, aisément compréhensibles et dont les données sont faciles à récupérer", ajoute Luc Agopian.
Attention à la boulimie d'indicateurs, donc. Pour bien les suivre, mais aussi les faire évoluer avec l'entreprise. "Les indicateurs doivent évoluer: ils correspondent à un moment de vie des directions achats", explique Luc Agopian.
Par exemple, si l'objectif à un moment donné est d'internationaliser les achats, il y a fort à parier que, cinq ans plus tard, un autre objectif sera défini.
Piloter la performance achats: quels outils informatiques?
Pour piloter au mieux la performance achats, il faut se doter d'outils informatiques adaptés. François Gautier conseille de développer un outil spécifique au pilotage de la performance achats qui soit en cohérence avec les outils comptables mais reste autonome. Un outil qui peut être mis en place sur un simple tableur Excel ou via des outils spécifiques. "Excel peut fonctionner s'il n'y a pas trop d'usines ou de produits. Car l'outil doit donner une visibilité par ligne de produits", estime François Gautier, directeur du pôle achats de Karistem.
Luc Agopian, directeur associé en charge de l'offre "Performance achats" chez Capgemini Consulting, insiste sur la dimension collaborative d'un tel outil de pilotage: "Ce peut être simplement un tableur Excel, mais il doit être accessible à tous." Les éditeurs, conscients des besoins en pilotage des directions achats, commencent à développer des outils adaptés à leurs problématiques. Le logiciel Sievo, par exemple, prend en compte l'impact de l'augmentation des volumes des achats pour calculer la performance achats. Mais, comme l'observe Richard Caron, "les outils proposés actuellement jouent encore trop le rôle de rétroviseurs et ne sont pas assez dynamiques".
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Trouver des indicateurs communs pour mesurer la performance des achats est un défi de taille dans la collaboration entre Daf et DA. Langage, familles d'achats, outils, indicateurs... Découvrez dans cet article les clés pour travailler efficacement avec les achats.
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