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5 - [Tribune] RSE : ne pas confondre notation et transparence extra-financière

La commande puis le contenu même du rapport Molinié-Brovelli-Drago conduit à confondre notation et transparence. Au moment où les entreprises développent leur reporting, cela dessert la RSE dont on ne sait plus si c'est une pression institutionnelle ou une relation de marché.

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Le français est-il encore cartésien ? Il est en tout cas devenu très contradictoire, si on en juge par la dernière démarche lancée par le gouvernement pour étudier la systématisation de la notation sociale et environnementale des entreprises (et qui a donné naissance au Rapport Molinié-Brovelli-Drago : lire notre actualité ).

L'idée, lancée pendant la campagne présidentielle, veut faire croire qu'en notant nos entreprises sur la place publique comme des écoliers, on rendra la vie sociale meilleure. Il est vrai qu'au classement Vigeo l'année dernière la meilleure entreprise sociale était : PSA... En mobilisant bons esprits et corps d'inspection sur le sujet, le gouvernement oublie qu'il a confirmé deux mois plutôt une obligation de transparence sociale et environnementale des entreprises, considérée comme la plus avancée au monde aujourd'hui. Cette demande de transparence extra-financière qui monte en puissance dans tous les pays a l'avantage de répondre aux exigences des marchés financiers et des autres parties prenantes qui ont besoin de données fiables pour se faire leur idée de la responsabilité des entreprises et de leur gestion des risques sociétaux; elle devrait faire l'objet d'une directive comptable de l'Europe pour contribuer à une meilleure valorisation de nos entreprises.


Notation sociale et environnementale des entreprises ? Cherchez le mobile...


Alors que l'appropriation de ce processus de transparence fait de plus en plus consensus, notamment chez les partenaires sociaux, et dans les entreprises les plus dynamiques, pourquoi demander une mise sur le marché de la notation extra-financière dont l'analyse au premier degré révèle vite le côté " liste noire " qu'elle induit inévitablement ?
Si on est suspicieux, on va penser à la manoeuvre d'acteurs intéressés pour se faire attribuer une rente publique, dans la grande tradition nationale ?

Si on est naïf, on va imaginer que des experts sont légitimes pour dire qui agit bien ou mal, dans une société où tout est simple et binaire comme chacun sait ?

La seule conclusion raisonnable est que nos dirigeants en phase d'apprentissage de l'enjeu RSE ont confondu la notation qui fige un jugement de tiers arbitraire, entre parties privées, avec la transparence qui donne les éléments publics de jugement, aux acteurs concernés, lesquels en tirent librement les conclusions qui leur conviennent dans leur prise de décision.

Une affaire de compétition au sein de l'État ?

Cette bévue ne serait pas grave si elle ne venait pas jeter une confusion préjudiciable à l'effort de reporting RSE que les entreprises accomplissent de mieux en mieux mais qui s'arrêtera si on en fait un usage culpabilisant et provocateur. Bien plus, la notation dessert la RSE dans sa logique politique qui est d'aider les acteurs à se rapprocher autour de compromis de progrès, à en discuter en confiance et leur permettre de se fixer des objectifs communs en matière sociale, environnementale, sociétale. Jamais cette démarche RSE n'est apparue aussi pertinente dans une France minée par la défiance collective, par l'inertie des acteurs institutionnels et des mécanismes de pouvoir à très courte vue.
Quelle démarche peut permettre de poser au centre de la discussion sociale la recherche d'un intérêt commun, si ce n'est la RSE qui compare les résultats du moment aux objectifs à atteindre du point de vue du développement durable ? Reprenons nos esprits et si on peut inventer un espace nouveau de négociation contractuelle entre parties prenantes, laissons leur apprécier les situations objectivement et dans leur complexité, autour de référentiels sectoriels, internationaux, qui existent de plus en plus, faits dans les règles et vérifiés ; encourageons les audaces de terrain et non les classements péremptoires.

La RSE est une idée trop précieuse et nouvelle pour être manipulée idéologiquement, alors même qu'elle doit assumer un défi de crédibilité énorme, lié à des détournements promotionnels tentants et qu'on n'a même pas installé ses codes de fonctionnement et sa reconnaissance dans la gouvernance d'entreprise. La notation est une affaire privée. La transparence extra-financière est un enjeu public. Ne perdons pas de temps à désigner les entreprises ; occupons nous à rechercher des progrès collectifs.

Patrick d'Humières, président de l'Institut RSE management

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