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Norsys, une SSII aux aspirations humanistes

Norsys, PME du Nord, se fait remarquer pour sa croissance constante mais aussi (surtout) pour sa politique de ressources humaines et sa démarche RSE exemplaires. Dépourvue d'investisseurs, elle met en pratique les convictions humanistes de son p-dg, Sylvain Breuzard.

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L'ADN de Norsys : «Mettre l'économie au service de l'homme», selon Sylvain Breuzard, son p-dg (au centre).

L'ADN de Norsys : «Mettre l'économie au service de l'homme», selon Sylvain Breuzard, son p-dg (au centre).

Norsys n'est manifestement pas une PME comme les autres dans le secteur des nouvelles technologies. C'est un ovni, même ! Et pour cause : cette entreprise est animée par une philosophie forte, au service des clients, de ses salariés et de l'environnement. Plus médiatisée pour sa politique de ressources humaines (idéologiquement inspirée par son visionnaire de patron, Sylvain Breuzard) que pour la réussite de son business, elle résiste pourtant à la crise. La SSII, dont le siège se situe dans le Nord-Pas-de-Calais (59), connaît une croissance constante depuis sa création en 1994, dont 10 % en 2011. Son métier : le conseil et l'assistance en maîtrise d'ouvrage, le pilotage et l'ingénierie de projets informatiques sur mesure pour de très grandes entreprises ou institutions, autour de trois secteurs principaux. Le premier est celui de la santé sociale avec une clientèle qui compte la Caisse nationale d'assurance maladie, le Régime social des indépendants (RSI) et plusieurs mutuelles. Le gros de l'activité est ici assuré par l'agence parisienne. Le second est la vente à distance et la grande distribution avec des acteurs historiques implantés dans le Nord de la France comme Les Trois Suisses, Décathlon, Auchan, La Redoute. « Norsys développe des applications tournées vers la commande et la gestion clients », détaille Sylvain Breuzard. Enfin, la bancassurance constitue le troisième secteur avec le groupe AG2R-La Mondiale, le Crédit Agricole, Cofidis ou encore Monabanq.

Depuis 2004-2005, Norsys a investi un nouveau périmètre d'activité qui représente désormais plus de 20 % de son chiffre d'affaires. « Nous rédigeons des cahiers des charges en mesurant l'impact sur le système d'information, testons les développements informatiques et conduisons le changement auprès de clients tels que la MGEN et d'autres mutuelles », explique le dirigeant.

LA PERFORMANCE GLOBALE COMME PRECEPTE

N'était-ce son positionnement solidaire et responsable, l'entreprise ferait sans doute moins parler d'elle. Comme souvent, cet engagement est le fait d'un homme, Sylvain Breuzard, seul - dans le board tout au moins - aux commandes de l'entreprise. Engagé, visionnaire, convaincu, cet homme de 52 ans a un credo : la performance globale, selon laquelle l'entreprise s'impose une triple responsabilité, économique, humaine et sociétale. « Toutes les actions de l'entreprise doivent répondre à cette triple finalité, et à défaut, le projet envisagé n'est pas engagé. Par exemple, les propositions commerciales sont accompagnées d'une étiquette environnementale qui précise l'impact carbone de la réalisation du projet informatique et propose des adaptations, notamment sociales, pour le réduire », illustre le p-dg. Le principe a été conceptualisé par la construction d'un référentiel, un guide de diagnostic.

Depuis 2005, la performance globale est ainsi la clé de voûte de Norsys, son repère, au point d'en avoir fait son logo, qui illustre parfaitement cette globalité : les anneaux borroméens. Les entrelacs de ces trois cercles sont associés de façon à ce qu'ils soient tous unis les uns les autres. Quel que soit celui qu'on retire, tous les autres reprennent leur liberté. « Aucune responsabilité ne vaut sans les autres, aucune d'entre elles n'est prioritaire », précise Sylvain Breuzard. Un point de vue original jamais occulté, même en période de crise : « Au contraire, la crise rend encore plus nécessaire le besoin de répondre à l'humain et au sociétal. C'est justement dans ces épreuves que nous ne devons pas perdre de vue notre ADN et mettre l'économie au service de l'homme. »

En mars 2012, la mise en pratique de cette philosophie a été couronnée par une évaluation ISO 26000 du RSE. C'est une première en France. L'Afnor a évalué la responsabilité sociétale de Norsys, traduisant les impacts de ses décisions et de ses activités, selon les principes de la norme ISO 26000 et son modèle «Afaq 26000». Selon l'Afnor, Norsys a atteint le niveau d'exemplarité, soit dans la grille Afaq le niveau de maturité le plus élevé après l'engagement, la progression et la maturité (lire l'avis d'expert ci-dessus).

SYLVAIN BREUZARD, P-DG DE NORSYS

« Toutes les actions de l'entreprise doivent répondre à une triple finalité : économique, humaine et sociétale. A défaut, le projet n'est pas engagé. »

L'ENTREPRISE COMME UN TERRAIN DE PROGRES

Dans le secteur hyper concurrentiel des nouvelles technologies, Norsys fait donc figure d'ovni. Parce qu'elle est financièrement indépendante de tout investisseur, la PME a les mains libres et son patron toute latitude pour mettre en oeuvre ses idées. Celles-ci vont d'une politique de management participatif à des actions philanthropiques à l'étranger, via la fondation Norsys. Des centres d'intérêt a priori éloignés du métier d'origine de ce diplômé en sciences économiques et en informatique appliquée à la gestion d'entreprise, qui a fait ses classes chez IBM.

En 1994, Sylvain Breuzard crée Norsys avec deux associés et se positionne sur le développement de logiciels autour des nouvelles technologies. « Malgré les opportunités qui ont pu se présenter comme le passage à l'an 2000 puis à l'euro en 2002, qui généraient du business sur des plateformes informatiques anciennes, nous sommes restés fidèles à notre stratégie de base. Celle-ci se concentre sur des applications de gestion ou de commande pour améliorer la performance des entreprises. » Dix ans plus tard, ses deux associés, l'un proche de la retraite, le second porteur d'un projet, lui cèdent leurs parts. Désormais, il détient 95 % du capital, le reste appartenant aux salariés par le biais des souscriptions et d'attributions gratuites d'actions.

Sylvain Breuzard ne se contente pas d'apporter du business. « Au fur et à mesure du développement de l'entreprise, les missions de recrutement, management et pilotage de l'entreprise m'ont été attribuées. Je n'y connaissais rien mais cela m'a vite intéressé, et j'ai compris que je pouvais traduire mes convictions en actions concrètes. »

Aujourd'hui, l'entreprise compte 280 salariés, répartis sur cinq sites : Ennevelin (59), Paris (75), Lyon (69), Valbonne (06) et Marrakech (Maroc). Et la gestion du personnel continue d'animer l'homme.

CV anonymes, engagement dans la diversité, égalité hommes-femmes, mobilité, accompagnement des salariés dans leurs évolutions, recherche d'équilibre vie professionnelle / vie personnelle, parentalité... l'entreprise cumule les labels et les bons classements. « Notre turnover est deux fois mois important qu'ailleurs malgré la pénurie de main-d'oeuvre dans notre secteur », se félicite le président.

Pas forcément mieux payés mais mieux pris en compte, les salariés sont encouragés à progresser. Une école au sein de l'entreprise - Norsysuniversité - dispense ainsi des formations, pas seulement technologiques. Plusieurs écoles consacrées aux compétences en relations humaines, au management, aux domaines métier tels que la santé accompagnent les salariés dans leurs évolutions et assurent une formation permanente. Enfin, moment fort de l'entreprise, son campus d'été, associe pendant deux semaines 70 % des salariés, des clients, mais aussi la société civile autour de débats et tournois sportifs.

La PME a également des airs de démocratie participative. A chaque cycle de l'entreprise, qui fonctionne selon des stratégies à trois ans, tous les membres de l'entreprise sont conviés à un brainstorming général. Une occasion de revisiter les fondamentaux de la société. Quant aux représentants du personnel, ils forment chez Norsys «le conseil d'entreprise». « L'idée est que ce groupe aille largement au-delà de ses prérogatives légales pour être une force de proposition et de conseil, comme un comité de direction », explique Sylvain Breuzard, qui préfère avoir des comptes à rendre à ses salariés plutôt qu'à des investisseurs.

UN DAF A LA MESURE

Dans ce cadre un peu particulier, quelle est la place du Daf dans l'entreprise ? A ce poste depuis 2010, Sarah Lefevre assure sa mission de gestion comptable et financière traditionnelle et de contrôle de gestion. Appuyée par une assistante comptable, elle gère en direct la facturation, la gestion de la comptabilité et le contrôle de gestion, puisque rien n'est sous-traité. Les ressources humaines étant investies par le patron, le Daf se concentre ici sur son coeur de métier. Mais différemment. La culture de l'entreprise donne moins de poids au financier. « L'aspect économique n'est pas le critère décisif dans les prises de décision. L'entreprise est moins prisonnière de ses chiffres, par choix et du fait de l'absence d'actionnaires », affirme Sarah Lefevre. Un exemple : « Pour la mission étiquetage carbone, une autre entreprise aurait vraisemblablement engagé des coûts moindres, entre la mission d'un consultant et la mobilisation du personnel. Cela entre dans notre stratégie. »

L'esprit Norsys invite le Daf à s'ouvrir sur d'autres champs. « J'ai suivi une formation carbone, grâce à laquelle je peux mieux communiquer avec les responsables RSE, extraire les informations comptables & financières qui leur seront utiles, et mettre en place un tableau de bord adéquat. »

Un changement de culture pour Sarah Lefevre qui, formée en cabinet comptable, a passé huit ans à la direction financière d'un centre d'appels. Ici, elle apprécie d'adhérer aux valeurs de l'entreprise.»

REPERES

Raison sociale: Norsys SA
Activité : Conseil en systèmes et logiciels informatiques
Forme juridique : SAS
Dirigeant : Sylvain Breuzard
Daf : Sarah Lefevre
Effectif : 280 salariés
CA 2010: 20 MEuros
CA 2011: 22 MEuros

FOCUS. NORSYS, UN PARCOURS JALONNE DE RECONNAISSANCES



2012
Evaluation ISO 26000, niveau de maturité jugé exemplaire.


2011
- 1er prix catégorie PME au niveau France, Mécenova d'IMS Entreprendre pour la Cité.
- 1er prix au niveau européen, « European Employee Volunteering Award » du BITC, pour ses « Journées de formation pour demandeurs d'emploi susceptibles d'être discriminés ».


2010
- Norsys obtient la 7e place des « Best Workplaces France 2010 » de moins de 500 salariés, Institut Great Place to work.
- 1re place au Prix de l'ambition de la Région Nord-Est 2010, catégorie développement durable, décerné par la Banque Palatine, La Tribune et BFM TV.


2009
Obtention du Label Diversité et Label Egalité professionnelle, décernés par l'Etat.


2008
Distinction « Mérite au développement » remise à Sylvain Breuzard par l'IPP (Institut international de promotion et de prestige).

AVIS D'EXPERT CHRISTOPHE GOTTELAND, consultant évaluateur Afaq 26000 pour l'Afnor et auditeur de Norsys dans le cadre de son évaluation: « Une maturité exemplaire due à l'engagement d'un homme visionnaire »

En quoi consiste l'évaluation ISO 26000 ?
En matière de norme ISO 26000, on ne parle pas de certification mais d'évaluation, car la norme ISO 26000 ne demande pas l'application d'un référentiel, mais donne des lignes directrices. L'évaluation repose sur un ensemble d'éléments : analyse des engagements de l'entreprise, mises en oeuvre concrètes et effets de ces pratiques sur l'activité quotidienne, par exemple sur l'égalité homme-femme, l'intégration des travailleurs handicapés, le partage des richesses et la transparence sur les rémunérations. Cette évaluation passe aussi par l'interview des parties prenantes internes de l'entreprise, à savoir les salariés, les représentants du personnel et la médecine du travail ainsi que l'écoute des parties prenantes externes, clients, fournisseurs, collectivités et/ou associations d'insertion. Tout doit être recoupé en interne et externe sur site.


Vous avez évalué Norsys au regard de la norme ISO 26000, la positionnant au niveau d'exemplarité. Pourquoi un tel rang ?
Missionné par l'Afnor, j'ai procédé à l'évaluation Afaq 26000 de Norsys, à Paris et à Ennevelin. J'en ai conclu que Norsys a un degré de maturité exemplaire en matière de RSE. Seule une poignée de PME a atteint ce niveau, le système de cotation étant rigoureux et exigeant. Norsys se distingue par sa politique de ressources humaines qui met vraiment l'humain au coeur de tout dispositif. Du fait de son activité de services, ses impacts environnementaux dans le sens écologique sont assez limités, mais son dirigeant les a étendues à la sphère sociétale et civile avec notamment sa fondation pour l'accès à la connaissance au Maroc. Peu de PME ont leur propre fondation.


Comment se distingue Norsys des entités que vous êtes amené à auditer ?
L'engagement de son dirigeant est ancien, mûr et profondément ancré dans la culture de l'entreprise. Les résultats RSE reposent sur l'énergie que Sylvain Breuzard et son équipe déploient pour traduire leurs convictions en pratique, et pour former, eux-mêmes, les salariés à cette culture des trois piliers. Laquelle était déjà structurée avant l'évaluation, alors que souvent c'est la perspective de l'évaluation qui pousse l'entreprise à engager des démarches structurantes et formalisées. De plus, cette performance humaine amène la performance économique. C'est pour l'ensemble de ces raisons que Norsys a valeur de modèle en matière de RSE.

EN SAVOIR PLUS. UN HOMME D'ENGAGEMENT SUR TOUS LES FRONTS

Soucieux de diffuser son expérience, sans prétendre montrer l'exemple, Sylvain Breuzard a été un temps à la tête du Centre des jeunes dirigeants (CJD), mouvement qui défend l'idée d'un libéralisme responsable. « Le CJD a été comme un aiguillon pour développer l'entreprise. J'y ai compris certaines choses que, jusqu'à présent, je faisais par intuition ou par réaction à ce que j'ai connu. » C'est là que ce boss inspiré développe le concept de performance globale.
Depuis, il a fait d'autres choix. Appelé par Greenpeace France, il en est devenu le président du conseil d'administration. «Pour la première fois dans son histoire, la grande ONG française accepte un patron dans le cercle très resserré de son management», a titré le quotidien régional La Voix du Nord.
Il y parfait son engagement, à l'image de «ses» trois anneaux : Greenpeace pour l'écologie, son entreprise pour l'économique et, pour l'humain, la fondation Norsys, qui vise à faciliter l'accès à la connaissance, ainsi que le Réseau Etincelle. Action philanthropique en faveur des jeunes en échec scolaire, cette entité les amène à prendre conscience d'un centre d'intérêt pour esquisser un projet professionnel, à travers 60 heures d'accompagnement par des experts.

BRUNE LACOSTE

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