Recherche

Comment instaurer une culture finance ?

Et si tous les collaborateurs de votre entreprise comprenaient bien les enjeux de la rentabilité, de la marge, des stocks, du prix de vente, entre autres, la performance financière globale s'en trouverait sûrement positivement impactée.

Publié par Stéphanie Gallo le - mis à jour à
Lecture
5 min
  • Imprimer
Comment instaurer une culture finance   ?

Si la finance technique et la stratégie financière relèvent bien de la direction financière, il n'en reste pas moins que chaque action, chaque décision prise à tous les niveaux de l'entreprise joue, de manière plus ou moins significative, sur le compte de résultat.

« Je sais que c'est encore bien trop souvent le cas, mais je suis contre la tour d'ivoire des financiers. Il est beaucoup plus judicieux d'expliquer, de concerter, de faire de la pédagogie. Il n'est pas question de détailler les points les plus techniques de son job, mais les bases doivent être comprises et partagées. » Anne Frisch en est convaincue, les directeurs financiers doivent faire l'effort de communiquer auprès des non-financiers de leur organisation. Elle en est tellement certaine qu'après toute une carrière comme CFO de grands groupes de l'industrie et de l'énergie (Alcan, Suez et Areva notamment), elle en a fait, depuis 2016, son activité principale. « Chez Alcan, puis dans les autres entreprises pour lesquelles j'ai travaillé, j'ai monté des programmes de formation financière. Pour les commerciaux ou d'autres services. Cela me plaisait et m'amusait, j'ai décidé de lancer mon entreprise sur le sujet avec une méthode de simulation et de business games. » Son approche a séduit plusieurs grands groupes, dont Orange, Ipsen ou encore Safran.

La CFO n'hésite pas à mettre les pieds dans le plat : « J'ai souvent constaté que, dans les entreprises, vous avez toujours des personnes qui aiment bien garder le mystère autour de leur métier, employer sciemment des termes techniques que les profanes ne compren­nent pas... Et je dois reconnaître que c'est un fléau tout particulièrement courant dans les directions financières... »

Expliquer, expliquer, expliquer

Une attitude satisfaisante pour l'ego personnel, mais contre-productive dans une optique de performance. « Les financiers sont de plus en plus experts, c'est certain. Mais n'oublions pas que les décisions affectant la performance d'une entreprise sont prises par les opérationnels. Par ceux qui vont voir les clients, qui décident des investissements, qui achètent, etc. IIs doivent être formés afin de bien appréhender les conséquences de leurs décisions sur la performance économique de l'entreprise. » Pour Anne Frisch, tout collaborateur qui prend des décisions impactant le budget doit maîtriser les bases des impératifs financiers. « Il faut leur expliquer la différence entre le chiffre d'affaires et le profit, ce qu'est l'amortissement, le BFR, les stocks, l'EBITDA. Pour les commerciaux, par exemple, cela leur permet de bien comprendre pourquoi ils doivent vendre au bon prix, et pas en dessous... » Le rôle du CFO dans cette dynamique selon elle ? « Il ne doit certainement pas rester derrière son ordinateur, il doit être capable de prendre son bâton de pèlerin et d'expliquer, expliquer, expliquer... »

Cette position est partagée par Sylviane Teil. La directrice financière du groupe XEFI depuis 13 ans (320 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2022, 800 salariés, services informatiques et cloud pour les TPE/PME) ne supporte pas le jargon technique financier. « La sacralisation financière de certains est insupportable. Au contraire, pour moi, la simplification est la sophistication ultime... » Elle pilote depuis des années un programme de formation ­parfaitement structuré et bien rodé au sein de la Xefi Academy.

« Nous partageons avec chacune de nos 150 agences un tableau de bord, un compte de résultat simplifié avec des mises à jour en temps réel, un langage unique, compréhensible pour un non-financier et consultable par tous. Nous formons un maximum de collaborateurs à la lecture de ces tableaux et nous leur fournissons un outil simple, avec les fondamentaux qui leur permettent de comprendre immédiatement quels sont les progrès réalisés et le chemin à parcourir. »

Améliorer la performance, comprendre les enjeux

Et chez Xefi, toute l'équipe finance (20 personnes) met la main à la pâte avec au moins deux sessions de formation par an pour chacun des collaborateurs afin de bien intégrer les éléments de langage à partager et à vulgariser. Les retombées sont réelles selon Sylviane Teil. Ces formations et cette communication en continu permettent à chacun de mesurer la portée de ses actions, de réorienter ses priorités et ses décisions. « La vulgarisation de la donnée financière permet vraiment à l'entreprise d'avancer plus vite dans la bonne direction » .

À une autre échelle d'entreprise, Orange (CA 2021 : 42 milliards d'euros) est aussi engagé sur ce chemin. Le groupe s'est lancé depuis plusieurs années, avec une accélération plus récente (avec l'aide d'Anne Frisch notamment), dans la formation des non-finan­ciers. « Nous avions un catalogue de petits modules de formation sur le budget, l'EBITDA... Désormais, nous avons structuré un plan d'action avec des priorités de cibles. Depuis l'été dernier, nous avons aussi mis sur nos réseaux internes des petites vidéos qui expliquent certains enjeux financiers, de manière simple et abordable » signale Marie-Pierre Lafon, responsable développement des compétences filière finance et performance pour Orange. « Les contraintes financières sont importantes chez nous. Nous devons faire des économies, réduire les coûts. Tous les salariés ont intérêt à comprendre ce qui impacte les prix, mais aussi leurs primes d'intéressement ou de participation. Cela permet également de donner du sens au travail de chacun. »

Alexis Bazin, directeur financier de l'entreprise Précision Global (leader mondial de la production de valves pour aérosols, 1 500 salariés, 17 sites dans 15 pays), en est lui aussi convaincu. Le directeur financier estime que le sujet de la compréhension des données financières est particulièrement prégnant pour les entreprises sous LBO, environnement dans lequel il évolue depuis de nombreuses années. « Sous LBO, il y a une certaine obsession de la performance financière. Le sujet est évoqué en per­manence, les collaborateurs le savent, mais certains concepts financiers sont complexes. Il faut donc passer du temps pour les expliquer de façon simple pour que les enjeux soient mieux compris. » Faute de temps, il n'a pour l'instant pu initier la démarche qu'au niveau du Comex, mais ambitionne de la déployer beaucoup plus largement dès que possible.

S'abonner
au magazine
Retour haut de page