Recherche

DossierLa direction administrative et financière et l'organisation interne de l'entreprise

Publié par le

6 - Les clés d'une délégation de pouvoirs réussie

Pour qu'elle soit efficace, une délégation de pouvoirs doit être sélective. Il est donc primordial d'opérer un choix dans les compétences que le dirigeant entend déléguer. Surtout que le recours à la délégation de pouvoirs accroît l'exposition au risque pénal de la personne morale.

  • Imprimer

Une délégation de pouvoirs efficace est une délégation sélective. Il convient cependant de ne pas tomber dans l'excès inverse qui consisterait à déployer des organisations internes où la délégation de pouvoirs régnerait en maître absolu. En effet, trop de délégation peut rapidement s'avérer aussi contre-productif que pas de délégation du tout.

Contre-productif tout d'abord, parce que la jurisprudence (Cass. crim., 2 fév. 1993, n°92-80.672 ; Cass. crim., 20 oct. 1999, n° 98-83.562) se refuse à reconnaître la validité des systèmes de distribution des pouvoirs dans lesquels le dirigeant délègue l'intégralité de ses pouvoirs. Le délégataire ne saurait avoir le même champ de compétences que le directeur général. Il est indispensable que le délégant soit sélectif et qu'il opère un choix dans les compétences qu'il entend déléguer. Il doit demeurer le dirigeant et, à ce titre, ne déléguer ses pouvoirs qu'avec parcimonie.

Contre-productif ensuite, parce que l'apparition du concept de responsabilité pénale des personnes morales a conduit le législateur à créer un lien direct entre l'auteur de la faute pénale, ce qui suppose a priori de connaître son identité, et la mise en cause pénale de la responsabilité de la personne morale. C'est ainsi que l'article 121-2 du Code pénal dispose que: "Les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement, selon les distinctions [ ...] des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants. "

Le grand retour du risque pénal pour la personne morale

La responsabilité pénale de la personne morale est engagée si, et seulement si, il est établi que la faute a été commise par une personne disposant de la capacité d'engager la société. Et cette qualité ne se présume pas. L'intéressé doit donc disposer soit d'un mandat social, soit d'un pouvoir de représenter la société (Cass. crim., 1er déc. 1998, n°97-80.560). Le développement du recours à la délégation de pouvoirs accroît donc l'exposition au risque pénal de la personne morale, laquelle est, en outre, confrontée à des sanctions maximales plus lourdes que les personnes physiques et à un risque de récidive accentué.

Cet effet contre-productif de la délégation de pouvoirs avait perdu de sa vigueur, la Cour de cassation ayant, in fine, admis que certaines fautes ne pouvaient être engagées que par des représentants de l'entreprise, sans même qu'il soit nécessaire de les identifier. Dès lors, l'existence ou non d'une délégation de pouvoirs perdait tout caractère pénalisant pour la personne morale, puisque cette présomption dispensait de s'interroger sur l'identité et donc, a fortiori, sur la qualité réelle de l'intéressé.

C'est cette jurisprudence, au demeurant difficilement compréhensible, qu'un arrêt de la Cour de cassation est venu remettre en question (Cass. crim., 11 oct. 2011, n° 10-87.212 ; voir l'encadré ci-contre). Par cet arrêt, qui semble bien indiquer un revirement de jurisprudence, la Cour signifie aux juges du fond la nécessité, qui est de nouveau la leur, d'identifier l'auteur de la faute. Dès lors, la question de savoir si cet auteur disposait du statut nécessaire pour engager la responsabilité de l'entreprise redevient inévitable. En conséquence de quoi, la question de l'existence ou non d'une délégation de pouvoirs devra de nouveau être posée, raison supplémentaire, donc, pour n'utiliser ces délégations qu'à bon escient, sans excès et de manière adaptée."

Sur le même sujet

S'abonner
au magazine
Retour haut de page