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Coronavirus : comment mettre en place le chômage partiel

Certaines entreprises n'ont que rarement ou jamais recours au chômage technique ou chômage partiel, désormais appelé activité partielle indemnisée par l'Etat. Beaucoup en découvrent maintenant la possibilité qui, dans cette période difficile, offre des avantages évidents.

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Coronavirus : comment mettre en place le chômage partiel

Lorsque le télétravail n'est pas possible en pratique, plutôt que de demander aux salariés de prendre les congés payés qu'ils ont déjà posés et qui seront payés à 100% sans remboursement, il est souvent préférable pour l'entreprise de déposer une demande de chômage partiel.

On a beaucoup lu que le Gouvernement interdisait les licenciements pendant la période critique actuelle. C'est faux. Rien n'interdirait de poursuivre les procédures de licenciement en cours, mais en pratique, cela semble difficile en l'absence physique des salariés. En revanche, ce qu'a indiqué la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, c'est que plutôt que de procéder à des licenciements pour motif économique, alors que les entreprises auront besoin de leurs salariés une fois l'épidémie et la crise terminée, les entreprises devaient plutôt recourir au chômage partiel.

Les règles sur le chômage partiel ou activité partielle ont été modifiées en 2013. Un projet de décret a été communiqué et devrait être signé très prochainement, qui facilite le recours à l'activité partielle dans les circonstances particulières actuelles. Ses dispositions s'appliqueront aux demandes d'activité partielle déposées à compter de la date de parution du décret, au titre des heures chômées rétroactivement depuis le 1er mars 2020.

Comment faire pour l'entreprise ?

Aux termes de l'article R. 5122-1 du Code du travail, l'employeur peut placer ses salariés en position d'activité partielle lorsque l'entreprise est contrainte de réduire ou de suspendre temporairement son activité pour l'un des motifs suivants :

1. La conjoncture économique ;

2. Des difficultés d'approvisionnement en matières premières ou en énergie ;

3. Un sinistre ou des intempéries de caractère exceptionnel ;

4. La transformation, restructuration ou modernisation de l'entreprise ;

5. Toute autre circonstance de caractère exceptionnel.

L'entreprise doit déposer une demande de recours à l'activité partielle de manière dématérialisée sur : https://activitepartielle.emploi.gouv.fr/, indiquant :

- le motif du recours : à l'évidence, au cas présent, le motif du recours sera "Toute autre circonstance de caractère exceptionnel" et cocher la case "Coronavirus";

- la période prévisible de sous-activité : il est possible de faire une demande pour un maximum de 6 mois que le décret prévoit d'allonger à 12 mois ; certaines Direccte conseillent actuellement de présenter une demande couvrant la période au moins jusqu'à fin juin 2020 ;

- le nombre de salariés concernés : le chômage partiel est ouvert à l'ensemble du personnel ou une ou plusieurs catégories d'entre eux ;

La demande doit être déposée, selon l'article R. 5122-3, préalablement à la date souhaitée pour le démarrage de l'activité partielle ; le projet de décret prévoit que la demande pourra, par exception, être faite dans un délai de 30 jours après le démarrage de l'activité partielle en cas de suspension d'activité due à un sinistre ou des intempéries, et réduit à 2 jours au cas présent. En tout état de cause, les entreprises qui envisagent d'avoir recours au chômage partiel ont intérêt à déposer leur demande rapidement.

Le Comité Social et Economique (CSE) doit en principe être consulté avant de déposer la demande et par la suite informé de l'acception de la demande. Cependant, le projet de décret à paraître supprime l'avis préalable du CSE, avis qui pourra être obtenu ultérieurement et devra être adressé à l'administration dans les 2 mois à compter de la demande de recours à l'activité partielle.

L'article R. 5122-4 dispose que "la décision d'autorisation ou de refus, signée par le préfet, est notifiée à l'employeur dans un délai de quinze jours à compter de la date de réception de la demande d'autorisation", le silence de l'administration à l'expiration de ce délai valant acceptation ; le projet de décret prévoit de réduire ce délai à 2 jours pour les demandes fondées sur des circonstances exceptionnelles telles qu'actuellement.

Quelles conséquences pour les salariés ?

Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de respecter son obligation de fournir du travail, soit parce que l'entreprise n'a plus d'activité du fait du confinement, soit parce que les fonctions du salarié ne peuvent être exercées en télétravail, le salarié pourrait en théorie, être licencié pour motif économique.

L'intérêt du chômage partiel pour le salarié est que son contrat de travail reste en vigueur, son exécution est suspendue et le salarié n'a donc aucune obligation de travailler.

Pendant la durée du chômage partiel, et conformément au projet de décret, le salarié perçoit 70% de sa rémunération brute, limitée à 4,5 fois le taux horaire du SMIC par heure de travail, taux horaire qui ne peut toutefois être inférieur à 8,03€.

La rémunération servant de base au calcul des 70% est celle qui sert d'assiette au calcul de l'indemnité de congés payés ramenée à un montant horaire sur la base de la durée légale du travail applicable dans l'entreprise ou, lorsqu'elle est inférieure, la durée collective du travail ou la durée stipulée au contrat de travail (Article R. 5122-18), ce qui exclut les heures supplémentaires. Pour les salariés en forfait en jours ou en heures, le chômage partiel n'est possible que si tout ou partie de l'établissement est fermé pour une durée minimale d'une demi-journée (soit 3h30) ; il faut comprendre ici l'arrêt total de l'activité non seulement d'un établissement ou d'une partie d'établissement mais également d'une unité de production, d'un service, d'une équipe chargée de la réalisation d'un projet notamment en matière de prestations intellectuelles.

Le taux de 70% de la rémunération brute correspondant à environ 84% de la rémunération nette antérieure dans la mesure où le salaire perçu n'est pas soumis à cotisations et contributions sociales (ce qui pourra avoir un léger impact sur les retraites à venir faute de cotisations retraite pendant la durée du chômage partiel) ; il reste soumis à CSG et CRDS après abattement de 1,75% et au taux réduit de 6,2% pour la CSG et 0,50% pour la CRDS. Le montant perçu est bien entendu fiscalisé.

Seuls les salariés payés au SMIC et les salariés en formation, si les formations se poursuivent, pourront toucher 100% de leur rémunération.

C'est l'employeur qui continue de verser la rémunération aux dates normales de versement de la paye ; après acceptation du dossier de chômage partiel par l'Etat, l'employeur est remboursé 100% des sommes versées aux salariés. Le bulletin de paie ou un document annexe remis au salarié fait mention du nombre d'heures indemnisées au titre de l'activité partielle, des taux appliqués et des sommes versées au salarié au titre de la période considérée.

La totalité des heures chômées est prise en compte pour le calcul de l'acquisition des droits à congés payés. Elle est également prise en compte pour la répartition de la participation et de l'intéressement, si tant est qu'il en reste, lorsque cette répartition est proportionnelle à la durée de présence du salarié. Lorsque cette répartition est proportionnelle au salaire, les salaires à prendre en compte sont ceux qu'aurait perçus le salarié s'il n'avait pas été placé en activité partielle (Art. R. 5122-11). L'ancienneté ne court pas durant la suspension du contrat de travail sauf clause plus favorable de la convention collective applicable.

Si un salarié est licencié dans les 3 ou 12 mois suivant la période d'activité partielle, le salaire de référence pris en considération pour le calcul de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est le salaire perçu habituellement par le salarié, et non les rémunérations réduites perçues durant la période d'activité partielle.

Pour les salariés en contrat d'apprentissage ou de professionnalisation (et pour les salariés non soumis à la rémunération mensuelle minimale, selon le projet de Décret), l'allocation 1 ne peut être supérieure au montant de l'indemnité horaire due par l'employeur (Art. R. 5122-18).

Et les salariés protégés ?

L'employeur peut mettre les salariés en chômage partiel si sa demande a été acceptée, expressément ou tacitement. Mais qu'en est-il des salariés protégés ? On sait qu'un salarié protégé ne peut se voir imposer aucune modification, non seulement de son contrat de travail comme les autres salariés, mais également de ses conditions de travail. En tout état de cause, la mise en chômage partiel constitue une modification du contrat de travail du fait de la modification de la rémunération. Faut-il alors pour obtenir l'accord individuel des salariés protégés leur garantir 100% de leur rémunération antérieure ? Cela paraît tout de même peu civique et injuste vis-à-vis des autres salariés qui eux n'ont pas le choix de refuser le chômage partiel.

Il faut espérer que dans les circonstances actuelles, les salariés protégés seront compréhensifs pour ne pas alourdir encore la charge des entreprises en cette période.

Pour en savoir plus

Viviane Stulz est avocat au Barreau de Paris, spécialiste en droit social. Associée au sein de la SCM 5QB Avocats, elle est membre fondateur du syndicat d'avocats en droit social, AvoSial. Elle conseille et assiste les entreprises françaises et étrangères sur toutes leurs questions de droit social.

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