A.R.M.E. ou A.P.L.D. ou A.P.S. , les entreprises dans les starting-blocks
Avant la rentrée, nombreuses entreprises s'interrogent sur l'opportunité d'ouvrir des négociations pour mettre en place d'un dispositif d'activité partielle de longue durée. Il a fallu attendre le 30 juillet pour la parution de son indispensable décret d'application.
Le nouveau dispositif d'activité partielle, dénommé " Activité Réduite pour le Maintien en Emploi " (ARME) par le texte mais dont la terminologie a évolué en l'APLD (Activité Partielle Longue Durée) puis désormais en APS (Activité Partielle Spécifique),, est né.
Il est en effet prévu par l'article 53 de la loi n°2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne. Il prend place aux côtés du dispositif exceptionnel d'activité partielle " Covid " mis en place pour lutter contre la crise sanitaire et dont les jours sont comptés.
Ce nouveau dispositif est défini comme étant " destiné à assurer le maintien de l'emploi dans les entreprises confrontées à une réduction d'activité durable qui n'est pas de nature à compromettre leur pérennité ". Il s'adresse à toutes les entreprises et tous les secteurs d'activité.
Il est nécessairement issu d'une base négociée.
Il pourra en effet être mis en place :
- Soit par accord d'entreprise (d'établissement ou de groupe) et dans ce cas l'accord devra
1) prévoir sa durée d'application, les activités et les salariés concernés, les réductions de l'horaire de travail pouvant donner lieu à indemnisation et les engagements spécifiquement souscrits en contrepartie, notamment pour l'emploi et
2) faire l'objet d'une validation par la DIRECCTE (dans un délai de 15 jours).
- Soit par accord de branche étendu et dans ce cas l'employeur pourra mettre en oeuvre le dispositif unilatéralement, après (1) avis du CSE, sur la base d'un document conforme aux stipulations de la branche et prévoyant sa durée d'application, les activités et les salariés concernés, les réductions de l'horaire de travail pouvant donner lieu à indemnisation et les engagements spécifiquement souscrits en contrepartie, notamment pour l'emploi et (2) homologation par la DIRECCTE (dans un délai de 21 jours).
Le décret d'application n°2020-926 du 28 juillet 2020 donne les précisions indispensables à la mise en oeuvre du dispositif. En synthèse
- Le dispositif est ouvert du 1er juillet au 30 juin 2022.
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- L'indemnisation versée aux salariés concernés est de 70% de leur rémunération horaire brute de référence.
- Le montant de l'allocation versée aux entreprises est de 60% de la rémunération horaire de référence (soit 85% de l'indemnité versée aux salariés) pour les accords transmis à la DIRECCTE avant le 1er octobre 2020 et de 56% (soit 80% de l'indemnité versée aux salariés) pour les autres, dans la limite de 4,5 SMIC.
- La réduction d'horaire indemnisable au titre de l'APS est limitée à 40% du temps de travail avec un dépassement du plafond possible autorisé à titre exceptionnel par la DIRECCTE jusqu'à 50%.
- L'accord devra notamment prévoir un préambule sur le diagnostic de la situation économique et les perspectives d'activité et des mentions obligatoires notamment sur les activités et salariés concernés et les engagements en termes d'emploi et de formation professionnelle et les modalités d'information des représentants du personnel sur la mise en oeuvre de l'accord..
- L'autorisation de la DIRECCTE sera accordée par période de 6 mois renouvelables sur la base d'un bilan des engagements, dans la limite de 24 mois consécutifs ou non, sur une période de référence de 36 mois consécutifs.
La principale particularité de ce dispositif réside dans le fait qu'il doit comporter des engagements pour l'emploi " spécifiques souscrits par l'employeur en matière d'emploi "..
Si la loi reste très floue sur le sujet, le décret fournit les précisions suivantes :
- Les engagements doivent porter sur l'intégralité des emplois de l'entreprise (ou de l'établissement s'il s'agit d'un accord d'établissement) sauf si l'accord collectif autorise un champ d'application plus restreint.
- La DIRECCTE contrôle le respect de ces engagements grâce à la transmission d'un bilan au moins tous les 6 mois et avant toute demande de renouvellement de l'allocation.
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- Le non-respect des engagements est sanctionné différemment selon la règle violée et la situation de l'entreprise :
o En cas de rupture pour motif économique d'un salarié placé en APS : Remboursement à l'Etat des sommes perçues pour ce salarié
o En cas de rupture pour motif économique d'un salarié non placé en APS mais dont l'emploi était couvert par les engagements de maintien dans l'emploi : remboursement pour chaque rupture d'un montant égal à l'ensemble des sommes perçues au titre de l'APS divisé par le nombre personnes placées en APS
o Les entreprises placées dans une situation économique et financière incompatible avec le remboursement de tout ou partie des sommes ne seront pas obligées de les rembourser
o La DIRECCTE aura également la possibilité de suspendre le versement de l'allocation.
L'APS pourra, sous certaines conditions, être cumulé avec un autre dispositif d'activité partielle
Le décret précise que l'APS ne peut être cumulée avec l'activité partielle classique sur une même période et pour un même salarié pour une entreprise faisant face à une baisse durable d'activité. En revanche, un cumul est envisageable si les salariés concernés ne sont pas les mêmes et que le recours à l'activité partielle classique n'est pas lié à la conjoncture économique..
S'agissant du dispositif exceptionnel d'activité partielle " Covid ", ses jours sont comptés, le dispositif d'APS précité ayant en principe vocation à prendre le relai.
Ainsi, par ordonnance du 24 juin 2020 et décret du 29 juin 2020, si le niveau d'indemnisation des salariés prévu par ce dispositif exceptionnel n'est toujours pas impacté, le taux de l'allocation versée aux entreprises est passé à 60% depuis le 1er juillet (après être passé de 100% à 70% au 1er juin), sauf pour les secteurs particulièrement affectés par les conséquences économiques et financières de la crise sanitaire et dont on connait désormais précisément la liste (décret n°2020-810 du 29 juin 2020).
Gageons que le nouveau dispositif d'APS, centre de toutes les attentions des entreprises, rencontrera le succès attendu si les DIRECCTE font confiance au dialogue social en respectant l'équilibre trouvé par les partenaires sociaux et le contenu des engagements dans l'emploi.
Pour en savoir plus
Elise Bénéat intervient dans les différents domaines du droit du travail et du droit de la protection sociale tant en conseil qu'en contentieux. Elle conseille des groupes et entreprises de dimension nationale et internationale ainsi que des établissements publics, des associations et des fédérations patronales. Elle est membre d'AvoSial, premier syndicat des avocats d'entreprise en droit social.
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