La recrudescence des procédures collectives sur Euronext Paris
Après avoir atteint un niveau historiquement bas en 2021, le nombre d'ouvertures de procédure collective en France est reparti à la hausse l'an dernier. À la fin du mois de novembre 2022, leur nombre était en hausse de 46 % sur un an. Les sociétés cotées sur Euronext Paris n'échappent pas à cette tendance. On constate en effet une augmentation de 25 % des sociétés cotées ayant annoncé l'ouverture d'une procédure collective en 2022.
La procédure collective est un processus juridique qui permet à une entreprise de faire face à des difficultés financières. La société est placée sous contrôle judiciaire pour organiser le règlement de ses créances. On parle de procédure « collective » car l'ensemble des créanciers sont rassemblés, les privant de fait du droit d'agir individuellement.
On distingue trois types de procédures collectives selon le degré de gravité de la situation de l'entreprise.
La procédure de sauvegarde concerne les entreprises en difficulté financière qui ne sont pas encore en cessation de paiement. Elle est ouverte à la demande du représentant légal de l'entreprise. Au jour d'ouverture, l'intégralité des dettes sont gelées.
Le redressement judiciaire concerne les entreprises étant déjà en état de cessation de paiement. Elle a pour but de permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. Les poursuites ainsi que les intérêts et majorations sont suspendus.
Dans les cas pour lesquels la procédure de sauvegarde ou de redressement n'ont pas porté leurs fruits ou si celles-ci ne sont pas ou plus envisageables, la liquidation judiciaire intervient.
Les différentes étapes de la procédure collective
En premier lieu, l'entreprise doit déposer une demande de mise en procédure auprès du tribunal de commerce qui nommera alors un administrateur judiciaire chargé de représenter l'entreprise et de superviser la procédure. Il lui incombe également d'établir un plan de sauvegarde ou de redressement, qui devra être approuvé par le tribunal et les créanciers de l'entreprise.
Une fois ce plan approuvé, l'entreprise peut mettre en oeuvre les mesures prévues comme la vente d'actifs ou encore la restructuration de sa dette. Si l'entreprise parvient à se réorganiser, elle pourra reprendre son activité normale. Dans le cas contraire, elle sera placée en liquidation judiciaire. La clôture de la procédure de liquidation judiciaire met fin à l'activité de l'entreprise. Dans certains cas, une entreprise mise en liquidation judiciaire peut faire l'objet d'une reprise globale ou partielle, ce qui permet à l'entreprise concernée de reprendre son activité.
Les obligations de notification pour les sociétés cotées
Quelle que soit la nature de la procédure, les obligations d'information imposées par la réglementation boursière demeurent. Le marché doit donc être informé de l'ouverture d'une procédure collective. L'AMF recommande de l'informer dès l'ouverture de la procédure et de communiquer le calendrier prévisionnel dans le communiqué informant de l'ouverture de la procédure. Les modifications éventuelles de ce calendrier ainsi que chaque échéance significative doivent faire l'objet d'une communication adéquate.
En 2022, 11 sociétés cotées sur Euronext ont annoncé une procédure collective contre 6 en 2021, 8 en 2020 et 11 en 2019. Parmi ces procédures, 4 correspondent à la sauvegarde, 4 au redressement et 3 à la liquidation. 6 d'entre elles concernent l'industrie, 3 l'informatique et 2 la santé. A noter en particulier la liquidation en janvier 2023 de la société Place du Marché (ex-Toupargel, 1 600 salariés), qui avait été placée en procédure de sauvegarde en octobre 2022 puis en redressement judiciaire en novembre 2022.
L'impact des procédures collectives sur les sociétés cotées
Les procédures de sauvegarde et de redressement impliquent le plus souvent un nouvel apport de fonds en capital et une conversion en titres de capital de tout ou partie de la dette. Dans la plupart des cas, cela entraîne une dilution très importante des actionnaires.
Mauvais présage ou conséquence directe, la suspension de cotation est souvent synonyme de procédure collective pour les sociétés cotées. L'intégralité des entreprises ayant annoncé l'ouverture d'une procédure collective en 2022 ont vu leurs cours suspendus dans les 6 mois précédents ou suivants leur annonce. La suspension de cotation d'un titre entraîne la suppression des ordres non exécutés sur cette valeur. Elle a vocation à protéger les investisseurs en évitant une chute brutale du cours du titre qui ne serait alors plus représentatif de la valeur réelle de la société.
Depuis 2019, on constate une baisse moyenne de 26% du cours boursier dans les 3 jours suivant l'annonce de l'ouverture d'une procédure collective. Cette baisse soudaine porte un réel préjudice aux actionnaires existants.
Lorsqu'à la suite de la suspension de cotation, la société cotée annonce une procédure de liquidation judiciaire, le titre est retiré de la cote par Euronext en vertu de l'article P 1.4.6 des règles du marché.
La recrudescence du nombre d'ouvertures de procédure collective par rapport à l'année 2021 devrait s'intensifier en 2023 en raison de la fin des aides de l'Etat liées à la crise sanitaire et de la probable récession attendue cette année. En effet, le nombre de défaillances d'entreprises, bien que croissant, reste nettement inférieur aux chiffres de la période pre-Covid (-22 % en 2022 par rapport à 2019). Tout porte à croire que les sociétés cotées sur Euronext suivront cette même tendance.
Pour aller plus loin :
Marc Karako, Managing Director chez Park Partners
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Tom Goncalves, Master en Finance de l'IAE Lyon
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