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"Il faut se préparer à une normalisation du nombre de défaillances d'entreprise"

En 2021, le nombre de défaillances d'entreprise a continué à chuter, pour atteindre un niveau anormalement bas. Mais la sinistralité des entreprises devrait être plus intense en 2022, en raison de lourdes incertitudes qui pèsent sur l'activité économique.

Publié par Audrey Fréel le | Mis à jour le
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'Il faut se préparer à une normalisation du nombre de défaillances d'entreprise'

Du jamais vu depuis plusieurs décennies ! Malgré la crise sanitaire, le nombre de défaillances d'entreprise est au plus bas. Fin décembre 2021, Ellisphere a recensé un peu plus de 27 600 procédures collectives (redressements judiciaires, liquidations judiciaires et procédures de sauvegarde). Cela représente une baisse comprise entre 12,5 et 14,5 % par rapport à 2020, qui affichait déjà une chute record du nombre de défaillances. "C'est le niveau le plus bas observé depuis près de 35 ans et tous les secteurs sont concernés, y compris ceux les plus touchés par la crise comme le bâtiment et la construction", souligne Max Jammot, responsable du pôle d'études économiques d'Ellisphere. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce paradoxe, notamment la reprise économique et les dispositifs d'aides qui protègent, temporairement, les entreprises (prêts garantis par l'État (PGE), fonds de solidarité, activité partielle, apurement des cotisations sociales, etc). "La forte augmentation des réserves de liquidités liée en grande partie à l'endettement a permis aux entreprises d'améliorer très nettement leur ratio de liquidité. Sur 2022, le risque de défaut est faible sur les PGE. Bercy l'a réévalué à la baisse de 5,3% à 3,8% puis dernièrement à 3,2%. La vigilance est aujourd'hui davantage portée en amont, sur le risque crédit", détaille Alain Luminel, responsable du pôle d'expertise financière d'Ellisphere.

A quoi s'attendre en 2022 ?

Si le nombre de procédures collectives dégringole, l'inquiétude reste de mise pour 2022. "Il faut se préparer à une normalisation du nombre de défaillances d'entreprise à moyen terme", avertit Max Jammot. Il estime que d'ici la fin de l'année, le nombre de défaillances d'entreprise pourrait grimper jusque 40 000. "Ce qui reste tout de même loin du nombre habituel de défaillances, puisque que le niveau moyen entre 2012 et 2019 (hors 2020 et 2021) se situait autour de 50 000", précise-il. Pénurie des matières premières, difficulté d'approvisionnement, hausse des prix de l'énergie et des matières premières, fin des aides aux entreprises, démarrage des remboursements des PGE, conflit en Ukraine... Tous ces facteurs devraient avoir un effet pénalisant. "Historiquement les phases de reprises économiques impliquent aussi un relâchement des comportements de paiement. Si nous constatons une réduction significative des retards au niveau de la sphère publique, ce n'est toujours pas le cas concernant les grandes entreprises. Une PME sur deux refuse des appels d'offres. La rentrée rapide de cash est devenue une nécessité pour leur survie", analyse Alain Luminel. Certains secteurs devraient également être plus impactés que d'autres. "L'industrie manufacturière devrait se maintenir en 2022, aidée par les investissements. En revanche les secteurs de l'hôtellerie et de la restauration devraient continuer à souffrir. Or beaucoup de PME dans ces secteurs ont obtenu des PGE. Cet excès de cash risque d'être consommé relativement vite", relate Alain Luminel. D'un point de vue social, si 2020 et 2021 ont été assez calmes, avec très peu de grands plans sociaux, les experts considèrent qu'il reste difficile d'estimer un éventuel impact dans les années à venir. "Mais de nombreux secteurs, comme la restauration ou l'agriculture, sont toujours confrontés à une volatilité des employés et surtout à une difficulté à recruter", commente Max Jammot. Dans les années à venir, les entreprises doivent s'attendre à évoluer dans un environnement incertain.

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