Covid-19 : les dirigeants doivent protéger leurs salariés pour éviter les responsabilités pénales et civiles
La crise sanitaire causée par l'épidémie de Covid-19 a bouleversé l'activité des entreprises et entraîné de multiples conséquences économiques et juridiques.
Pour les entreprises qui ont pu maintenir leur activité, la question de la sécurité de leurs salariés est centrale. Elles doivent en effet impérativement mettre en place les mesures nécessaires afin d'éviter que ceux-ci ne soient exposés au risque de contamination.
Il s'agit bien entendu d'une question de santé publique afin de mettre un terme à la propagation de la maladie. Il s'agit également d'une question de responsabilité. En ne prenant pas les mesures nécessaires à la protection de la sécurité de leurs salariés, les entreprises, et leurs dirigeants, risqueraient de voir leurs responsabilités pénale et civile mises en cause.
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Quels sont les risques encourus par les entreprises et leurs dirigeants en matières civile et pénale ?
Les entreprises et leurs dirigeants sont soumis à une obligation générale de sécurité. A ce titre, ils doivent mettre en oeuvre toutes les mesures nécessaires visant à éviter l'exposition de leurs salariés au Covid-19.
D'un point de vue pénal
La violation "manifestement délibérée" d'une telle obligation de sécurité entraînerait la responsabilité de l'entreprise et de ses dirigeants dès lors :
- qu'elle aurait exposé le salarié à un risque de mort ou de blessure ;
- et entraîné un dommage.
Une telle violation constituerait une mise en danger de la vie d'autrui. Il s'agit d'un facteur aggravant de plusieurs délits, tels l'atteinte involontaire à la vie ou à l'intégrité de la personne. L'entreprise et ses dirigeants encourraient des peines allant jusqu'à trois ans d'emprisonnement et 225 000 euros d'amende.
D'un point de vue civil
Les salariés ayant subi un dommage pourraient rechercher la responsabilité délictuelle de leurs employeurs, voire de ses dirigeants si une faute détachable de leurs fonctions étaient imputable à ces derniers. Il n'est par ailleurs pas à exclure que certains salariés recherchent la responsabilité de leurs employeurs sur le fondement des dispositions du Code de la sécurité sociale aux fins de prise en charge au titre des maladies professionnelles.
Un recours pour faute inexcusable pourrait être envisagé, tout comme un recours en réparation du préjudice d'anxiété devant la crainte de contracter le Covid-19 au sein de l'entreprise.
Ces risques sont loin d'être théoriques et une multiplicité des recours à l'issue de la crise sanitaire ne peut être écartée. Un strict respect des prescriptions gouvernementales devrait néanmoins permettre d'éviter tout risque de responsabilité.
Quelles mesures sanitaires doivent être mises en place pour préserver la santé des salariés ?
Au fur et à mesure de l'évolution de la pandémie, le gouvernement et le ministère du Travail mettent à jour les mesures sanitaires devant être mises en place par les entreprises afin de préserver la santé de leurs salariés.
Les entreprises et leurs dirigeants doivent donc prendre le réflexe de se connecter régulièrement sur le site https://travail-emploi.gouv.fr/. L'employeur doit en effet veiller à l'adaptation constante des mesures de sécurité pour tenir compte du changement des circonstances.
En tout état de cause, les entreprises doivent mettre à jour le document unique d'évaluation des risques, en y intégrant les risques issus du Covid-19 et en identifiant les situations où existe un risque de transmission généré par l'activité de l'entreprise.
Le télétravail doit être privilégié. Dans le contexte de la crise Covid-19 sa mise en oeuvre ne nécessite pas l'accord du salarié. En revanche, si le télétravail est impossible, certaines mesures concrètes devront être mises en oeuvre :
- Aménagement des locaux afin de respecter les mesures de distanciation sociale entre les salariés.
- Les salariés doivent éviter les déplacements non indispensables et les contacts avec leurs collègues. La visoconférence doit être privilégiée et les réunions non indispensables annulées.
- Mise à disposition de moyens d'hygiène personnels suffisants (savon, gel antibactérien).
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- Pour les salariés en contact "bref" avec le public, respect des gestes barrières à savoir notamment le lavage régulier des mains, éternuer dans son coude, se saluer sans se serrer les mains, éviter les embrassades, etc.
- Pour les salariés en contact "prolongé et proche" avec le public, au-delà des gestes barrières, maintien d'une zone de distance d'un mètre entre le salarié et le public et nettoyage des surfaces avec un produit détergent.
- Information des salariés sur les mesures sanitaires prescrites par le gouvernement en les affichant au sein de l'entreprise.
Et en cas de contamination ou de symptômes chez l'un de mes salariés ?
Si un salarié présente des symptômes, il faut renvoyer le salarié chez lui pour qu'il consulte un médecin ou contacter le 15 si les symptômes sont graves.
En cas de contamination, il faut équiper les personnes en charge du nettoyage des lieux de blouses et de gants à usage unique et désinfecter les surfaces et sols selon une méthode précise.
Si ce nettoyage est respecté, la contamination ne pourra en principe plus justifier la mise en oeuvre du droit de retrait, ni la fermeture des lieux.
En revanche, dans un tel cas il est conseillé d'informer les salariés sur l'existence de cette contamination et sur les mesures mises en oeuvre. Cacher cette information pourrait avoir de fâcheuses répercussions, même si les locaux ont été désinfectés.
Pour en savoir plus
Benoît Charot, avocat associé, responsable de l'activité contentieux, Reed Smith LLP Paris
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