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Réformes du marché du carbone : nouvelles stratégies en vue

En décembre dernier, l'Union européenne a fait évoluer son marché du carbone, quelques jours après avoir adopté la taxe carbone aux frontières. Des réformes qui, si elles sont encore floues, vont sans aucun doute faire évoluer les pratiques climatiques des entreprises.

Publié par Eve Mennesson le - mis à jour à
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Réformes du marché du carbone : nouvelles stratégies en vue

Alors que certains experts du GIEC commencent à s'alerter sur la possibilité de maintenir le réchauffement climatique en-dessous de 1,5°C, quelques bonnes nouvelles pour le climat émanent du côté de l'Union européenne. En premier lieu le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, qui va entrer en vigueur de manière échelonnée à partir d'octobre 2023. « Tout ce qui est importé en Europe d'un pays extra européen sera soumis à une taxation carbone calquée sur les cours du système d'échange des quotas d'émissions carbone », explique Vladislava Iovkova, associée Strategy& PwC France et Maghreb.

Déclarer les émissions carbones des produits importés

En effet, actuellement, les sites émetteurs de gaz à effet de serre installés en Europe doivent payer un surcoût (de l'ordre de 80/90 euros la tonne de CO2) en cas de dépassement des quotas gratuits qui leur sont attribués. Avec le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, ce surcoût concernera donc également les entreprises qui importent des produits en Europe.

« Les secteurs concernés seront sans doute les plus émetteurs, à savoir le fer et l'acier, l'aluminium, le ciment, l'engrais, l'électricité et l'hydrogène », rapporte Vladislava Iovkova. A noter cependant que seules les matières premières sont concernées et non les produits finis et semi-finis.

Ce mécanisme se mettra petit à petit en place à partir d'octobre 2023. Dans un premier temps, les entreprises qui importent ces produits émetteurs de carbone devront seulement déclarer les émissions carbone des produits importés. « Elles devront déclarer les émissions directes de la production et les émissions indirectes comme l'électricité. Des déclarations qui devront être certifiées par un évaluateur tiers indépendant », précise Vladislava Iovkova. Le paiement de la taxe carbone aux frontières ne devrait débuter qu'en 2026.

Anticiper les coûts

Parallèlement, les entreprises européennes vont petit à petit perdre le bénéfice des quotas gratuits, jusqu'à disparition. « Pour pousser à décarboner plus vite, le prix du carbone devrait augmenter et se situer aux alentours de 200 euros la tonne en 2030. Cela représente un vrai sujet pour les directions financières qui vont devoir prendre en compte ce surcoût dans leur stratégie », estime Vladislava Iovkova.

Les Daf seront en effet à même de se demander si ce surcoût doit être répercuté sur le prix de vente... ou carrément inciter à délocaliser la production pour vendre en-dehors de l'Union européenne. Une solution peut aussi être d'investir dans des outils de production moins polluants, ce qui est l'esprit de ces réformes.

Le marché export va également inévitablement être touché, entre la disparition des quotas gratuits et le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. « Même s'il reste des incertitudes, des coûts importants sont à prévoir, qu'il s'agira d'anticiper », pointe Vladislava Iovkova.

Saisir l'opportunité de réduire les émissions

Dans un premier temps, les entreprises qui importent en Europe, notamment via une filiale, vont devoir s'atteler au calcul de leurs émissions. Mais les directeurs financiers devront aussi d'ores et déjà se projeter sur le coût des produits à terme et les choix industriels à faire. Vladislava Iovkova conseille aux directions financières de réévaluer la faisabilité économique des projets potentiels de décarbonation (capture de carbone, renouvelables sur site, etc) à la lumière des nouveaux paramètres de marché : hausse du prix de carbone, réduction progressive des quotas gratuits, couplés avec une optimisation de la performance opérationnelle : «Il existe une véritable opportunité de réduction des émissions à saisir et il est trop tard pour contrer le dispositif, c'est le sens de l'histoire ».

Rappelons que pour atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050, il faut que les émissions de gaz à effet de serre de l'Union européenne réduisent suffisamment pour être absorbées par des puits de carbone naturels (océans et forêts ) et technologiques (qui les capturent artificiellement). L'objectif de l'Union européenne est actuellement une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55% en 2030 par rapport à leur niveau de 1990.

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