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[Daf Day 2019] L'art du marketing des risques

La gestion des risques est cruciale au sein des entreprises. Il s'agit de les identifier, les cartographier mais aussi de savoir les vendre auprès des dirigeants et de les transformer en opportunités. En d'autres termes, il faut faire du marketing de risques.

Publié par Marie-Amélie Fenoll le | Mis à jour le
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[Daf Day 2019] L'art du marketing des risques

Risques financiers, opérationnels ou risques liés au RGPD, ... la liste est longue et le CFO apparaît souvent en première ligne pour y parer. "Il est possible d'avoir une approche positive et dynamique des risques et dans ce cas, le CFO a toutes les capacités pour les comprendre et établir un modèle pour mieux les adresser", souligne Alexis Bazin, CFO & CHRO chez Alltub, groupe industriel spécialisé dans la fabrication de tubes en aluminium pour l'alimentaire, le secteur pharmaceutique ou encore cosmétique, à l'occasion du Daf Day 2019 qui a eu lieu le 25 juin dernier.

Capitaliser sur l'humain

Identifier les risques repose sur l'humain et passe avant tout par les retours terrain des opérationnels et la capacité de "saisir les signaux faibles", explique Caroline Barbery, CFO deTeads (pour " Technology for Advertising "), entreprise cotée spécialisée dans la vidéo publicitaire en ligne, rachetée par le groupe Altice il y a 2 ans. Chez Teads, il n'existe pas de risk manager. Mais "avec un audit interne 2 fois par an minimum et 4 audits financiers, nous arrivons bien à identifier les risques", souligne la CFO. Cela passe par des points téléphoniques hebdomadaires avec les responsables finance des 26 pays où opère Teads.

De même, au sein du groupe Alltub, les retours des 5 DAF de filiale répartis en Europe de l'Ouest et au Mexique sont le premier point d'alerte du CFO. "Il faut sortir les antennes et être à l'écoute. Capitalisons sur l'organisation, souligne-t-il, les équipes sont des relais et il faut savoir fédérer et interfacer en interne." Mais, sous LBO, le groupe Alltub est vendu en moyenne tous le 5 ans, ce qui aux yeux d'Alexis Bazin est "une opportunité en amont de la vente de réaliser une analyse complète des risques via les due diligence". Si les remontées terrain sont primordiales pour tout ce qui concerne les risques fiscaux ou réglementaires, chez Teads, Caroline Barbery travaille avec les équipes techniques pour gérer de façon centralisée tous les risques opérationnels. Car un bug informatique pour une entreprise dont le chiffre d'affaires repose sur le digital serait catastrophique.

L'art du marketing des risques

S'il existe des modèles de cartographie de risques, le problème est ailleurs pour Guy Degeorges, Daf à temps partagé et président du groupe DFCG DAF TP. "Les dirigeants ont souvent une vision assez aigüe du risque commercial mais il faut les sensibiliser aux autres types de risques. De plus, ils sont optimistes et ont tendance à minimiser systématiquement ces risques. Ils les biaisent ensuite en pensant uniquement aux échecs. Dans ce cas, comment les persuader de la réalité de ces risques ? En leur citant des exemples concrets comme la catastrophe de Fukushima pour le nucléaire". C'est là tout l'art du marketing des risques, selon le CFO d'Alltub.

Savoir "vendre les risques" aux dirigeants est important surtout dans des cas comme celui des risques fiscaux perçus comme "complexes, austères et peu populaires. On ne s'y intéresse que quand cela pose problème comme avec la TVA", avance Alexis Bazin d'Alltub. La solution ? "Il faut savoir vendre au dirigeant les aspects positifs et négatifs des risques. Et par exemple, démontrer que les risques peuvent se transformer en opportunité. Ce que nous avons fait avec notre filière tchèque qui présentait un problème de turn-over des équipes. Une fois identifié les causes des départs des équipes, nous avons mis en place un plan d'action".

Lire la suite en page 2 : transformer les risques en opportunités


Transformer les risques en opportunités

Transformer le risque en opportunité et en élément différenciant semble être une partie de la réponse à la mise en place d'une bonne gestion des risques. "Et cela peut passer simplement par le fait de mettre dans les slides des réunions budgétaires une colonne opportunité en face de la colonne risque", explique le CFO d'Alltub. Et de poursuivre, "le risque ne doit pas être une problématique noyée dans les budgets mais une tête de chapitre à part entière".

A la question : quel est selon vous, le risque le plus important à moyen terme, les CFO s'accordent sur les difficultés de recrutement. Ainsi, chez Teads, staffer les équipes est un enjeu sensible notamment dans des pays comme les USA où le taux de chômage est si bas qu'il devient difficile de recruter les bons profils. Mais c'est aussi le cas en Italie où la fonction finance attire peu les talents et engendre des problématiques importantes de turn-over. De même, chez Alltub, les problèmes de recrutement se font sentir sur leur site de production à Saumur en raison du bassin d'emploi qui leur est peu favorable.

RGPD : un risque qui peut rapporter gros

Entrée en vigueur le 25 mai 2018, la loi sur le RGPD se présente comme un risque nouveau pour les entreprises. Ainsi, en juin 2019, la société SERGIC spécialisée dans la promotion immobilière, l'achat, la vente, la location et la gestion immobilière a été condamnée par la CNIL à 400 000 euros d'amende pour ne pas avoir respecté le RGPD. Cette loi est sensible pour des entreprises numériques où les données sont un enjeu clé du business. A l'exemple de la PME Azeo spécialisé dans les services numériques. "Le recrutement est primordial chez nous et par conséquent nous générons beaucoup de données de candidats. Nous avons donc du remettre à plat notre processus de recrutement pour être plus transparent", détaille Maxime Cauwe, Daf d'Azeo. Cela s'est traduit par une formation des recruteurs en interne et une sensibilisation aux enjeux de la RGPD. "Nous avons fait un gros travail de formalisation pour expliquer les nouvelles dispositions à nos clients. Or, cela a plutôt accéléré la structuration de l'entreprise dans son ensemble," remarque Maxime Cauwe. Chez Nibelis, société spécialisée dans les logiciels de gestion de paye et SIRH, la facture de la mise en conformité avec la loi sur le RGPD s'élève à près d'une centaine de milliers d'euros pour le développement sans compter les audits de sécurité annuels qui tournent autour de 15 000 euros ou les investissements matériels. Mais cela reste un investissement sur l'avenir qui a des effets bénéfiques. "Le RGPD oblige à fusionner avec les règles de sécurité informatiques classiques et au final cela peut être un élément différenciant. On apporte de la crédibilité à l'entreprise, on est plus transparent et on gagne la confiance de nos clients", conclut François Philippon, DPO & expert juriste support interne chez Nibelis.




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