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DossierRisques, crise, menace, rupture... Quand l'incertitude domine !

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2 - Tréso mon trésor !

Si la crise que nous traversons est sanitaire et non financière, la trésorerie des entreprises est gravement touchée. Entre mesures pour limiter la sortie de cash et indicateurs de suivi de trésorerie, les Daf sont au chevet des liquidités de leur entreprise. Parfois aidés par des outils digitaux.

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Contrairement à la crise de 2008, celle que nous traversons est sanitaire et non financière. Cependant, de nombreuses entreprises françaises sont sorties du confinement avec une trésorerie affaiblie. Certaines ont vite suscité des inquiétudes : la fermeture de l'usine de Renault de Choisy-le-Roi, le placement d'André, Camaïeu ou encore Courtepaille, pour ne citer que ces enseignes, en redressement judiciaire ou encore les difficultés de Conforama à obtenir un PGE ont fait les gros titres des journaux. Et ces dernières semaines les annonces de fermetures de sites (Bridgestone notamment) se sont multipliés. Que se passera-t-il lorsque les aides de l'État se réduiront, qu'il faudra payer les charges reportées alors que les carnets de commande ne seront toujours pas remplis ? Les Daf savent que les difficultés sont devant eux et mettent au point des mesures et des indicateurs pour faire face au risque de défaut de trésorerie.

Dialogue et transparence

L'État a mobilisé 450 Md€ pour soutenir l'économie française face à la crise et permettre aux entreprises françaises de bénéficier de mesures comme le chômage partiel, le report des charges sociale ou le PGE. La plupart des Daf se sont concentrés dans un premier temps sur l'obtention de ces aides. Chez Loxam, la demande de PGE a été formulée très tôt, avant même la publication des textes définitifs. « Nous voulions montrer aux investisseurs que nous étions capable de lever rapidement de la liquidité et ainsi les rassurer », explique Laurent Bertrand, directeur financement et trésorerie de Loxam et co-président du comité de pilotage 2020 de l'AFTE. Alexis Bazin, le CFO du groupe Precision, a lui aussi suivi de près les aides gouvernementales, pour l'ensemble des 15 pays dans lequel le groupe est industriellement présent : « Nous nous sommes à chaque fois interrogés sur l'éligibilité de l'entreprise mais aussi sur l'intérêt à en faire la demande. Par exemple, repousser le paiement des charges peut être tentant mais nous ne pouvons alors plus distribuer de dividendes, ce qui entrave notre capacité à faire circuler le cash au sein du groupe. »

Les aides gouvernementales ne sont de toutes façons pas suffisantes pour faire face au risque de défaut de trésorerie. Les entreprises se sont également tournées en masse vers le factoring et ont négocié des découverts avec leurs banques. Fabien Mathieu, directeur des activités Finance, Innovation et Opérations d'Ayming, invite à négocier avec les bailleurs et assureurs: « Il faut payer le juste prix des baux et assurances : les locaux et les véhicules n'ont pas été utilisés pendant plusieurs mois. » Des négociations ont également été menées avec les fournisseurs, pour étaler les paiements. Marie-Pierre Bourmier-Verhee, Daf d'un groupe qui était déjà en redressement judiciaire avant la crise, Antema, est ainsi en discussion avec l'ensemble de ses fournisseurs depuis le début de la crise. « Tous nos coûts ont déjà été rabotés et nous ne pouvons pas bénéficier d'aides de Bpifrance, les banques ne nous prêtent plus... Notre seul recours est la bienveillance et la patience des fournisseurs. »

Discuter avec les fournisseurs peut concerner les paiements mais aussi les commandes. Si la production tourne au ralenti, Laurent Prost, directeur national de l'activité Expertise-Conseil chez Grant Thornton, conseille de fractionner les commandes. « La flexibilité sur les approvisionnements est importante, quitte à payer plus cher. Cela évite de stocker pour rien et surtout de dégrader sa trésorerie ». Les contrats, également, peuvent être renégociés. mais attention avant d'invoquer le cas de force majeure. « Il convient de savoir si les trois critères définissant la situation de force majeure sont remplis, met en garde Laurence Suchet, avocat associé chez Mazars Société d'avocats. A savoir un événement extérieur, imprévisible et irrésistible ». Chaque contrat doit donc être étudié au cas par cas.

Avant tout donc le dialogue doit être privilégié. Christelle Peyrel, directrice finance et trésorerie de Touax, groupe français de vente, location et gestion d'équipements logistiques, et co-présidente du comité de pilotage 2020 de l'AFTE, dit communiquer régulièrement avec ses banques depuis le début de la crise afin de les informer de la situation par activité, de leur résilience de manière factuelle tout en évoquant de possibles impacts.

« Culture cash »

Les Daf ont aussi mis en place des mesures autour du « cash in/cash out ». Chez Parot, spécialisé dans la vente de véhicules neufs et d'occasion, début mars les achats ont été figés et l'accent mis sur le recouvrement. « Nous avons dit à nos collaborateurs que c'était la guerre. Il s'agissait de propos violents mais sans ambiguïté qui ont aidé à la mobilisation », rapporte Jérôme Floch, directeur général délégué finances groupe. Mobiliser les équipes autour du cash est essentiel en cette période. "Les équipes peuvent être mise à contribution à travers des objectifs de réduction de coûts ou la recherche de vecteurs d'économie afin de se les approprier », propose Philippe Dufraisse, Daf de transition au sein de sa structure Visualise Partners. Chez Seb, les commerciaux ont été impliqués afin qu'ils remontent le retard de paiement de leurs clients. « La crise a mis en exergue le sujet de la culture cash. Les commerciaux, notamment, doivent savoir s'ils peuvent accepter les demandes de délai de leurs clients et dans quelles conditions », souligne Christelle Peyrel. Sébastien Dalle, associé PwC, spécialiste du retournement d'entreprises, met en garde contre la tentation d'accorder du crédit pour gagner des affaires. « Cette pratique peut vous tuer si vos clients disparaissent avant d'avoir pu payer. »

Pour pouvoir prendre les bonnes décisions, le Daf doit mettre en place des indicateurs solides. « Il faut suivre de manière hebdomadaire, voire quotidienne, les entrées et les sorties de trésorerie, ainsi que le BFR », pense Firas Abou Merhi, associé responsable Financial Advisory Services chez Mazars. Quant à Emmanuel Arabian, le directeur finance et trésorerie du groupe Seb suit de manière quotidienne la situation bancaire du groupe et de manière hebdomadaire le DSO et les retards de paiement clients. Alexis Bazin a accentué certains process comme la mise à jour une fois par semaine des projections hebdomadaires de cash-flow à 8 semaines.

Laurent Prost conseille de créer une cellule de pilotage Covid dédiée au suivi de la santé financière des clients. « Un risque mortel majeur serait la défaillance d'un client important. L'entreprise ne serait alors pas en mesure de rembourser son PGE. Il faut aussi se demander ce qui se passerait si le client tombait et établir différents scénarii ».

Sans aller jusqu'à la défaillance, l'absence de visibilité sur les commandes des plus gros clients est problématique. « Nous essayons d'optimiser nos process Sales & Operations Planning en vue d'être au même niveau d'incertitude que nos clients et de réagir très vite sur l'adaptation de nos capacités industrielles », indique Alexis Bazin. Les Daf essaient en effet d'apporter de la vision opérationnelle afin que l'activité se poursuive mais en limitant au maximum les risques. Ainsi, Eric Palanque, Daf de Paredes, dit se concentrer sur des sujets plus opérationnels que d'ordinaire pour sentir l'activité au jour le jour : facturation, entrée de commandes, commandes bloquées, stocks. Chez Diam Bouchage, le suivi anticipé des commandes a été semi-automatisé. « Cela permet d'avertir la supply chain en cas de baisse et de retournement », indique François Rey, le Daf.

Vers davantage de digitalisation ?

Ces indicateurs servent aussi à faire des prévisions, des scénarios, eux aussi revus régulièrement, pour coller au plus près à la réalité. Tous les Daf et experts interrogés parlent d'agilité, de flexibilité : il semble que ce soit le remède à cette crise. Mais pour pouvoir s'adapter à la situation en temps réel, au-delà des indicateurs, le besoin en outils s'est fait sentir. « Le pilotage de l'activité et la robustesse des outils de prévision et de suivi sont importants. Il serait dommage de faire revenir les équipes dans l'entreprise alors qu'il n'y a pas de matière première pour relancer la production », indique Laurent Prost. Et comment suivre la livraison de matière première sans outil performant ?

Cédric Fradin, CFO chez Altitude Infrastructure et président de la DFCG Normandie pense que la crise va accélérer la transformation digitale des directions financières. « Nombre de PME ont eu du mal à produire, pour leur dossier PGE, un plan de trésorerie. Avant la crise, beaucoup naviguaient à vue. Je pense que cela va largement changer post covid-19. » Ce qui, selon lui, ne se fera pas sans de bons outils. François Rey abonde : « Nous avions déjà des projets mais nous les avons accélérés, comme le circuit de validation des factures ou encore l'automatisation des process pour pouvoir clôturer même en mode dégradé. » Même discours chez Clarke Energy : « Juste avant la crise, nous avions mis en place la dématérialisation des commandes et cela nous a simplifié le confinement », rapporte Laurence Tort, la Daf, avouant que ça donne envie de pousser plus loin la digitalisation.

Est-ce que la digitalisation de la direction financière fera partie des investissements nécessaires à ne pas repousser ?

Témoignage

Fabien Dawidowic, Daf de Spendesk : "Nous essayons de sortir des modèles très vite"

Face à la crise, Fabien Dawidowicz, Daf de Spendesk, prône davantage l'adaptation que l'anticipation. "Que ce soit au début du confinement ou maintenant, on ne sait pas à quelle sauce nous allons être mangés. Nous avons donc essayé de sortir des modèles très vite pour faire face aux deux principaux risques : le cash et l'activité", explique-t-il. Un codir exceptionnel réuni quelques jours avant l'annonce du confinement a permis d'estimer les conséquences d'un confinement sur la société. "Au niveau financier, nous avons établi de multiples scénarii et rapidement éliminé un diagramme en V, car la crise est trop vaste pour espérer une reprise rapide. Nous trouvions un scénario en L trop peu ambitieux. Nous sommes donc partis sur un plan en U. Un U qui a dû s'élargir avec le report du déconfinement", rapporte le Daf. Le scénario est d'ailleurs révisé toutes les semaines en fonction des tendances du marché et le budget est revu chaque mois.

L'entreprise s'adapte mais ne subit pas. "Nous planifions dans le temps notre capacité à dégager du cash. C'est basique mais fondamental". Pour suivre au mieux les sujets importants, le Daf a approfondi certains sujets. Sur la facturation client il s'est assuré que le process automatisé fonctionnait bien. "Au niveau des metrics, nous faisons toutes les semaines un point sur quelques KPIs clés : satisfaction client (NPS), churn (nombre de clients perdus), niveau de revenus (MRR), le ratio de clients qui va jusqu'au closing, le niveau des pipelines, etc..." La direction financière réfléchit également aux moyens de financer le décalage entre les prévisions de cash et les rentrées réelles.



Eve Mennesson

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