Relance : et si on misait sur les investissements verts ?
Le Cercle des économistes a organisé une journée consacrée au rôle de la finance dans la sortie de la crise actuelle. Parmi les nombreux sujets abordés, celui des investissements verts au service de la relance. Ou comment la finance peut sauver la planète.
Et si les investissements verts étaient un des éléments indispensables de la relance ? C'est un des postulats du Cercle des économistes qui a organisé une table-ronde à ce sujet, à l'occasion d'une journée consacrée au rôle de la finance dans la sortie de crise actuelle.
En effet, un alignement des planètes inédit semble s'opérer : la nécessité de prendre en compte les enjeux environnementaux au regard du réchauffement climatique, la volonté politique de favoriser les investissements verts à travers le plan de relance mais aussi un réel désir des citoyens, des entreprises et des investisseurs de s'engager en faveur de l'environnement.
Il reste cependant encore bien des défis à relever pour réellement faire des investissements verts des acteurs de la relance. Et du monde économique de demain
Convertir l'épargne en investissements verts
En premier lieu : inciter les épargnants à se tourner vers l'investissement, et plus particulièrement l'investissement vert, afin de compléter les financements publics. En effet, comme le souligne Hervé Hélias, Pdg de Mazars : "Le plan européen prévoit que la relance serve la transition verte : une partie des fonds publics sera fléché sur ces projets-là. Mais ce ne sera pas suffisant. L'enjeu de la relance est dans la captation de l'épargne". Il rapporte que l''investissement à destination de la transition verte est de 30 à 40 milliards d'euros par an en France. "Il faudrait 15 à 30 milliards supplémentaires", calcule-t-il.
En effet, l'épargne des Français n'a jamais été aussi élevée : d'après l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), l'épargne accumulée en 2020-2021 devrait représenter 160 milliards d'euros (Perspectives de l'OFCE publiées en avril 2021). Reste à savoir ce que les Français vont faire de cette épargne : l'OFCE calcule que que si 20% est désépargné, le PIB afficherait alors une croissance de 6%, soit deux points au-dessus des prévisions du gouvernement.
Mais pour Philippe Trainar, professeur de la chaire assurance du CNAM, directeur de la Fondation SCOR pour la Science et membre du Cercle des économistes, la relance ne peut pas se reposer uniquement sur la consommation : les investissements sont nécessaires. "L'insuffisance des investissements est patent et il est à craindre que le tassement de la consommation se poursuive, analyse-t-il. Les investissements sont plus utiles à la relance que la consommation et les investissements verts sont le fer de lance de l'avenir, de l'innovation, des progrès techniques de demain".
Il invite les pouvoirs publics à prendre des décisions pour inciter les investisseurs à se diriger vers des investissements verts, soit négativement (augmentation du prix du carbone), soit positivement (neutralité fiscale des investissements verts en évitant la double imposition).
Un cadre de reporting extra-financier
Au-delà de ces incitations fiscales, Claire Goudet, deputy CEO de Rocher Participations, pense qu'il s'agit de redonner du sens aux épargnants pour les sensibiliser. "L'investissement vert redonne du sens à l'investissement en l'inscrivant dans un temps long et non dans la recherche du profit immédiat", avance-t-elle. Elle invite aussi à leur fournir des grilles de lecture claires, des éléments qui permettent de mieux flécher les investissements.
"Il existe aujourd'hui beaucoup de labels mais ils sont coûteux à produire pour les entreprises et la comparabilité n'est pas suffisante", note Hervé Hélias. Pour lui, le salut se trouve dans un reporting extra-financier de qualité qui permet davantage de transparence sur les projets environnementaux des entreprises mais aussi de comparer les entreprises entre elles. "Aujourd'hui, le cadre des reportings de la performance extra-financière n'est pas à la hauteur des reportings de la performance financière", regrette-t-il. Il donne l'exemple de la directive sur la publication d'informations extra-financières (NFRD), qui a été diversement adoptée par les États membres de l'UE.
Le Pdg de Mazars a cependant foi dans le nouveau cadre de reporting vers lequel se dirige l'UE, la CSRD. "Il s'agit d'un nouveau cadre de reporting qui donnera un vrai cadre normatif de mesure de la performance extra-financière et notamment climatique", précise-t-il. Les premières productions utilisant ce nouveau cadre devront être publiées en 2024 et cette obligation sera appliquée à l'ensemble des pays et à davantage d'entreprises (toutes les sociétés cotées et les entreprises de plus de 250 salariés). De quoi rassurer les investisseurs et de peut-être convertir des épargnants aux investissements verts.
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