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Levée de fonds : les 3 erreurs qu'un directeur financier doit éviter

Une levée de fonds est un moment clé dans la vie d'une entreprise. Le directeur financier doit y prendre toute sa place, en prenant soin d'éviter les écueils (nombreux) de ces longs process. On vous dit tout sur les erreurs à ne pas commettre.

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Levée de fonds : les 3 erreurs qu'un directeur financier doit éviter
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1 - Ne pas suffisamment s'impliquer dans les différentes phases de la levée de fonds

L'erreur peut paraître surprenante mais elle ne serait pas si rare. Et dans la plupart des cas, la faute serait plus souvent à mettre au débit de la direction générale qu'à celui du directeur financier de l'entreprise. « Parfois, le dirigeant peut penser qu'il maîtrise tout et qu'il n'a pas besoin de son directeur financier dans son process de levée, hormis pour continuer de lui produire de la donnée. Pour d'autres, c'est une façon de protéger ses équipes, dont le DAF, dans l'ascenseur émotionnel que constitue une levée de fonds », observe Sabine Fillias, directrice Capital Innovation en charge du M&A et des investissements pour Crédit Agricole SA. Cofondatrice de la Fabrique by CA, elle avait auparavant mené une carrière dans les banques d'affaires, spécialistes des levées de fonds (Chausson Finance, Rothschild...) avant de prendre la direction générale déléguée d'Unilend.

Dans les deux cas (sans compter celui des start-up ou petites entreprises qui n'ont pas de directeur financier), c'est dangereux, estime l'experte : « Le directeur financier a un rôle clé tout au long du processus et plus particulièrement pour deux moments très importants : dès le départ, pour la production et la présentation des données, de manière construite et intelligente, qui seront transmises aux investisseurs intéressés via la data room, et ensuite au moment des audits. »

2 - Sous-estimer le temps nécessaire

Sabine Fillias résume ainsi une levée de fonds : « L'exercice d'un sauté de haies sur la durée d'un marathon... » Autant dire que les occasions de chuter sont nombreuses. Dans cette course d'endurance réalisée avec l'intensité d'un sprint, il ne faut surtout pas sous-estimer le temps et l'énergie qu'il va falloir mobiliser. « Il faut être capable de répondre aux questions des potentiels investisseurs et de leurs auditeurs très vite. Par exemple, mettre plus de 24 heures à envoyer des contrats de travail ou des données plus ou moins basiques, cela pourra être très mal perçu. Un peu comme si l'entreprise était en train de fabriquer la donnée... », insiste Sabine Fillias. « Dans ces levées de fonds, les directeurs financiers sont sous pression. Et même si la data room a été bien préparée en amont, les investisseurs demandent toujours plus, souvent même beaucoup plus. » La directrice Capital Innovation en charge du M&A et des investissements pour Crédit Agricole SA prend l'exemple récent de l'acquisition par le Crédit Agricole de Worklife, fintech spécialisée dans la digitalisation des avantages salariés : plus de 400 questions avaient été posées en plus de la dataroom. « Ce n'est donc vraiment pas le moment de prévoir des congés ou de longs week-ends répétés. Il faut se préparer mentalement à cette surcharge de travail », avertit Sabine Fillias.

« Je consacre actuellement plus de 70 % de mon temps à notre levée de fonds. C'est énorme », confirme Simon Duhamel, directeur financier de l'entreprise UNITe-Hydrowatt, producteur d'électricité verte (70 salariés, CA 2023 consolidé : 40 millions d'euros). Il planche depuis plusieurs mois, en première ligne aux côtés du président de l'entreprise Alexandre Albanel, sur une levée de fonds de 150 millions d'euros. « C'est enthousiasmant mais, je ne peux pas dire le contraire, c'est aussi fatigant et stressant. »

Car, rappelle-t-il, en parallèle de la levée de fonds, l'entreprise continue de fonctionner, de vendre, de payer ses fournisseurs, ses salariés, etc. « Il faut être très vigilant car délaisser la gestion courante peut être destructeur de valeur, alors même que les investisseurs sont en train de scruter nos chiffres. »

Et comme le directeur financier, aussi performant soit-il, s'appelle rarement Clark Kent, il faudra choisir entre deux options (possiblement combinables) : déléguer au maximum la gestion courante et/ou faire appel à une aide extérieure, par exemple un directeur financier externe spécialiste des levées de fonds afin qu'il prenne le lead sur le sujet.

Simon Duhamel et sa direction générale ont choisi la première option. « Nous avions déjà mené des opérations de crowdfunding mais là, avec ce projet de levée de 150 millions d'euros, nous sommes sur complètement autre chose. Dès que j'ai su que nous allions nous lancer dans cette direction, j'ai finalisé tous nos process, j'ai organisé la délégation des tâches, j'ai peaufiné la communication avec les équipes », raconte le DAF d'UNITe-Hydrowatt.

3 - Se lancer à l'aveugle sans connaître les rouages d'une levée de fonds

« Un fonds d'investissement examine de très nombreux dossiers, et ça va vite. L'entreprise n'a pas vraiment le droit à l'erreur, le directeur financier et son dirigeant doivent donc être parfaitement au point », enjoint Sabine Fillias. Parmi les erreurs « de jeunesse » qu'elle a pu constater, les plus graves ont souvent pour conséquence de rompre le lien de confiance qu'il est crucial de tisser avec les investisseurs intéressés. « Il est indispensable de communiquer les bons chiffres dès le départ, des données cohérentes. Il faut évidemment les présenter de manière intelligente mais sans jamais les truquer, même si c'est tentant. Car si l'investisseur est déçu lorsqu'il examinera plus en détail les rapports, et il le fera forcément, cela peut être rédhibitoire. » Même écho de Benoit Jacheet, directeur financier de transition, notamment pour Wayden, cabinet spécialisé dans le management de transition et fondé par Benoit Durand Tisnes (président par ailleurs de France Transition). « Il faut construire un business plan cohérent, bien dimensionner le financement nécessaire. Tout cela est fondamental pour ne pas passer à côté de sa levée de fonds. »

Mais on a tous une première fois. Forcément. Benoit Jacheet, qui revendique un milliard de financement obtenu tout au long de sa carrière, préconise aux néophytes de faire appel à un expert afin d'avoir une première expérience. « C'est tout de même risqué de se frotter seul à une première levée de fonds significative. » Il prodigue le même conseil aux directeurs financiers sans appétence particulière pour le sujet : « On peut être un excellent directeur financier pour l'opérationnel mais ne pas avoir d'appétence ou de connaissance suffisante pour les opérations de financement. Par exemple, tous les DAF ont l'habitude de jongler avec des comptes de résultat. C'est moins le cas pour les tableaux de flux de trésorerie, et pourtant, c'est très important pour les investisseurs dans les levées de fonds. »

Ce n'est pas le choix qu'a fait l'équipe d'UNITe-Hydrowatt. « Nous avons constitué une solide équipe de conseils externes, avec une banque d'affaires notamment qui nous aide beaucoup. Elle filtre un certain nombre de contacts et nous oriente sur les réponses à apporter », explique ainsi Simon Duhamel. Il raconte aussi comment, au préalable, il avait rencontré de nombreux directeurs généraux ou présidents d'entreprises ayant mené des levées de fonds afin de collecter leurs retours d'expériences. Et puis, un trinôme solide s'est constitué avec le président et le directeur général de l'entreprise : « Nous échangeons deux à trois fois par semaine, nous nous challengeons mutuellement, nous partageons nos ressentis. »

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