Le financement par fonds propres : un vrai levier pour la croissance, la pérennité et la résilience des PME et ETI !
Emmanuel Millard, président de l'ICFOA, vice-président de la Sorbonne Business School et secrétaire général du groupe Endrix, et Axelle Legrand, présidente de TQM Consulting, reviennent sur les difficultés liées à la dette des PME et ETI et analysent le financement par fonds propres comme une solution à considérer pour ces organisations.
Dans un environnement économique incertain, l'accès au financement est devenu un objectif mais aussi un défi majeur pour les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI). Le financement par fonds propres représente une alternative intéressante à la dette bancaire devenue très coûteuse et difficile d'accès.
Une récente étude de la Banque de France portant sur l'évaluation des risques du système financier français montre une plus forte hausse de l'octroi du crédit bancaire aux grandes entreprises qu'aux PME et ETI (+ 13,2 % en glissement annuel contre respectivement + 5,0 % et + 5,6 % en glissement annuel à fin mars 2023).
En outre, les PME n'ont pas ou peu accès au financement externe non bancaire, les crédits bancaires représentant en effet 85 % de leur endettement alors que les dettes obligataires constituent 70 % de l'endettement des grandes entreprises. Ces dernières sont donc davantage en mesure de diversifier leurs sources de financement car moins étouffées par leurs ratios d'endettements bancaires.
De plus, les PME subissent davantage que les grandes entreprises la remontée des taux. Les spreads des taux moyens de financement entre PME et grandes entreprises sont ainsi passés de 17 points de base en décembre 2021, à 151 points de base en mars 2023 !
Enfin, les grandes entreprises bénéficient également encore de taux d'intérêt réels négatifs contrairement aux PME et ETI qui font face à des taux réels positifs. Les anticipations d'inflations à 3-5 ans des chefs d'entreprise s'établissent à 3 % en mars 2023, alors que les grandes entreprises se financent à 2,57 %, contre respectivement 3,36 % pour les PME hors TPE et 3,12 % pour les ETI en mars 2023.
Ainsi, pour contourner ces difficultés liées à la dette, les solutions de financements par fonds propres peuvent alors devenir préférables pour les PME et ETI.
Contrairement à la dette financière, cela peut offrir une solution plus abordable et accessible, permettant de réinvestir plus facilement les bénéfices.
Aussi les fonds propres présentent-ils un certain nombre d'avantages par rapport à la dette financière. En effet, contrairement à la dette bancaire qui implique des charges financières et des remboursements réguliers, le coût des fonds propres est variable et progressif en fonction de la performance de l'entreprise. Ils offrent ensuite une plus grande flexibilité en termes de décaissement : versement des dividendes versus charges financières pour la dette. Les investisseurs parient sur la pérennité de l'entreprise et acceptent un retour sur investissement à moyen ou long terme. Le financement par fonds propres peut aussi accélérer et faciliter le potentiel de croissance de l'entreprise en permettant de flécher et de financer des projets innovants ou de développement.
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Mais pour accéder aux fonds propres, les entreprises doivent gagner la confiance des investisseurs privés voire publics dans certains cas. Cela nécessite pour elles de démontrer leur résilience et leur capacité à innover et à se développer malgré l'incertitude économique.
D'après une étude Xerfi sortie en novembre 2023, seules deux filiales de banques françaises apparaissent dans le classement des douze principaux acteurs du capital investissement en France. La Banque Publique d'Investissement fait également partie du classement en soutenant chaque année environ 30 % des montants investis en France en capital amorçage (« seed ») et en capital risque et en facilitant la rencontre entre les entreprises innovantes et les investisseurs. Face au coût de l'argent élevé, l'État doit continuer de renforcer sa position d'acteur majeur de l'essor du capital risque en élargissant les dispositifs ou véhicules déjà présents. Plusieurs fonds publics existent pour favoriser l'accès au financement des entreprises par une prise de participation dans leur capital mais restent encore assez peu connus. Certains exemples incluent le Fonds National d'Amorçage (FNA), le Fonds pour l'Innovation et l'Industrie (F2i), le Fonds pour la Société Numérique (FSN) et le Fonds pour l'Accélération du Capital Investissement (FACI).
Aujourd'hui, la majorité des investissements en fonds propres sont opérés par les Fonds Communs de Placement à Risque (FCPR), les Fonds Communs de Placement dans l'Innovation (FCPI), et les sociétés de capital risque (SCR). Le baromètre EY du bilan 2023 du capital risque en France nous indique que la majorité des investisseurs dans le Top 5 en France restent des fonds privés. Seulement quelques banques figurent dans ce palmarès. Les principaux souscripteurs participant aux levées de fonds en capital investissement français sont les fonds de fonds, les compagnies d'assurances, les caisses de retraite, les « Family offices » et dans une moindre mesure les industriels et les banques.
Ces dernières présentent des fondamentaux financiers solides et pourraient donc jouer un rôle plus important dans cette dynamique. En effet, les ratios de solvabilité des six principaux groupes bancaires français sont largement au-dessus des exigences réglementaires, avec un ratio « Common Equity Tier 1 » (CET1) excédant de 567 bps les exigences réglementaires, en hausse sur un an de 70 bps. Leurs investissements dans le capital des PME et ETI contribueraient à renforcer les fonds propres de ces dernières et à stimuler leur croissance, même si les prérequis (solidité financière, performance, croissance, direction, modèle d'affaires...) sont plus difficiles à évaluer en période d'incertitude.
Dans le contexte économique et géopolitique actuel, probablement amené à durer, les fonds propres émergent comme un levier de croissance essentiel pour les PME et ETI. Ils peuvent offrir une alternative plus abordable et accessible à la dette financière. Les investisseurs privés et publics et les banques doivent créer un environnement propice à la croissance et à la résilience économique. En échange, les entreprises, en quête de financement, devront démontrer leur capacité à innover dans leur business model, à se structurer et à garder un cap malgré l'incertitude. Donnons à nos PME et ETI les moyens de leurs ambitions et de leurs croissances !
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