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IPO : Pourquoi la Bourse n'a plus la cote auprès des PME et des ETI ?

Depuis dix ans, c'est la dégringolade en Bourse. Le nombre de sociétés cotées a diminué de 12 %. La faute, notamment, à une montée des tensions internationales, à une forte volatilité et à un manque d'appétit des investisseurs pour les PME et les ETI.

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IPO : Pourquoi la Bourse n'a plus la cote auprès des PME et des ETI ?
© FRANCK CAMHI

Philip Morris, Euler Hermes, Direct Énergie, la maison de champagne Pol Roger... Le point commun de ces entreprises ? Elles ont toutes quitté la cote en 2018. Depuis une dizaine d'années, les sorties de Bourse se multiplient. Il y a dix ans, en 2009, 684 sociétés françaises étaient cotées à Paris, hors Euronext Access (contre 733 en 2017). En avril 2019, selon les chiffres communiqués par Euronext, elles n'étaient déjà plus que 636. " La Bourse a connu une atrophie du nombre de sociétés cotées de l'ordre de 12 % sur l'ensemble de ses marchés, hors marché libre, au cours de cette période. Cette diminution n'est pas révolutionnaire, si on la compare aux États-Unis où elle atteint 30 %, mais cela ne veut pas dire que tout va bien non plus ", confie Marc Lefèvre, associé EY spécialiste des marchés de capitaux, du financement des entreprises et du conseil en organisation et stratégie. D'autant que les départs ne sont pas toujours compensés par de nouvelles entrées.

Course à la croissance

Ces trois dernières années, 121 entreprises ont quitté la Bourse, alors qu'à peine 82 sont entrées. Pourquoi ? Selon Guillaume Morelli, en charge du listing PME-ETI chez Euronext, cette baisse reflète avant tout une chasse à la croissance des entreprises. " Le nombre d'entreprises diminue en Bourse, car elles se consolident entre elles. Des sociétés cotées qui bénéficient d'un financement abondant s'orientent vers la croissance externe et achètent d'autres entreprises. Cela a été le cas de l'ETI Ausy qui a été rachetée par Randstad ou, plus récemment, de Soft Computing acquise par Publicis. "

Autre explication : certaines règles liées à l'actionnariat peuvent entraîner, mécaniquement, une sortie de cotation. Si un actionnaire devient majoritaire en obtenant plus de 33 % des titres, il peut lancer une offre publique d'achat (OPA) sur le reste des titres, convaincre les actionnaires de vendre leurs actions, et faire sortir l'entreprise de la Bourse. C'est ce qu'on appelle du délisting volontaire.

Les raisons peuvent être aussi règlementaires. Fin 2017, Euronext a demandé aux sociétés cotées présentes sur Euronext Access (l'ancien marché libre) de supprimer les clauses d'agrément, qui permettent aux actionnaires de pouvoir donner leur accord sur tout nouvel actionnaire possible ou de sortir du marché par une procédure de radiation volontaire aménagée. Parfait exemple de cette évolution, le groupe de BTP Léon Grosse, employant 2 300 salariés, qui ne souhaitait pas que son capital change de main. " Léon Grosse étant une société familiale et tenant à le rester, elle a choisi de maintenir sa clause d'agrément et, de ce fait, est sortie du marché ", indique la direction de l'entreprise.

La Bourse peut coûter cher

Mais il existe d'autres causes, beaucoup moins flatteuses celles-là, qui pousseraient les entreprises à se délister. La première est à chercher du côté de la conjoncture. " Après la réouverture du marché en 2013, 2016 a été très difficile. Les élections présidentielles de 2017 ont eu pour conséquence de geler certains gros deals une partie de l'année. De plus, 2018 a été décevante et les montants levés sont faibles ", explique Marc Lefèvre. La conjoncture internationale y serait aussi pour beaucoup. La montée des tensions géopolitiques - Brexit, crise politique en Italie -, la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, le risque de retournement du cycle économique, la poursuite du resserrement des politiques monétaires des banques centrales, qui engendre de nouvelles tensions sur les taux ... autant d'incertitudes qui font fuir les investisseurs.

Les entreprises n'y trouveraient pas non plus leur compte. " Sur les douze dernières années, les PME et les ETI ont surperformé le CAC 40. En 2018, c'est l'exact inverse. Elles ont beaucoup souffert. Certaines baisses ont été spectaculaires, pouvant atteindre 30 %, voire 40 %, même si, financièrement, elles se portent bien. La corrélation entre le résultat enregistré par les entreprises et la hausse ou la baisse des cours de leurs actions en Bourse est particulièrement difficile à vivre ", confie Marc Lefèvre. Un constat partagé par Arnaud Jacquillat, directeur général d'Associés en Finance : " L'entrée en Bourse n'est plus à ce jour flamboyante. Depuis 7 ans, 80 % des IPO (Initial Public Offering, ou introduction en Bourse) sont aujourd'hui en dessous de leur cours de Bourse.

Avec des taux d'intérêt très bas, les grandes entreprises se reportent sur le marché obligataire. Les moins grandes préfèrent se tourner vers le private equity, dont les liquidités sont abondantes et les mécanismes d'intéressement du management attractifs."

Un manque d'appétit des investisseurs

Mais ce n'est pas tout : les PME et ETI n'auraient plus la faveur des investisseurs. " Les small caps sont abandonnées dans un environnement post MiFID 2, qui renforce la transparence, le contrôle des opérations et l'analyse des profils clients. La recherche se reporte sur les grandes entreprises. Les PME françaises ne sont plus suffisamment mises en avant. Or, c'est important d'être visible, poursuit Marc Lefevre. Dans ce cas, certaines sociétés préféreraient quitter la cote. "

Si la sortie de cotation pouvait, jusqu'alors, prendre plusieurs mois, elle sera désormais plus simple et plus rapide. La loi Pacte réforme la procédure de retrait obligatoire de la cote pour la rendre moins complexe, en abaissant son seuil de 95 % à 90 %. Certains émetteurs, dont les titres cotés sont peu liquides et qui ne font pas appel au marché, pourraient saisir cette opportunité pour se délister et se libérer ainsi des contraintes de la Bourse.

Une formation pour comprendre les marchés financiers

Pourquoi et comment utiliser les marchés ? À partir de quand n'a-t-on plus besoin d'être coté et comment en sortir ? Pour sensibiliser les entreprises familiales et technologiques, Euronext a conçu deux programmes de formation totalement gratuits. Le but ? Accompagner les dirigeants, administrateurs et actionnaires de sociétés non cotées en Bourse dans leurs réflexions sur les problématiques de financement, de transmission et d'indépendance. Appelés FamilyShare et TechShare, ces programmes de 6 à 12 mois sont animés par des experts -prestataires de services d'investissement, banques privées, conseils en gouvernance, agences de communication financière, avocats, cabinets d'audit et de conseil, avec des contenus dédiés au secteur de chaque entreprise. Afin de préserver la confidentialité et maximiser l'utilité du programme, les sessions s'effectuent famille par famille. Les dirigeants peuvent, par ailleurs, échanger avec d'autres patrons de sociétés cotées et bénéficier d'un coaching personnalisé.

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