Recherche

Envisager un nouveau modèle pour plus de sobriété

Pour faire face aux différents enjeux climatiques ou énergétiques du moment, les entreprises doivent faire preuve de plus de sobriété. Comment faire pour se réinventer et ainsi proposer un business model plus pérenne ? Tentative de réponse avec des sociétés ayant déjà effectué cette transition.

Publié par Florian Langlois le - mis à jour à
Lecture
5 min
  • Imprimer
Envisager un nouveau modèle pour plus de sobriété

Qu'il concerne l'énergie, le climat ou les matières premières, le mot sobriété est sur toutes les lèvres depuis la rentrée. Causées par des évènements climatiques (incendies, inondations, sécheresses) ou géopolitiques (crise en Ukraine), les pénuries sont nombreuses et obligent les entreprises à beaucoup plus de sobriété dans leurs différents business.

La problématique pour les sociétés et leurs directeurs financiers est alors d'allier sobriété et bénéfice. "La question principale est de comprendre comment être performant dans une grande période de transition, interroge Tarik Chekchak, expert en biomimétisme au sein de l'Institut des Futurs souhaitables, à l'occasion d'une table ronde organisée lors des Universités de l'Economie de Demain. La problématique d'une période de transition est de réussir à jongler entre l'ancien, sinon on se retrouve jugé comme peu performant, et en même temps inventer un nouveau jeu où la performance dépasse bien plus la simple performance économique."

Réinventer ses offres

Inventer un nouveau jeu, le Groupe La Poste a essayé de le faire. Au delà de la question de la RSE "encrée au coeur du business depuis plus de 6 ans," assure Muriel Barnéoud, directrice de l'engagement sociétal dans le Groupe La Poste, l'entreprise a tenté de se poser la question de la réutilisation de ses appareils de production pour ne plus seulement apporter des produits mais pour aussi en récupérer. "Nous nous sommes demandés si'l y avait dans nos éco-systèmes des objets (déchets ou matières premières) qu'il pouvait être intéressant de centraliser. Faire du reverse logistique était quelque chose de totalement contre-nature pour nous, mais il y avait là une certaine logique d'optimisation qu'on peut appeler économie circulaire," détaille Muriel Barnéoud. C'est alors que le groupe met alors en place offre de recyclage de papier, plastique, cartouches d'encre très peu recyclés dans les TPE et PME. "Aujourd'hui, cette offre a plusieurs années de vie, génère à peu près 40 millions d'euros de chiffre d'affaires et représente plusieurs dizaines de milliers de tonnes de produits récupérés et recyclés," rapporte Muriel Barnéoud.

Cette nouvelle proposition a été bien reçue par le marché avec des avantages auxquels le groupe n'avait pas pensé. "Nos clients nous ont rapidement dit que ce système les intéressait puisqu'un facteur connait bien les entreprises qu'il livre, il sait alors où aller chercher ces produits pré-triés. Il y a aussi un enjeu de confidentialité, mais en nous appelant La Poste, nos clients ont confiance dans le fait que leur courrier ne sera pas lu," explique Muriel Barnéoud.

Un business sobre et rentable, c'est possible !

Réinventer une partie de son modèle pour se différencier, se démarquer de la concurrence, c'est un pari osé qu'a réussi Loom, une marque de vêtements qui se définit comme "la plus durable possible" selon sa co-fondatrice Julia Faure. Depuis 5 ans, l'entreprise base sa stratégie et son business sur la sobriété, ce qui lui permet aujourd'hui d'être rentable dans un secteur hyper concurrentiel, celui de la mode. "La seule sobriété possible dans la mode c'est de produire et consommer moins de vêtements," détaille Julia Faure. Elle a alors choisi de baser son business model sur une non-incitation à consommer. Un défi paradoxal mais qui s'est avéré payant. "Le fait de ne pas inciter à consommer fait, qu'en tant que chef d'entreprise, mon énergie et mon argent ne se dépensent pas dans la publicité, le marketing ou la communication mais plutôt dans le fait de faire des vêtements de bonne qualité. Une grande partie de notre travail est alors de faire de la R&D textile pour essayer de comprendre comment fabriquer des produits de meilleure qualité. Le fait de ne pas avoir de coûts marketing fait que l'on peut également proposer des vêtements moins chers, car nous n'avons pas ces coûts publicitaires à répercuter dans nos prix."

Aujourd'hui, Loom est en pleine croissance (70% de croissance cette année) grâce à cette stratégie et à une certaine patience. "Le temps d'avoir des produits de meilleure qualité, la presse qui s'intéresse à vous, ce qui arrive quand on est différenciant, de fidéliser les clients et d'instaurer une relation de confiance avec eux, un enjeu central, prend énormément de temps. Il nous a fallu 5 ans. Faire du business sobre rapportera toujours moins que de faire n'importe quoi. En revanche une fois installé, c'est une boucle vertueuse extrêmement dure à casser," décrit Julia Faure.

Tarik Chekchak conclut en mettant en garde les entreprises sur un aspect de cette sobriété. "Il y a une question essentielle à se poser qui est la suivante : pour créer de la valeur économique, est-ce que je détruis du capital naturel ? Si c'est le cas, alors mon business n'est pas du tout sobre. Cette interrogation doit se traduire concrètement dans tous les domaines afin d'éviter ce qu'on appelle le transfert d'impact, par exemple le fait de régler son problème de carbone en créant une tension sur la biodiversité."

S'abonner
au magazine
Retour haut de page