DossierBrexit: I want to break free!
"I want to break free", entonnait Freddie Mercury en 1984. Aujourd'hui, c'est le Royaume-Uni, Theresa May en tête, qui reprend ce refrain : la Première ministre annonce le Brexit comme une rupture claire et nette. Comment les entreprises françaises peuvent-elles affronter la période d'incertitude?
![[Photomontage] Après Freddie Mercury, Theresa May wants to break free!](https://www.daf-mag.fr/Assets/Img/DOSSIER_THEMATIQUE/2017/1/313178/Photomontage-Apres-Freddie-Mercury-Theresa-May-wants-break-free--LE.jpg)
Sommaire
- En attendant THE Brexit
- Risque de change: les Daf se préparent!
- Plongeon dans l'inconnu de l'ère post-référendum
- La livre sterling, première victime du Brexit
- S'implanter ou ne pas s'implanter, telle est la question
- Zoom sur les entreprises françaises implantées au Royaume-Uni
- Quid des entreprises françaises implantées au Royaume-Uni?
- Et demain concrètement?
- Droits de douane: le champ des possibles
- Le risque de change, c'est maintenant!
- Traduction, transaction et forward contracts
- Clauses des contrats et prix de vente
- L'heure est à la veille ...
- Quelles sources?
1 En attendant THE Brexit
Acté par le choix populaire, le Brexit ne deviendra réalité au plus tôt qu'en mars 2019. De fait, le début du processus de retrait est annoncé pour fin mars 2017. Une échéance qui pourrait ne pas être tenue en cas d'obligation de ratification par le parlement britannique, puisque le 3 novembre dernier, la Haute Cour du Royaume-Uni, arguant de ce que "the most fundamental rule of the UK constitution is that Parliament is sovereign", a jugé que le gouvernement britannique ne pouvait déclencher la notification officielle du retrait de l'Union européenne (article 50 du Traité de Lisbonne) sans un vote du Parlement.
Et quelle que soit la date du déclenchement du process, la plupart des experts tablent sur environ deux ans de négociation avant que de parvenir à un accord. Alors oui, le Brexit dans sa forme concrète peut faire penser au Godot de Beckett. En l'attendant, il faut gérer l'incertitude.
2 Risque de change: les Daf se préparent!
Et même si le retrait n'est pas encore effectif, l'impact du référendum a été immédiat sur le cours de la livre sterling. Première urgence pour les Daf français travaillant avec le Royaume-Uni.
Patrick Lecapitaine, Daf du groupe Maisonneuve, et Caroline Barbery, group CFO chez Teads, l'affirment de concert: "Avant les résultats du référendum britannique, les banquiers étaient certains que le "Remain" l'emporterait. Paradoxalement, ils n'étaient pas prêts à assumer le risque de la dépréciation de la livre sterling!"
Pour Patrick Lecapitaine, la problématique était de couvrir le risque de change jusqu'au début 2017. "Couvrir le risque à 100% sur cette période a été très compliqué, témoigne Patrick Lecapitaine. Les négociations ont duré jusqu'à 18 heures la veille du référendum où nous avons finalement obtenu la couverture de 70% de nos besoins seulement."
Quant à Caroline Barbery, elle souhaitait obtenir une couverture du bilan de Teads. "Je n'ai pas besoin de couvrir le compte de résultat, les charges étant en livre sterling, elles sont couvertes automatiquement, précise-t-elle. Malheureusement, le coût de la couverture auprès des banques et des salles de marché était rédhibitoire à cette époque-là. Sur les douze prochains mois, les salles de marché anticipent une stabilité de la devise britannique puis une parité avec l'euro, base que nous avons retenue pour nos budgets. Si le pire est derrière nous, j'ai néanmoins opté pour une couverture de change au niveau du bilan."
Lire aussi : Affaire Spanghero : le code (douanier) a changé
Après le référendum du mois de juin, les modalités de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne commencent à se préciser. Dans son discours du 17 janvier 2017, la Première ministre britannique Theresa May a dessiné les contours de cette rupture: c'est le scénario du Brexit "hard" qui se profile.
3 Plongeon dans l'inconnu de l'ère post-référendum
En ce matin du 24 juin 2016, un étrange smog envahit l'Europe: les résultats du référendum britannique viennent de tomber. Les Britanniques ont décidé d'écrire leur avenir au singulier et de quitter l'Union européenne, prenant au dépourvu experts et entreprises.
4 La livre sterling, première victime du Brexit
Aujourd'hui, l'heure est à l'attentisme et aux conjectures. Les impacts réels du Brexit se feront sentir lors de la sortie effective du Royaume-Uni de l'UE. Néanmoins, la dépréciation de la livre sterling constitue le premier dommage collatéral. Le lendemain du vote, elle atteint son plus bas niveau face au dollar depuis 30 ans, et face à l'euro depuis deux ans. Après une première chute de 10%, elle poursuit sa dégringolade.
"Tant que les conditions de sortie de l'UE ne seront pas connues et que l'incertitude durera, la livre sterling sera soumise à une grande volatilité, reconnaît Philippe Gelis, CEO de Kantox, fournisseur de solutions de gestion et d'échange de devises. Une volatilité qui risque d'empirer en fonction de l'évolution des négociations et du scénario qui se profilera." Ana Boata, économiste chez Euler Hermes, spécialiste de l'assurance-crédit, prévoit, quant à elle, une parité avec l'euro d'ici à 2018. "Voire avant" ().
Si une livre sterling basse est une bonne nouvelle pour les importateurs de produits britanniques, la donne est évidemment bien différente pour les exportateurs français. "La dépréciation actuelle de la livre sterling par rapport à l'euro a un impact négatif de l'ordre de 0,4 % sur les exportations françaises en moyenne annuelle", estime Axelle Lacan, économiste au sein de l'institut macroéconomique Coe-Rexecode. Les entreprises exportatrices se trouvent pénalisées et face à un choix cornélien: augmenter leur prix pour épargner leur marge, préserver les volumes au détriment de la marge, voire abandonner le marché britannique.
Néanmoins, la baisse de la monnaie britannique constitue aussi une opportunité pour les entreprises françaises souhaitant s'implanter outre-Manche. "Profitant d'un taux de change favorable et d'une baisse de la demande, nombre d'entreprises préparent la période post-Brexit en acquérant des actifs au Royaume-Uni, constate Jean-Noël Mermet, managing director de Frenger International, société de conseil spécialisée dans le développement international. Les Chinois, les Américains ou encore les Suisses sont d'ores et déjà en train de s'y positionner. En revanche, les Français ne semblent pas très opportunistes. Le Royaume-Uni était jusqu'à présent la première destination en matière d'investissements pour les entreprises tricolores, mais le Brexit et les incertitudes qu'il génère va probablement remettre en cause cette suprématie."
5 S'implanter ou ne pas s'implanter, telle est la question
Si le coût d'acquisition est plus attractif, l'intérêt d'une filiale britannique repose d'abord sur le dynamisme du marché local. Et en la matière, les prévisions économiques ne sont guère rassurantes.
"Le PIB par habitant va certainement baisser, de l'ordre de 3 à 5,5% d'ici à 2020 selon les scénarios, signale Charlie Joyez, chargé d'études économiques chez Pramex International, cabinet conseil en implantation à l'international. Le marché risque d'être moins attrayant pour les nouveaux entrants. L'arbitrage se fera également au regard des droits de douane: la hausse de la demande d'implantation sera limitée à une dizaine de cas par an, contre une centaine hier, si les droits de douane s'établissent à plus de 2%."
Axelle Lacan (Coe-Rexecode), pour sa part, rappelle que "l'économie britannique était déjà fragilisée avant le résultat du référendum. On anticipe une légère récession dès le début de l'année 2017. Et il ne faut pas se laisser leurrer par la bonne tenue de la consommation britannique cet été. C'est un phénomène macroéconomique connu: prévoyant une période inflationniste, les ménages anticipent leurs dépenses. Ce qui ne dure qu'un temps. Aux entreprises souhaitant s'implanter outre-Manche, je conseillerais la prudence et la patience".
"Il ne faut pas se laisser leurrer par la bonne tenue de la consommation britannique cet été. C'est un phénomène macroéconomique connu."
Axelle Lacan, économiste au sein de l'institut macroéconomique Coe-Rexecode
Pour les entreprises du secteur B to B, la situation est-elle meilleure? "Pas vraiment, répond Ana Boata (Euler Hermes). Au Royaume-Uni, les défaillances d'entreprise sont déjà en hausse, avec 8,5 % d'augmentation attendue l'an prochain. Quant aux retards de paiement, la tendance est également haussière. À la mi-2016, ils étaient en hausse de 37% dans la construction, de 20% dans les services informatiques et de 15% dans la chimie. Les délais de paiement sont inférieurs à 60 jours mais la situation se dégrade. La perte de volume liée à la contraction de la demande, couplée à la détérioration des comportements de paiement et à l'incertitude croissante, rend le marché britannique bien moins séduisant."
>> Suite de l'article dans la
Le Royaume-Uni est un partenaire économique de premier plan pour la France. Sa sortie de l'UE est donc inquiétante. S'il est difficile de prédire les futurs accords qui régiront les relations entre les deux pays, quelques hypothèses permettent de se faire une idée de l'impact sur les entreprises françaises.
6 Zoom sur les entreprises françaises implantées au Royaume-Uni
7 Quid des entreprises françaises implantées au Royaume-Uni?
Pour les entreprises tricolores déjà implantées au Royaume-Uni, soit quelque 650 PME et ETI, l'arbitrage est différent de celles qui envisageait de s'implanter. La situation n'est pas dégradée au point qu'elle nécessite la fermeture d'une filiale.
"La question peut se poser pour celle qui n'a pas encore atteint son point mort, rétorque Jean-Noël Mermet (Frenger International). Les entreprises avec lesquelles je travaille apprécient l'environnement business friendly britannique et vont continuer à y investir, Brexit ou non."
Les entreprises françaises implantées au Royaume-Uni bénéficient-elles pour autant d'un avantage concurrentiel? "Oui en cas de rétablissement des droits de douanes et des procédures administratives afférentes, estime Charlie Joyez (Pramex International). Ce sera d'autant plus vrai dans les secteurs d'activité que le Royaume-Uni souhaitera protéger via des barrières à l'entrée plus imposantes (quotas, droits de douane...). Néanmoins, les filiales françaises vont devoir sécuriser en amont leur approvisionnement et rationaliser les transferts de biens et de capitaux avec l'UE. En revanche, à moyen terme, les conséquences négatives risquent de l'emporter, du fait notamment du déficit de croissance du marché britannique."
Autre problématique sous-jacente: quid des Français qui travaillent dans les filiales outre-Manche? Devront-ils demander un permis de travail? Perdront-ils leur protection sociale ? Autant de questions qui demeurent elles aussi en suspens.
8 Et demain concrètement?
La difficulté pour les entreprises françaises consiste donc à étudier toutes les hypothèses et à modéliser différentes solutions afin d'être prêtes le moment voulu. Avant le 17 janvier, on ne savait pas quel scénario sortirait vainqueur : le hard Brexit (divorce brutal avec l'UE) ou le soft Brexit (séparation à l'amiable basée sur des concessions mutuelles) ?
Dans son récent discours, Theresa May, Première ministre britannique, penche nettement pour le hard Brexit. Selon l'option retenue, les conséquences seront bien évidemment différentes. À titre d'exemple, Euler Hermes prévoit jusqu'à 3,2 milliards d'euros de pertes additionnelles à l'export pour les entreprises françaises d'ici à 2019 dans le pire des scénarios (soit 0,5% du total des exportations de biens et services), contre 2,4 milliards d'euros en cas de soft Brexit. "Au niveau sectoriel, un Brexit sans accords de libre-échange serait particulièrement préjudiciable aux exportations en chimie (- 0,52 milliard d'euros), en machines et équipements (- 0,48 milliard) et en agroalimentaire (- 0,39 milliard)", précise Ana Boata (Euler Hermes).
Au final, seule certitude: la période d'incertitude risque de perdurer quelque temps. Theresa May a annoncé vouloir déclencher le processus de retrait d'ici fin mars 2017, une échéance qui pourrait ne pas être tenue en cas d'obligation de ratification par le Parlement britannique. À la suite du déclenchement de l'article 50 du Traité de Lisbonne s'ensuivront deux probables années de négociation avec l'UE, avec une éventuelle prolongation décidée à l'unanimité par les États membres.
"Pendant ce temps, la croissance britannique va être mollassonne, freinée par l'attentisme des ménages et des entreprises, prévoit Axelle Lacan (Coe-Rexecode). Plus la période de négociation sera courte, mieux ce sera pour l'économie britannique. Mais cela risque d'être compliqué. D'un côté, Theresa May souhaite le beurre et l'argent du beurre, c'est-à-dire l'accès au marché commun européen tout en s'affranchissant des règles entourant la libre circulation des personnes. De l'autre, l'UE ne peut se permettre d'être trop conciliante, au risque de briser l'unité européenne et d'inciter d'autres États membres à suivre l'exemple de la Grande-Bretagne." Reste à savoir ce que la récente élection de Donald Trump à la tête des États-Unis changera à cette équation.
Quelles seront les conséquences du Brexit pour les sociétés françaises implantées au Royaume-Uni? D'après les experts interrogés, le tableau n'est pas si noir, bien qu'il reste encore de nombreuses inconnues.
9 Droits de douane: le champ des possibles
En l'absence d'accord de libre-échange (FTA) et donc en cas de hard Brexit, le Royaume-Uni se conformera aux règles commerciales de l'OMC (Organisation mondiale du commerce), qui déterminent des plafonds en termes de droits de douanes.
Theresa May souhaite que le Royaume-Uni sorte du marché unique et de l'union douanière, tout en bénéficiant d'un accès illimité aux marchés européens. Les négociations s'annoncent rudes, et en attendant leur issue, voici un aperçu du champ des possibles en matière de droits de douane.
10 Le risque de change, c'est maintenant!
Aujourd'hui, est la principale conséquence du Brexit. Pour préserver leur chiffre d'affaires et leur bilan, les entreprises doivent définir une politique de gestion du risque de change claire et l'appliquer. Des techniques souvent négligées par les PME et ETI. Or, "ne pas couvrir le risque de change revient à spéculer de façon passive", prévient Philippe Gelis, CEO de Kantox, fournisseur de solutions de gestion et d'échange de devises.
11 Traduction, transaction et forward contracts
La volatilité de la livre entraîne deux types de risques de change: le risque de change de consolidation ou de traduction (qui intervient lorsqu'une maison mère doit consolider son bilan en y intégrant les bilans de ses filiales à l'étranger libellés dans la monnaie locale) et le risque de change de transaction.
Pour le premier type, il existe différentes techniques pour atténuer le risque comme réduire les actifs en monnaies faibles et en détenir davantage en devises fortes ou réduire les engagements en monnaie fortes pour en détenir en devises faibles.
"Ne pas couvr
ir le?risque de change revient?à spéculer de?façon passive." Philippe Gelis, CEO de Kantox
Pour le second type de risque, plusieurs instruments sont à la disposition des entreprises: de la couverture naturelle à la couverture financière. Patrick Lecapitaine, Daf du groupe Maisonneuve, pour qui le Royaume-Uni est un marché important, puisque Maisonneuve SAS, qui fabrique des citernes, y réalise 35% de son chiffre d'affaires et Maisonneuve KEG produit des fûts à bière vendus à 40% outre-Manche, utilise ces deux méthodes. "Il est possible de contourner le risque de change en achetant et en vendant dans la même devise, c'est le principe de la couverture naturelle, précise-t-il. Or, nous n'achetions pas au Royaume-Uni. C'est pourquoi nous sommes en train d'entamer de nouvelles relations commerciales avec des fournisseurs britanniques, c'est le côté positif du Brexit!"
Côté couverture financière, Patrick Lecapitaine fait le choix des contrats à terme, ou forward contracts, proposés par les banques et autres prestataires de services de change, qui permettent de vendre ou d'acheter aujourd'hui des devises disponibles ultérieurement à un taux de change fixé au départ, moyennant une commission. "La difficulté est de bien évaluer ses besoins en devises sur une période, estime Patrick Lecapitaine. Ensuite, nous utilisons cette enveloppe au fur et à mesure de nos besoins."
Citons également l'assurance change de type "négociation" (dès la remise de l'offre commerciale) ou de type "contrat" (permettant de figer un cours de change avant la signature du contrat commercial ou au plus tard dans les 15 jours de sa signature) de Coface.
12 Clauses des contrats et prix de vente
"Au niveau opérationnel aussi, une réflexion doit être menée, estime Philippe Gelis (Kantox). Les dispositions à prendre dépendront notamment de la capacité de négociation de l'entreprise, comme réduire les délais de paiement ou imposer des clauses d'indexation au contrat." Par exemple, la clause de risque partagé permet de faire supporter aux deux parties une part du risque de change, généralement à 50/50.
Enfin, face à la dépréciation durable de la livre sterling, augmenter son prix de vente est également une solution, une décision qui dépend de l'élasticité prix du produit. Ainsi, le groupe Maisonneuve a-t-il décidé d'augmenter ses tarifs de 13 à 15%. "Mais pour rester compétitifs face à nos concurrents, notamment britanniques, nous cherchons aussi des leviers pour diminuer nos coûts de revient, témoigne Patrick Lecapitaine. Plus que jamais sur ce marché, il va nous falloir nous démarquer par la qualité de nos produits et non par le prix."
Certes, la volatilité de la livre sterling n'est pas le seul élément pénalisant. La conjoncture économique l'est également à moyen terme. Mais ni Caroline Barbery, group CFO chez Teads, l'un des leaders mondiaux de la vidéo publicitaire en ligne qui dispose d'une filiale à Londres depuis novembre 2013, ni Patrick Lecapitaine (groupe Maisonneuve) ne semblent vraiment inquiets du fait de la typologie de leur clientèle, des entreprises solides financièrement. Business as usual, en somme, selon les différentes personnes interviewées dans ce dossier...
D'ailleurs, cette période troublée n'a pas empêché Teads de finaliser, en septembre dernier, l'achat de la société britannique Brainient, renommée Teads Studio, spécialisée dans les technologies d'optimisation dynamique des créations publicitaires. "Si la négociation a débuté avant le Brexit et été finalisée après, le résultat du vote britannique n'a en rien changé la donne car cette acquisition s'inscrit dans notre stratégie de développement, signale Caroline Barbery. Elle va nous permettre de proposer à nos clients des formats de publicités vidéo toujours plus innovants." Néanmoins, avec un taux de chang favorable, l'opération est d'autant plus intéressante pour Teads.
"Si le pire est derrière nous, j'ai néanmoins opté pour une couverture de change au?niveau du bilan." Caroline Barbery, groupe CFO chez Teads
Reste que le rétablissement des droits de douane et des coûts administratifs liés à l'import, tout comme l'éventuel protectionnisme du gouvernement britannique dans certains secteurs, sont difficiles à anticiper. "Le Brexit a agi un peu comme un catalyseur, commente Patrick Lecapitaine (groupe Maisonneuve). Si, aujourd'hui, le marché britannique reste capital pour nous, il est important de diversifier les pays où nous exportons." Ainsi, la société va-t-elle se concentrer sur l'Amérique du Sud pour commercialiser ses fûts à bière et sur l'Allemagne et les pays de l'Est pour ses citernes.
Déjà en son temps, le Romain Plaute n'écrivait-il pas "Jamais la souris ne confie à un seul trou sa destinée"?
Les fluctuations du cours de la livre sterling nécessitent la mise en place d'une politique de gestion du risque adaptée. De nombreuses possibilités s'offrent aux entreprises pour préserver leur chiffre d'affaires réalisé outre-Manche. Tour d'horizon du champ des possibles.
13 L'heure est à la veille ...
L'un des indicateurs les plus impactants au niveau du business, tant des importateurs que des exportateurs, est bien sûr le cours de la livre sterling (ligne 1 du tableau ci-dessous). Selon les besoins, cette donnée doit être suivie quotidiennement ou hebdomadairement. La croissance britannique(2) est également clé. "La prévision de croissance pour 2017 est passée de 1,8% du PIB à 0,7% depuis le référendum britannique", signale Ana Boata, économiste chez l'assureur-crédit Euler Hermes. L'ONS (Office for national statistics), équivalent britannique de notre Insee, est une source fiable pour récolter des données économiques et sectorielles.
14 Quelles sources?
"Le comportement de paiement des entreprises(3) est à surveiller de près, tout comme les défaillances d'entreprises qui vont malheureusement s'accélérer", prévient Ana Boata. Ces informations sont fournies, trimestriellement ou annuellement, par différents acteurs tels Euler Hermes, Altares ou Intrum Justitia. Il convient également de s'intéresser au niveau des flux d'investissements directs étrangers(4), via l'ONS ou la CNUCED (Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement) par exemple.
À mesure que le scénario de sortie se dessinera, il faudra suivre les annonces et décisions prises par le gouvernement anglais et l'UE: taxation des produits britanniques par l'UE(5), taxation des produits européens par le Royaume-Uni(6), les différents changements législatifs en termes de douanes, de contrôles, de quotas, etc.(7) et les restrictions en matière de mobilité des personnes(8). "Ce dernier point impactera surtout les entreprises ayant une filiale au Royaume-Uni", précise Ana Boata.
En attendant une rubrique dédiée au Brexit sur le site de l'UE, l'analyse de la LSE (London school of economics and political sciences) est intéressante et consultable sur son blog.
Le Brexit n'interviendra probablement pas avant deux ans. D'ici là, la livre sterling et l'économie britannique en général vont être malmenées. Pour s'adapter et anticiper, il est nécessaire de suivre régulièrement quelques indicateurs.
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