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Mobilité: l'heure des arbitrages

Des centres-villes fermés à certains véhicules, une fiscalité de moins en moins favorable, sauf à opter pour l'électrique: optimiser un parc automobile devient un exercice plus tendu. Dans ce contexte, une approche par la mobilité des collaborateurs permet des choix efficients.

Publié par Jean-Philippe Arrouet le - mis à jour à
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Mobilité: l'heure des arbitrages

L'apparition de la circulation différenciée à Paris, Lyon, Villeurbanne ou Grenoble, fondée sur les fameuses vignettes Crit'air, augmente les contraintes pesant sur les déplacements d'entreprise. Au 1er janvier prochain, ce sera au tour des plans de mobilité d'entreprise de devenir obligatoires sur tous les sites de plus de 100 salariés implantés dans le périmètre d'un plan de déplacements urbains (PDU).

Inspirée des plans de déplacements d'entreprise (PDE), cette nouvelle mouture ne se limitera plus aux déplacements domicile-travail. "Nous incitons les entreprises à examiner l'ensemble de leurs déplacements, y compris professionnels, ceux de leurs fournisseurs et de leurs clients", précise Christelle Bortolini, chargée de mission management de la mobilité à l'Ademe. Dans la région Hauts-de-France, "Déclic Mobilités", une structure de conseil portée par l'association Réseau Alliances, a déjà accompagné près d'une quinzaine de plans de mobilité. "Les gestionnaires de flottes vont devoir travailler plus en transversalité avec les RH, la direction et les instances représentatives du personnel", avertit Lucile Janssoone, chargée de mission RSE et mobilité durable. Sur son site, cet organisme propose d'ailleurs une méthodologie pour confronter les argumentations en interne. Ainsi, la partie consacrée aux Daf permet, des exemples à l'appui, d'élaborer un compte transport exhaustif en faisant apparaître les coûts cachés et d'identifier les leviers d'économie.

Des pistes d'économies

L'idée est de dégager des marges de manoeuvre en partant d'un diagnostic le plus poussé possible. Chez Bemobi, prestataire spécialisé dans la mobilité des entreprises, la démarche débute par la collecte d'informations quantitatives (données concernant les déplacements, la cartographie des domiciles, la structure de la flotte, l'accessibilité des sites...) et qualitatives: "Nous rencontrons les collaborateurs pour évoquer la question des horaires atypiques, leur usage des transports en commun; nous pouvons leur proposer d'expérimenter la réservation d'un véhicule en pool, et nous interrogeons les managers pour identifier les freins", explique Adeline Gogé-Lefaivre, directrice marketing et communication.

L'objectif étant de proposer un plan adapté et surtout durable, puisque les investissements nécessaires sont priorisés sur trois à cinq ans. L'intervention d'un prestataire tel que Bemobi a un coût non négligeable, entre 15000 et 30000€ selon la taille de l'entreprise - mais il s'accompagne d'une optimisation des dépenses. "Si le client accepte les solutions que nous préconisons, le ROI peut être quasiment immédiat et représenter 10 à 30% du coût global de la mobilité", affirme Adeline Gogé-Lefaivre. Tel est le cas avec l'auto-partage: "Il ne réduit pas le parc de véhicules affectés mais les dépenses de taxi, de location courte durée et les indemnités kilométriques, évoque François Falezan, consultant manager au sein du cabinet de conseil Epsa. Sur ces postes, les gains potentiels sont de l'ordre de 10 à 20%."

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Repenser les déplacements

Présent dans 80 villes françaises hors Île-de-France, Citiz regroupe un réseau d'opérateurs d'auto-partage. Les véhicules, thermiques ou hybrides, sont utilisés pour des missions comme pour des trajets personnels, avec des durées de location moyenne de 6 à 7?heures. "Certains clients ont divisé par 2, voire par 3, leur nombre de véhicules", affirme Joël Steffen, responsable de la communication et de l'animation du réseau. Exemple chez Arte, à Strasbourg: "Une station de trois véhicules a été installée en pied d'immeuble en 2013; cela nous a fait économiser plus de 50% de notre budget annuel consacré aux cinq véhicules que nous possédions auparavant", explique Adeline Tschiember, écoconseillère et chargée de projet au sein de la chaîne.

Pour sa part, Ubeeqo (ex-Carbox) a été le premier à inciter les entreprises à repenser leur approche de la voiture de fonction pour lui substituer un "crédit mobilité": les collaborateurs acceptent un véhicule plus petit mais la différence de prix est mise à leur disposition sous la forme d'un crédit utilisable pour régler des abonnements aux transports en commun, des notes de taxi, des billets de train, des locations de voiture y compris pour leurs déplacements personnels. "Par rapport à un véhicule avec un TCO de 12000€, lorsque le collaborateur accepte un modèle à 6000€ de TCO, il obtient 5 000 € de crédit mobilité", affirme Emmanuel Nedelec, le p-dg de l'entreprise. Une prestation qu'a choisie Bristol-Myers Squibb pour son siège de Rueil-Malmaison. "Nous avons réalisé une étude sur la flotte des véhicules de fonction de nos collaborateurs sédentaires; or, plus de 50?% parcouraient moins de 15000 km par an et 20% moins de 10000 km", explique Xavier Bazan, responsable de la flotte. L'offre est plus adaptée à leurs besoins de mobilité, donc plus attrayante aux yeux de certains collaborateurs, plus respectueuse de l'environnement et sans surcoût.

Stéphane Raynaud, expert-comptable associé au cabinet BBA et dirigeant de la revue "La profession comptable"

"Appliquer au crédit mobilité les 30% de forfait valables dans le cas d'un véhicule de fonction est risqué"

> L'apparition récente du "crédit mobilité" pose des questions aux entreprises. Comment l'analysez-vous?

Le crédit mobilité reste un concept marketing dans la mesure où il n'existe pas dans la législation fiscale. Il n'est encadré ni par l'Urssaf, ni par le Code général des impôts, et il n'y a pas encore de jurisprudence.
> Lorsqu'une entreprise y a recours pour ses collaborateurs, comment calculer l'avantage en nature correspondant?
Considérons le cas d'une entreprise qui proposerait de remplacer un véhicule de fonction d'une valeur de 20000€ par un autre de 10000€ en y ajoutant un crédit mobilité de 5000 à 6000€ sous la forme d'avantages complémentaires. Si ce montant n'est pas exclusivement réservé à des déplacements professionnels, il sera considéré comme un avantage en nature en totalité et non à hauteur de 30% comme pour un véhicule de fonction. Dans ce cas, l'entreprise ajoute le montant du crédit mobilité à l'avantage en nature du véhicule qui y est associé.
> Peut-on envisager un calcul différent?
Certaines entreprises appliquent au crédit mobilité les 30% de forfait valables dans le cas d'un véhicule de fonction mais elles prennent des risques, à moins de pouvoir préciser le pourcentage de crédit destiné à un usage professionnel.

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