DossierCloud : quel impact pour la direction administrative et financière ?
En 2013, les PME françaises ont dépensé au total 1,6 milliard d'euros dans le cloud. Un chiffre en hausse de 27 % par rapport à l'année précédente. Budget, reporting, sécurisation des données : les enjeux du passage au cloud sont multiples pour la Daf. Le point sur les impacts de cette évolution.

Sommaire
- Passage au cloud : les avantages du mode Opex
- Pas d'investissement, plus de réactivité
- Gagner en souplesse
- Un meilleur pilotage du budget
- Passage au cloud : les limites du mode Opex
- Étudier la rentabilité sur le long terme
- Une nécessaire conduite du changement
- [Zoom] Cloud et sécurité
- Le rôle crucial de la DSI
- Les risques liés au lieu de stockage des données
- Les outils financiers dans le cloud, une nouvelle dynamique
- Des outils enfin accessibles pour les PME
- Mises à jour financières et fiscales
- Le big data à disposition des Daf
- [Zoom] Cloud : faut-il tout externaliser ?
- Le cloud : une révolution incontournable ?
- User de solutions internes et externes : le bon compromis
- Comparer les coûts des solutions sur leur cycle de vie
- Négocier son contrat cloud, de la haute couture
- Attention à la confidentialité des données
- Vérifier les normes de sécurité
- Changer de prestataire dans de bonnes conditions
- [Cas pratique] Mathon mise sur la flexibilité du modèle cloud
- La Daf comme arbitre
1 Passage au cloud : les avantages du mode Opex
SaaS, PaaS, IaaS... Le cloud prend diverses formes qui peuvent intéresser les entreprises. Le SaaS offre la possibilité d'avoir accès à des applications sans les installer chez soi ; le IaaS permet d'externaliser ses infrastructures informatiques ; tandis que le PaaS met à disposition des plateformes de développement.
En résumé, le cloud permet de se décharger des investissements informatiques : on n'achète ni machine ni logiciel, mais on verse un abonnement à son prestataire et, dans certains cas, on paie à l'utilisation. Une nouvelle façon de consommer l'informatique qui n'est pas sans impact financier, puisqu'on passe d'un mode Capex (capital expenditures, soit des dépenses d'investissement, inscrites à l'actif du bilan) à un mode Opex (operating expenses, soit les charges d'exploitation).
2 Pas d'investissement, plus de réactivité
Le principal avantage du cloud au niveau financier est de ne pas avoir à investir une grosse somme initiale pour son équipement informatique. " Aujourd'hui, si on se retrouve face à une problématique de renouvellement du parc informatique, on choisit d'externaliser parce que la trésorerie est tendue et que les entreprises n'ont pas les moyens d'investir ", observe Benoît Jacheet, Daf et fondateur de Solutions Daf.
La capacité d'emprunt reste intacte, ainsi que les fonds propres : les entreprises peuvent concentrer leurs dépenses sur leur coeur de métier et financer la R & D, ou encore embaucher du personnel. Ne pas avoir à investir une forte somme initiale permet aussi d'être plus rapide. " On échappe à un process budgétaire lourd ", précise Olivier Pochard, directeur du développement du FAI Nerim. Auparavant, il fallait prévoir ses projets informatiques à l'avance pour pouvoir inscrire leur coût au budget prévisionnel. Aujourd'hui, on peut les lancer en fonction de ses besoins.
3 Gagner en souplesse
Une réactivité qui permet de s'adapter facilement aux évolutions de l'entreprise. Ce qui est particulièrement intéressant pour les sociétés en croissance ou avec une activité saisonnière. " On n'est pas freiné lorsque l'on n'a pas prévu la taille des machines ", indique Renaud Brosse, cofondateur et associé de Timspirit, cabinet de conseil dédié à l'optimisation des performances des directions informatiques.
Attention, cependant, à bien prévoir ces évolutions dès la signature du contrat : les consommations "hors forfait" peuvent être très chères. " Il faut prévoir les pics d'utilisation ", conseille Olivier Grandjean, associé au sein de Weave, cabinet de conseil en stratégie opérationnelle.
4 Un meilleur pilotage du budget
Autre avantage pour le Daf : la visibilité. Même s'il est possible de payer à la consommation, opter pour une solution par abonnement permet de mieux piloter son budget. " C'est moins hypothétique que le développement d'un logiciel dont les coûts ne sont, au final, jamais respectés ", témoigne Michel Weijl, Daf du fabricant de fil DMC (320 salariés, 60 millions d'euros de CA), qui héberge son logiciel Divalto chez Nerim.
Une meilleure visibilité mais aussi une meilleure prévisibilité. En effet, plus de coût de maintenance ni de mises à jour qui peuvent survenir de manière inopinée : leur prix est compris dans celui de l'abonnement.
Le cloud permet aussi un meilleur pilotage du budget grâce aux outils qui analysent les coûts par filiale, business unit, service, application, utilisateur... " Le cloud apporte un fort gain au niveau analytique et décisionnel ", avance Guillaume Lecerf, directeur commercial de VeePee, opérateur de services IP.
Le cloud fait passer les entreprises d'un mode Capex à un mode Opex. Finis les investissements initiaux parfois lourds. Ce qui permet de lancer des projets informatiques en fonction des besoins de la société, même si la trésorerie ne suit pas.
5 Passage au cloud : les limites du mode Opex
Le passage du mode Capex au mode Opex qu'entraîne le cloud n'est pas toujours avantageux. En effet, les loyers dégradent l'Ebitda, ce qui peut poser problème aux sociétés qui souhaitent se vendre. " Cela peut également s'avérer risqué pour les entreprises qui ont une grosse dette, notamment sous LBO. Les critères de capacité à rembourser cette dette sont liés à l'Ebitda ", rapporte Benoît Jacheet (Solutions Daf).
Dans la même idée, cette dégradation peut empêcher une entreprise d'accéder à des prêts dont certains accords impliqueraient un niveau d'Ebitda plus élevé. Enfin, cela peut dégrader l'image de l'entreprise en termes de rentabilité et de résultat.
6 Étudier la rentabilité sur le long terme
Autre point de vigilance : le TCO (total cost of ownership, soit coût global de possession). " Il faut étudier la solution la plus rentable en prenant en compte les aspects d'évolutivité ", insiste Benoît Jacheet (Solutions Daf). En effet, le cloud peut se révéler moins rentable sur le long terme, mais également si le nombre d'utilisateurs augmente.
Et si un investissement informatique vient d'être réalisé, s'il y a du personnel informatique, pas sûr que cette solution soit intéressants. " On ne part pas de zéro, note Benoît Jacheet (Solutions Daf). Les salles qui n'hébergent plus les outils informatiques vont-elles être utilisées à autre chose ? Et le personnel ? Il faut s'assurer que des coûts variables ne vont pas s'ajouter à des coûts fixes. " Le passage au cloud est plus facile à mettre en oeuvre lors d'une réorganisation ou d'un déménagement.
7 Une nécessaire conduite du changement
Par ailleurs, si le cloud affecte le budget, il a aussi un impact sur les ressources humaines. " C'est socialement que le passage au cloud pose problème ", note Renaud Brosse, cofondateur de Timspirit. Que vont faire les personnes du service informatique ? Si leur rôle reste important (elles peuvent définir les projets en amont, assurer le contact avec les prestataires cloud...), il évolue, et ce changement doit être accompagné.
La conduite du changement implique aussi d'accompagner les usagers du cloud au sein de l'entreprise afin qu'ils prennent bien en main les solutions. Par ailleurs, si des tâches disparaissent, grâce à l'automatisation, d'autres risquent d'apparaître, puisque le cloud appelle le partage d'informations. Ce qui nécessite de faire preuve de pédagogie.
Si le passage au mode Opex qu'implique le cloud permet des gains en souplesse et en réactivité en limitant les investissements, cependant, il n'est pas bon pour toutes les entreprises...
8 [Zoom] Cloud et sécurité
Aujourd'hui, il est devenu courant d'utiliser des logiciels professionnels ou métier en mode déporté, ou encore de stocker des données à l'extérieur de l'entreprise. La souplesse d'utilisation du cloud et les économies qu'il engendre sont en effet plus qu'appréciables.
9 Le rôle crucial de la DSI
Mais se pose la question de la sécurité. En effet, l'éventualité de perdre l'accès aux données, et donc les options de secours à mettre en oeuvre, doivent être prévues dès la mise en place de la solution cloud. Un rôle qui incombe à la DSI. Cette dernière devra également conseiller la Daf dans le choix de la solution cloud : faut-il opter pour une offre publique ou privée ? Il est également de son ressort de sensibiliser les utilisateurs à l'utilisation du cloud et de mettre en place des process pour éviter les dérives.
La mise en place du cloud implique donc une collaboration étroite entre la Daf et la DSI. Retrouvez l'analyse détaillée de ce sujet dans l'article "Le mode cloud sous haute surveillance".
10 Les risques liés au lieu de stockage des données
Lorsque l'on stocke des données dans le cloud, il est indispensable de savoir où se trouvent les data centers. La localisation des données peut en effet avoir un impact sur leur confidentialité. Ainsi, Aux États-Unis, la notion de confidentialité des données n'est pas la même qu'en Europe. Pourtant, l'Union européenne permet le transfert des données personnelles vers les États-Unis si les entreprises adhèrent aux 11 principes du Safe harbor ("Sphère de sécurité") concernant, entre autres choses, l'intégrité des données, le transfert à des tiers et l'accès aux informations. " Le Safe harbor semble intéressant en théorie, mais il n'est pas très efficace ", estime maître Hervé Gabadou. En effet, les entreprises mettent rarement les 11 principes en oeuvre et ne renouvellent pas leur adhésion chaque année.
Autre sujet de préoccupation : le Patriot act, qui donne le droit au gouvernement américain d'accéder à toutes les données d'une entreprise hébergées aux États-Unis (données personnelles des clients incluses) dans le cadre d'une enquête liée à des soupçons de terrorisme. " L'hébergeur ne peut pas refuser. L'entreprise et les personnes concernées ne sont pas informées ", précise Éric Pigal, fondateur de Kognitis.
Le développement de l'utilisation du cloud en entreprise amène logiquement à s'interroger sur la sécurité. Quels sont les points de vigilance ? Quels sont réellement les risques ?
11 Les outils financiers dans le cloud, une nouvelle dynamique
" Chez nos clients, nous observons que les directions financières ont de plus en plus recours aux applications en mode SaaS, par exemple pour la gestion de la trésorerie, la relance client ou bien encore le traitement des factures ", constate Éric Lefebvre, associé au sein de KPMG. Toutefois, 85 % des entreprises indiquent qu'elles souhaitent conserver leur ERP chez elles, selon une étude Sage/CXP réalisée en 2013.
12 Des outils enfin accessibles pour les PME
Le cloud offre une nouvelle vie aux outils financiers, aussi bien au niveau des possibilités logicielles que des usages." Un des grands avantages du cloud est de pouvoir apporter à toutes les entreprises des solutions de pointe jusqu'alors proposées uniquement aux grandes structures ", expose Didier Weiss, fondateur et président de l'éditeur de logiciels ABW. ReadSoft affirme qu'elle permet aux sociétés ayant moins de 1 000 factures par an d'accéder à la dématérialisation via son logiciel SaaS.
Les Daf de PME peuvent donc adopter de nouveaux outils. D'autant plus grâce aux solutions dites "hybrides", qui permettent d'enrichir son ERP en fonction de ses besoins sans se lancer dans des chantiers longs. Auparavant, les Daf avaient le choix entre des solutions complètes, mais onéreuses et compliquées, ou bien des outils simples, mais aux capacités limitées. En revanche, aujourd'hui, " on peut compléter sa solution intégrée dans l'entreprise par des fonctionnalités avancées dans le cloud ", décrit Isabelle Saint-Martin, chef des marchés ERP de Sage.
13 Mises à jour financières et fiscales
Autre avantage du cloud : les mises à jour régulières par l'éditeur. " On ne s'occupe plus de la migration des logiciels puisque c'est le prestataire qui fait évoluer les versions ", se félicite Emmanuel Lesage, Daf d'Atrya, société de solutions pour l'habitat. Réalisant un chiffre d'affaires de 420 millions d'euros avec un effectif de 2 000 salariés, l'entreprise utilise le logiciel CRM C-first d'ABW. Le choix du cloud est surtout intéressant au niveau légal : " Les applications financières, et notamment fiscales, sont soumises à beaucoup de mises à jour, étant donné les nombreuses évolutions légales. Avec des applications en mode SaaS, les mises à jour se font sans que le Daf n'ait à s'en préoccuper ", indique Sylvain Moussé, directeur des technologies chez l'éditeur de logiciels de gestion Cegid.
En utilisant des outils financiers en ligne, les Daf peuvent y accéder depuis n'importe où, même sur leur tablette ou leur smartphone. " On travaille l'accès depuis ces nouveaux terminaux ", révèle Jérémy Grégoire, responsable marketing de l'offre cloud Idylis de Divalto. Et ce, 24 h / 24 et 7 j / 7. Cela offre un avantage aux entreprises qui possèdent plusieurs filiales, notamment à l'étranger.
Ce partage de l'information peut également se faire avec des personnes extérieures à l'entreprise. Ainsi, Grégoire Bourdin, directeur financier de Hi-media Group, société de monétisation de l'audience digitale, dit apprécier de pouvoir donner l'accès à sa solution de consolidation ViaReport à ses commissaires aux comptes. Mais également à ses experts-comptables, ses banques ou encore ses sous-traitants, ses réseaux de distribution et ses clients.
14 Le big data à disposition des Daf
Cet aspect collaboratif du cloud facilite aussi, pour les Daf, l'analyse de toutes les données disponibles au sein de l'entreprise. C'est le fameux big data. Ainsi, des reportings plus précis peuvent être établis. Et il est également plus facile de prendre la décision d'accepter ou non un nouveau client en récupérant des informations venant de la prospection, de la gestion des comptes, de l'administration des ventes...
Le big data consiste également à analyser les données externes à disposition de l'entreprise : le Daf peut recueillir des informations sur la Toile pour, par exemple, effectuer une veille sur la santé financière de ses clients. " Le cloud offre une architecture adaptée pour analyser en temps réel des données qui proviennent d'Internet ", rapporte Georges Carbonnel, responsable grands comptes chez l'éditeur Jaspersoft.
Le Daf a également accès aux taux de change ou au coût des matières premières en temps réel. L'éditeur Kyriba utilise la vision globale de ce que font ses clients pour transmettre des données à l'ensemble de ses utilisateurs sur le taux moyen d'achat d'une devise, par exemple. " Nous pouvons ainsi dire à nos utilisateurs s'ils se positionnent en dessous ou au-dessus de la moyenne des autres clients ", explique Rémy Dubois, EVP et managing director chez Kyriba. Le champ des possibles concernant les outils financiers sur le cloud n'a pas fini de nous étonner.
Collaboratifs, accessibles partout et n'importe quand, mis à jour automatiquement... Les outils financiers dans le cloud offrent aux Daf de nouvelles possibilités concernant leurs fonctionnalités, mais aussi leur utilisation.
15 [Zoom] Cloud : faut-il tout externaliser ?
Le choix de l'externalisation dépend de la structure établie, des systèmes de sécurité des équipements IT, et des besoins de l'entreprise. Mais face au cloud, les serveurs dédiés, les baies de stockage, les lecteurs de bande et autres disques durs ont-ils encore de belles années de métier ?
16 Le cloud : une révolution incontournable ?
" Une entreprise, déjà bien équipée en interne, n'a pas urgemment besoin d'évoluer vers le cloud, concède Laurent Bernaille, Architecte infrastructure chez D2SI, cabinet de conseil et d'ingénierie informatique. Elle doit l'aborder comme un "nouveau" data center complémentaire dont elle peut tirer parti, notamment pour diminuer ses coûts en réduisant les investissements. Autrement, elle risque d'accuser un retard vis-à-vis de des concurrents sur un sujet voué à devenir incontournable. "
La prudence reste donc de mise. Même si les fournisseurs se montrent toujours plus rassurants quant à la sécurité et à la confidentialité des données qu'ils ont entre leurs "mains" et qu'il est possible de crypter avant de procéder à leur envoi, " le nuage reste assez poreux, met en garde Pierre Michaut, directeur de Karistem IT. Faites d'abord un test sur une fonction support, comme les RH ou la comptabilité ". Commencez par n'externaliser que les données et applications qui n'ont pas de caractère stratégique pour le coeur business afin de vous assurer de la capacité de la société à conduire un tel dossier.
" C'est en concertation avec la dg et le responsable informatique que doit être prise la décision quant aux données que vous pouvez progressivement externaliser, en évaluant pour chacune les risques stratégiques, financiers et juridiques liés à une éventuelle perte de données ", précise Pierre Michaut. Rien n'empêche ensuite de stocker ces données dans deux zones différentes, voire chez deux prestataires différents sans alourdir la facture ; les prix étant fixes et non négociables, à moins qu'ils portent sur des volumes très conséquents. Petit conseil de l'expert : " Demander à ce qu'elles soient sauvegardées tous les mois chez un tiers indépendant. " Toutefois, cela peut avoir un impact non négligeable sur le coût final.
17 User de solutions internes et externes : le bon compromis
" De plus en plus de PME fonctionnent aujourd'hui avec une IT interne et une IT dans le cloud. La proportion de la seconde devrait grandir sans jamais atteindre 100 % ; certaines applications n'étant, pour des raisons techniques ou réglementaires, pas éligibles ", rapporte Laurent Bernaille (D2SI). Naturellement, les données vouées à être consommées sur le Web se prêtent à être hébergées via le cloud, surtout si l'entreprise se prévaut d'une clientèle internationale.
" Rendre ses données accessibles partout dans le monde via son data center est complexe et coûteux. Avec le cloud, on bénéficie du réseau de distribution du fournisseur et de sa capacité à gérer une augmentation ou une baisse de trafic ", précise Laurent Bernaille.
18 Comparer les coûts des solutions sur leur cycle de vie
" Au-delà du coût, il faut analyser le type de coûts, ligne par ligne. La solution crée des besoins en contrôle de gestion qui n'existaient pas auparavant, explique Pierre Michaut. Cela va consister notamment à vérifier que l'on ne peut pas recourir à d'autres modèles de machines virtuelles moins gourmandes ou que certaines applications n'ont pas rencontré de bug. "
Rapatriement immédiat des données, risque qu'elles soient sans cesse déplacées voire perdues, suivi affiné des coûts, formation d'un ou plusieurs collaborateurs à ces solutions : autant d'éléments qui doivent être anticipés et mesurés. Et qui peuvent peser lourd dans la balance.
Disque dur et autres unités de stockage semblent ringardisés par l'effet cloud qui attire tous les regards. Mais externaliser ou internaliser les données de l'entreprise est une décision qui doit tenir compte avant tout de la structure en place et des besoins à plus ou moins long terme. Éclairage.
19 Négocier son contrat cloud, de la haute couture
Avant de se lancer dans le cloud, il faut passer les contrats à la loupe. Une lecture qui doit se faire en partenariat avec le DSI, pour s'assurer que la partie technique est conforme. Surtout, il s'agit de négocier fermement les conditions afin d'éviter toute mauvaise surprise. Cet aspect contractuel est nécessaire pour bien choisir son prestataire cloud : il doit donc être mis en oeuvre pendant la phase d'appel d'offres, bien en amont.
Le cloud est une prestation de service. Le contrat doit s'engager sur les services mis à disposition par le prestataire (SLA, ou service level agreement) : disponibilité, temps de réaction, continuité de service... Si ce dernier n'est pas en mesure d'assurer cette prestation de service, une contrepartie financière doit être versée. " S'il n'y a pas de pénalités prévues, l'offre n'est sans doute pas sérieuse ", estime maître Alexandre Diehl, avocat spécialisé en droit de l'informatique et des nouvelles technologies.
20 Attention à la confidentialité des données
Le service délivré par le prestataire doit également être sécurisé, notamment en termes de protection et de confidentialité des données. D'autant plus que la loi ne définit pas clairement qui est responsable des données hébergées sur Internet, entre l'entreprise cliente ou le prestataire. La responsabilité d'une société utilisant des services cloud peut donc être engagée en cas de problème de confidentialité ou de sécurité : le non-respect de l'obligation de sécurité est sanctionné de cinq ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende, tandis que la divulgation d'informations commise par imprudence ou négligence est punie de trois ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende.
" Les responsabilités sont à déterminer contractuellement ", prévient maître Hervé Gabadou, associé du département informatique et réseaux du cabinet Courtois Lebel. Il est généralement impossible de faire peser l'entière responsabilité sur le prestataire, mais il faut au moins veiller à ce qu'elle soit répartie entre les deux parties prenantes. Une négociation difficile, selon maître Alexandre Diehl, qui rapporte que la perte de données est toujours exclue des contrats types.
21 Vérifier les normes de sécurité
Après avoir réglé ce problème de responsabilité, il s'agit de s'assurer que la sécurité est un réel souci pour le prestataire. " Il doit pouvoir justifier du fait que les normes de sécurité sont bien mises en place ", avertit maître Hervé Gabadou. La norme ISO 27001, par exemple, garantit un certain niveau de sécurité et notamment que les données sont bien détruites après utilisation.
Une autre problématique est la localisation des données, un élément d'importance au regard de la confidentialité des informations. " Il faut s'assurer que le prestataire respecte le droit français en la matière ", insiste maître Mahasti Razavi, avocate spécialisée dans les questions liées aux technologies de l'information. Si certains prestataires du cloud privé sont en mesure de faire visiter leurs data centers à leurs clients, d'autres, surtout dans le cloud public, ne savent pas exactement où se situent les données. Il faut alors s'assurer qu'elles sont bien hébergées dans la communauté européenne ou dans un pays considéré comme équivalent.
Mieux vaut éviter d'héberger ses datas en Chine, en Inde et même aux États-Unis. Maître Mahasti Razavi conseille de s'assurer que le prestataire cloud intègre les modèles de clauses élaborées par l'Union européenne en matière de données à caractère personnelles : " Des clauses types sont publiées par la Commission européenne. Elles doivent figurer dans les contrats cloud. C'est essentiel. " Pour Éric Pigal, fondateur de la société de conseil en informatique Kognitis, rien ne vaut un prestataire français ou européen pour s'assurer que la confidentialité soit respectée. " En plus, en cas de litige, c'est la loi du pays du fournisseur qui s'applique ", insiste-t-il.
22 Changer de prestataire dans de bonnes conditions
Le contrat doit également prévoir les conditions d'un changement de prestataire. En effet, il est parfois difficile de récupérer ses données. " Lors du rapatriement, le réseau peut être fortement limité ", rapporte Renaud Brosse, cofondateur et associé de Timspirit, cabinet de conseil en optimisation des performances des directions informatiques, qui recommande de faire également attention aux coûts de rapatriement.
Autre point délicat : la réversibilité. Le contrat doit faire état de l'obligation de restituer les données, sous un format précis. " Certains fournisseurs renvoient des fichiers PDF qui sont totalement inexploitables ", pointe Jérôme Brun, fondateur de Basep, société de conseil en transformation numérique. Un point d'autant plus délicat que l'on ne sait pas quel format exigera le nouveau prestataire. " On peut s'entendre sur des principes, mais on ne pourra pas passer sans problème sur un autre cloud ", tranche Jérôme Brun.
Enfin, il faut envisager le cas de la liquidation judiciaire du prestataire. " Le Code du commerce prévoit que l'administrateur judiciaire doit répondre aux créanciers pendant dix ans, que ce soit en termes de sommes financières ou de services. Il y a donc une obligation de restituer les données ", rassure maître Alexandre Diehl. Avant de nuancer : " Cela peut prendre du temps et la structure des données a toutes les chances de ne pas être respectée. " Maître Olivia Flipo pense pour sa part qu'une solution peut être trouvée lors de la période de redressement : " Le client peut être formé à la reprise du service ou l'activité transférée vers une société tierce. "
Un lien de confiance doit donc exister entre l'entreprise cliente et le prestataire cloud, lien qui doit se traduire à travers les contrats. Il faut veiller à ce que les différents métiers ne souscrivent pas à des applications en ligne sans concertation.
Confidentialité, réversibilité, localisation... Le cloud soulève des points juridiques à ne pas négliger. Le Daf doit, avec le DSI, passer les contrats au peigne fin. Et négocier âprement...
23 [Cas pratique] Mathon mise sur la flexibilité du modèle cloud
Depuis sa création, l'entreprise Mathon hébergeait sa propre infrastructure dans deux salles spécialement dédiées aux serveurs (salles blanches). Société spécialisée depuis 25 ans dans la commercialisation d'articles de cuisine en VPC, puis sur le Web depuis quelques années, Mathon opère une bascule importante en 2014, avec le passage au cloud. " Une mutation qui s'inscrit dans le cadre d'une refonte globale du système d'information de l'entreprise (l'ERP, le site web, etc.) ", précise Guillaume Morlet, le DSI.
L'option choisie a été de faire migrer l'infrastructure vers un projet cloud hybride : il s'agit de pouvoir switcher entre du cloud privé, c'est-à-dire une infrastructure dédiée à Mathon, mais dans un data center appartenant à l'intégrateur APX, et du cloud public, grâce au prestataire Cloudwatt. " Ce principe nous permet d'avoir accès à des machines virtuelles à volonté, à la fois privées et publiques, en fonction de nos besoins ", souligne le DSI. Aussi, pour faciliter ce mixage entre cloud privé et public, une seule interface d'administration, via l'outil Plug 2 Watt, a été créée. Elle garantit la bonne répartition des machines virtuelles du parc informatique en fonction des types de données.
24 La Daf comme arbitre
Le rôle de la Daf est triple dans ce projet : conseil, analyse et soutien. " Si la DSI est clairement le pilote de ce projet capital, la Daf joue un rôle de contrôle et de supervision ", explique Cédric Lavignac, le Daf.
Les impacts de ce projet IT sont, quant à eux, d'ordre organisationnel pour la direction financière, avec un dilemme : l'entreprise devait-elle réinvestir massivement dans des serveurs pour remplacer ceux devenus obsolètes ou démarrer sur une prestation de services ? En retenant la seconde option, l'entreprise est désormais en mesure de répondre au défi d'une forte saisonnalité. " Le choix de ce cloud s'explique par un fort besoin de flexibilité sur le plan des ressources IT, sachant que les coûts de fonctionnement seront proportionnels à notre charge d'activité ", éclaire le Daf.
Si l'entreprise avait opté pour de nouveaux serveurs, elle aurait été obligée de surdimensionner son infrastructure : " Nous aurions investi dans une infrastructure adaptée et capable d'absorber des pics d'activité très importants. Grâce au cloud, nous allons pouvoir assurer le strict minimum pour les périodes d'activité moins importante, tout en ayant la capacité de mettre en marche des machines virtuelles supplémentaires, pour les périodes de forte activité ", explique le Daf. Autre avantage : le passage au cloud contribue à se prémunir des risques d'incidents majeurs : inondations, feu... et supprime les problématiques de sauvegarde sur bande.
Concernant les coûts, l'entreprise bascule sur un paiement de prestations de services tarifées en nombre d'heures et de puissance utilisée. " Jusqu'à présent, nous supportions des coûts (matériels, humains, énergétiques...) qui étaient dimensionnés par rapport à notre forte saisonnalité. Finalement, la force du mode Opex est de ne plus mobiliser les capitaux qui sont eux nécessaires en mode Capex avec, à la clé, un gain financier ", conclut Cédric Lavignac.
2014 sera une année déterminante pour Mathon, avec la migration de son infrastructure IT, hébergée en local, vers un cloud de type privé et public. Le but étant de gagner en flexibilité pour répondre aux contraintes de saisonnalité.
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