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DossierReprendre une entreprise à la barre du tribunal

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4 - Structuration de l'opération : opter pour le haut de bilan ou du moins posez-vous la question...

Les acquéreurs d'une entreprise en difficulté font une erreur en se focalisant sur une acquisition via le bas de bilan. Il faut, à tout le moins, envisager l'autre option, celle du haut de bilan, notamment au regard du décaissement limité à court terme que cette solution requiert.

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Par le bas de bilan ? Vraiment ?

L'opération paraît sécurisée. Sa réalisation n'implique théoriquement pas de transfert de passif, sauf exceptions encadrées par la loi, notamment lorsque le périmètre comprend des actifs grevés d'une sûreté. Dans ce cas, si certaines conditions sont remplies, la charge de l'emprunt est transférée au cessionnaire. Encore faut-il avoir correctement identifiés les risques de transfert. D'autant que celui-ci s'opère de plein droit au profit du créancier, réservant parfois de mauvaises surprises a posteriori. Par ailleurs, l'acquisition par le bas de bilan suppose un décaissement immédiat ou presque dont le calendrier peut n'être pas optimal pour l'acquéreur. Il faut en effet se rappeler que :

- les usages imposent de mettre le prix de cession à disposition de l'administrateur dès avant l'audience au cours de laquelle le tribunal examinera les offres ;
- l'environnement concurrentiel d'une acquisition par le bas de bilan peut faire monter les prix jusqu'à un niveau au-delà duquel l'intérêt économique de l'opération est compromis ;
- la facturation propre à l'acquéreur et son encaissement supposent un certain temps pendant lequel il devra financer les charges courantes de l'acquisition et, donc, son BFR, le cas échéant sur fonds propres en l'absence de financements extérieurs (emprunt, ligne court terme, affacturage ...).

Et par le haut de bilan ?

A l'inverse, si une acquisition par le haut de bilan peut paraître rebutante, elle mérite toutefois d'être envisagée, en particulier lorsque la comptabilité de la cible est fiable. Il faut en effet rappeler que :
- le redressement judiciaire constitue une véritable garantie de passif. Passé le délai de déclaration des créances, le passif ne peut pas être supérieur au total déclaré qui a vocation à être fortement réduit après réconciliation avec la comptabilité;
- les conditions usuelles de remboursement sont une opportunité : il s'agit d'un crédit gratuit (le plus souvent) sur un maximum de 10 ans avec une progressivité des échéances qu'aucun établissement financier ne proposera jamais.

Dans ce contexte, les décaissements immédiats au titre de l'opération peuvent être limités :
- le prix de cession des actions sera proche de zéro compte tenu de la situation nette de l'entreprise cible ;
- le BFR sera au moins partiellement financé par le compte clients de la cible.


Nota bene : L'acquisition par le haut de bilan donne par ailleurs un avantage par rapport aux projets qui passeraient par le bas de bilan puisque, même si la loi a été légèrement modifiée sur ce point, les tribunaux ont tendance à donner la priorité au plan de redressement sérieux plutôt qu'aux projets de cession. Cela suppose bien sûr d'avoir un accord sur la cession des actions avec leurs détenteurs. L'esprit de cette priorité est d'ailleurs confirmé dans la loi Macron qui prévoit un cas d'éviction des actionnaires qui refuseraient de permettre la réalisation d'un plan de redressement hostile (ex-article 70 du projet devenu dans le texte soumis au Conseil constitutionnel le 15 juillet l'article 238).

Serge Pelletier, associé au cabinet Brunswick Société d'Avocats et en charge du pôle Entreprises en difficulté

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