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DossierBien gérer son poste client

Publié par Eve Mennesson le

1 - Sécurisez votre poste client dès l'amont

Le crédit client coûte cher: environ 2 % du chiffre d'affaires. Et l'accumulation des retards de paiement peut être à l'origine de graves difficultés financières. Autant de bonnes raisons pour mettre en place des mesures de prévention des impayés et de sécurisation du poste client.

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" Un seul impayé client peut causer le dépôt de bilan d'une entreprise ", avertit Jean-Michel Erault, credit manager et coauteur de l'ouvrage Optimiser sa trésorerie par le crédit client. Avant même de s'impliquer dans une relation commerciale, il est donc nécessaire de se renseigner sur son futur partenaire: sa surface financière lui permet-elle de faire face à ses engagements?Est-il coutumier des retards de paiement? Qui sont ses dirigeants? Et au moment de la négociation commerciale, la question des moyens de paiement et des garanties ne doit pas être éludée.

Afin de professionnaliser la gestion du poste client, la fonction de credit manager s'est répandue au cours des dernières années, notamment dans les grandes entreprises. Trait d'union entre les directions financière et commerciale, le credit manager définit la politique de crédit client de l'entreprise, sécurise le poste client et accélère les encaissements. Comme le souligne Éric Latreuille, credit manager groupe chez SGD, leader européen des flacons destinés à la pharmacie et à la parfumerie, " ce poste est amorti à partir de 300 millions d'euros de chiffre d'affaires. À défaut, un Daf de PME peut s'inspirer de leurs bonnes pratiques ou choisir de former une personne dédiée à ces questions, le plus souvent au sein de la comptabilité client. " L'Association française des credit managers (AFDCC) propose d'ailleurs des formations immédiatement utilisables par les gestionnaires de PME.

Bien connaître ses clients

" Avant de signer un nouveau contrat, la première démarche du credit manager est de déterminer la solvabilité du client. Quand il a accès aux comptes de résultat des entreprises clientes, il peut réaliser sa propre notation interne ", explique Vincent Bruno-Larger, secrétaire général de l'AFDCC. À défaut d'analyses aussi approfondies, la consultation de bases de données telles qu'Infogreffe.fr et Bodacc.fr, ou d'organismes spécialisés dans l'information commerciale (Altares, Coface, Creditsafe, Societe.com...) permet de recueillir des renseignements utiles sur la santé financière des entreprises: bilans, statuts, annonces légales, registre des nantissements ou privilèges, cartographie des dirigeants et des sociétés du groupe, et même diagnostics financiers ou enquêtes de solvabilité. " Nous fournissons des informations synthétisées, une note de prévision de défaillance et une information sur la limite de crédit conseillée à 30 jours ", expose Damien Barthélémy, directeur général de Creditsafe France.

La vigilance s'impose également pour les clients plus anciens: " 85 % des défaillances proviennent de clients existants ", prévient Damien Barthélémy. À partir de l'ensemble des informations dont il dispose, le credit manager définit une limite de crédit par client, c'est-à-dire un encours qui ne doit pas être dépassé. À lui ensuite de défendre ses positions auprès du Daf et des responsables commerciaux, qui, pour leur part, ont des objectifs de développement du chiffre d'affaires.

Associer les commerciaux aux objectifs

Mais leurs positions tendent à se rejoindre lorsqu'il s'agit de sécuriser l'encaissement du cash. De l'avis de Robert Moskovits, gérant de Feature DDC, spécialiste de la formation des équipes commerciales, " l'intervention du credit manager entre dans les moeurs: les commerciaux ne la ressentent plus comme une intrusion ". Surtout lorsqu'ils connaissent la règle que tout Daf ou credit manager avisé ne manquera pas de leur rappeler: avec une marge bénéficiaire de 5 % du chiffre d'affaires, pour compenser la perte due à un impayé, un commercial doit générer 20 commandes équivalentes. De plus, les commerciaux sont les plus à même de capter l'ambiance chez leurs clients: " Ils sont bien placés pour pressentir une dégradation de la solvabilité du client ", indique Serge Mosselmans, associé chez Taïga Collateral Management, cabinet de conseil spécialisé dans l'amélioration du BFR.

Il préconise par conséquent des points systématiques entre responsables du poste client et commerciaux: " Les tableaux de bord indiquant la situation de l'encours client, le DSO (lire la définition ci-dessus, NDLR), le montant des factures en retard et les principaux litiges permettent de partager l'information et de décider d'un plan d'actions ", explique-t-il. Et pourquoi le financier ne se rendrait-il pas en rendez-vous clientèle? C'est ce que fait régulièrement Alain Raulet, Daf d'Unitol, fournisseur d'acier pour l'industrie et l'automobile, filiale de Tata Steel Europe: " Je n'hésite pas à accompagner les commerciaux pour avoir une vision appropriée du risque, déclare-t-il. Nous les avons formés et sensibilisés aux chiffres clés des entreprises pour qu'ils puissent obtenir de nos clients les alertes nécessaires. " D'ailleurs, il est de plus en plus fréquent qu'une partie de leur rémunération variable soit indexée à des objectifs financiers d'amélioration de la qualité du poste client: baisse du nombre de litiges, diminution des créances échues et non payées, réduction des délais de paiement... Un bon moyen d'associer les commerciaux aux objectifs de la direction financière.

Souvent traité en fin de négociation, le sujet des délais et moyens de paiement est parfois négligé par les commerciaux, davantage focalisés sur des objectifs de chiffre d'affaires. Or, les aspects financiers sont déterminants pour la suite de la relation: "La gestion du cash est primordiale, d'autant plus en période de crise. C'est bien beau d'accepter des conditions à rallonge sous prétexte que les temps sont durs pour tout le monde... Mais si les caisses sont vides, on ne peut aller loin. Mais sur le terrain ce n'est pas simple pour les commerciaux qui doivent bénéficier d'un soutien de leur management, de règles claires et d'une politique cohérente de l'entreprise ", insiste Robert Moskovits (Feature DDC) qui souligne que les bons clients comprennent tout à fait l'importance d'une gestion rigoureuse. La présence d'un représentant de la direction financière est donc recommandée lors de la négociation de contrats importants. Pour Robert Moskovits, " les conditions générales de vente (CGV) ne devraient prévoir qu'un paiement au comptant, quitte à ce que les commerciaux négocient d'autres éléments ". De quoi décomplexer le directeur financier et l'inciter à réduire les délais d'encaissement!

Ne négligez pas les conditions générales de vente

Souvenez-vous également que si vos CGV n'ont pas été signées par le client, ce sont ses conditions générales d'achat qui s'appliquent: ce qui risque d'être moins avantageux en termes de délai de règlement. Les CGV doivent être soigneusement rédigées afin de ne négliger aucun point, en vue de sécuriser la rentrée du précieux cash: versement d'acompte à la commande, définition des conditions d'escompte, paiement partiel en cours de fabrication ou à l'avancement des prestations, et enfin modes de règlement. Sur ce point, mieux vaut prévoir les plus sécurisés: la majorité des entreprises effectuent les paiements par virements, de plus en plus préférés aux chèques ; et à l'export, le crédit documentaire s'impose, même si " la rudesse de la concurrence mondiale a vu se répandre la pratique de l'"open account", qui contraint l'exportateur à livrer avant d'avoir reçu le règlement ", prévient Yves Poinsot, directeur général d'Atradius France, un des leaders mondiaux de l'assurance crédit. Raison de plus pour savoir à quels risques une nouvelle entrée en relation expose votre société, et prendre toutes les précautions pour les limiter, faute de pouvoir les éliminer.

Journaliste économique depuis 2005, avec une forte appétence pour les sujets environnement/climat, j'ai fondé un Repair Café et suis [...]...

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