DossierBien évaluer la solvabilité de ses clients
Prévenir les retards de paiement, voire les impayés, nécessite de vérifier régulièrement la solvabilité de ses clients. Quelles informations rechercher? Où les trouver?

Sommaire
- Quelles informations vérifier ?
- La collecte des informations, une étape-clé
- À quelle fréquence vérifier la solvabilité de ses clients?
- Combien coûte une enquête de solvabilité ?
- Comment travailler avec des clients à risque ?
- Les assureurs crédit, des partenaires potentiels dans la prévention du risque client
- Cas pratique : la société Options mise sur la prévention
- Pour aller plus loin...
1 Quelles informations vérifier ?
"En France, une défaillance d'entreprise sur quatre est due à des retards de règlement", rappelle Thierry Millon, responsable des études chez Altares, société spécialisée dans la connaissance interentreprises. C'est seulement par une connaissance fine de la situation de chacun de ses clients et un aménagement des conditions de règlement qu'il est possible de se prémunir contre des retards de paiement.
"Vérifier la solvabilité des clients est d'autant plus important pour les PME, car elles en comptent moins que les grandes structures, avertit Damien Barthelemy, directeur général de Creditsafe, entreprise d'information commerciale et financière sur les entreprises. En effet, quand une entreprise a dix clients, la perte de l'un d'eux la met réellement en danger. Et ce n'est pas parce qu'on a seulement dix clients qu'on les connaît bien: on ne connaît d'eux que ce qu'ils veulent bien nous dire!" La société a d'ailleurs constaté que le nombre de rapports recherchés à chaque connexion par un client PME a triplé depuis cinq ans. "Celles-ci sont beaucoup plus sensibles à la gestion du risque", observe Damien Barthelemy.
Vérifier la solvabilité d'une entreprise, c'est tout d'abord s'assurer de sa bonne santé financière. On recherchera donc des données telles que le bilan, le compte de résultat, etc. qu'il convient de mettre en perspective. "Cela permet de réaliser une analyse financière. Ce qui est important, c'est de comparer les années n, n - 1 et n - 2 pour regarder l'évolution", précise Sandrine Morille, credit manager. Et donc de dresser le profil de l'entreprise en vérifiant l'évolution du capital de la société, afin de pister une éventuelle diminution.
Il ne faut pas négliger non plus les éventuels impayés auprès du Trésor public, de la Sécurité sociale et des régimes complémentaires, ainsi que les procédures judiciaires passées ou en cours (procédure de sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires).
Ces différentes informations doivent être lues en fonction du contexte de l'entreprise: " Nous positionnons les entreprises sur lesquelles nous donnons un avis par rapport à leur secteur d'activité, mais aussi par rapport au groupe auquel elles sont rattachées ainsi qu'à leur ancienneté, ajoute Damien Barthelemy (Creditsafe). Il y a en effet dix fois moins de chance qu'une entreprise défaille si elle appartient à un groupe. En revanche, les cinq premières années, le risque de défaillance est plus élevé. "
La zone géographique de la société est, elle aussi, importante: la situation économique et politique du pays conditionne, en effet, la notation de solvabilité. Taux de chômage local et inflation sont évidemment des éléments à surveiller, ainsi que les décisions politiques en matière d'économie et de fiscalité (notamment sur l'évolution des réglementations lorsque le gouvernement change), la culture, les mentalités de la région. Bien sûr, les catastrophes naturelles, guerres, révolutions, attentats sont également à prendre en considération. "Mais ces seules informations factuelles ne suffisent pas, prévient Bertrand Mazuir, credit manager chez Schneider Electric et rédacteur du site www.etrepaye.fr. Il reste encore tout un ensemble d'informations plus subjectives à collecter. " Ainsi, le passé du dirigeant, le comportement de paiement avec ses autres fournisseurs ou encore les "bruits" du marché sont souvent précieux.
Prévenir les retards de paiement, voire les impayés, nécessite de vérifier régulièrement la solvabilité de ses clients. Quelles informations rechercher ? Où les trouver ?
2 La collecte des informations, une étape-clé
"Le meilleur moyen d'obtenir des informations est de rencontrer le client, note Bertrand Mazuir, credit manager chez Schneider Electric et rédacteur du site www.etrepaye.fr. Car l'information est gratuite et actuelle, ce qui n'est pas forcément le cas avec d'autres sources d'information. " En effet, celui-ci peut fournir gratuitement ses données financières (bilan, résultat...) et même donner l'autorisation de contacter sa banque ou certains de ses fournisseurs. En rencontrant son client, on peut également le questionner sur la situation de son entreprise, ses projets... Et se rendre compte s'il donne ces informations en toute transparence ou s'il essaye de dissimuler quelque chose.
Si le client refuse de fournir ces données (ce qui souvent n'est pas bon signe), ou s'il s'agit d'un prospect, on peut obtenir un bon nombre de données auprès des greffes des tribunaux de commerce (www.infogreffe.fr): Kbis, comptes annuels, endettement, procédures collectives... Il est également possible de se renseigner auprès de sa banque qui vérifiera sur les fichiers de la Banque de France si l'entreprise a connu un dépôt de bilan ou si elle a eu des impayés.
Mais recueillir et traiter toutes ces données peut prendre du temps. D'autant plus qu'il sera difficile de se procurer toutes les informations nécessaires: "Seulement un million d'entreprises publient leurs comptes aux greffes, souligne Thierry Millon, responsable des études chez Altares, société spécialisée dans la connaissance interentreprises. Seules les sociétés commerciales sont obligées de le faire, les entreprises individuelles ne sont donc pas concernées. Et parmi celles qui doivent le faire, 15 à 20 % ne répondent pas à cette obligation."
Il ne faut pas hésiter, donc, à faire appel à des sociétés spécialisées dans le renseignement interentreprises qui proposent des bases de données complètes sur les sociétés, assorties d'un avis: Altares, Coface, mais également de nouveaux arrivants comme Creditsafe ou encore les banques (Banque Populaire propose par exemple à ses clients un outil en ligne baptisé Créance Info). D'autant plus que l'accès à ces bases est souvent accompagné d'un service de mise sous surveillance de ses clients: au moindre changement (négatif ou positif), on est prévenu. "Cela permet un véritable suivi au quotidien", souligne Sandrine Morille, credit manager.
Pour aller plus loin, il existe également des entreprises qui mènent des "enquêtes de solvabilité" : plus cher, ce service consiste en une analyse très complète portant sur le bilan et le compte de résultat, leur évolution, ainsi que les retours d'autres fournisseurs et de la banque du client.
Enfin, il ne faut pas négliger la mine d'informations que l'on possède en interne, notamment en termes de comportement de paiement: on sait si tel ou tel client paie toujours en temps ou en heure ou non, comment son comportement évolue grâce à un historique... et le moindre changement doit alerter! Le service commercial peut également remonter des données qu'il a vues ou entendues sur le terrain, des rumeurs qui peuvent s'avérer justes.
Les prestataires ci-après mentionnés fournissent des informations financières brutes et retraitées. Pour certains, des informations complémentaires qualitatives peuvent être fournies sur demande.
- Bureau Van Dijk: Positionné sur les informations économiques et financières relatives au risk management, à la gestion des achats et des fournisseurs.
- Altares: Revendique 200 millions d'acteurs répertoriés, une évaluation de la stabilité des partenaires et une anticipation de risques de défaillance.
- Coface Services: Outre le très efficace score @rating et la surveillance des partenaires, des informations complémentaires peuvent être obtenues sur demande spécifique.
- LCL Professionnels: Services exclusivement accessibles sur Internet, allant du renseignement financier et légal à la surveillance en temps réel des fournisseurs.
- Credit Safe: Revendique une analyse des données financières et structurelles des entreprises.
- Infogreffe: Information des greffes des tribunaux de commerce.
- Et aussi Cegifac, Societe.com...
Si le meilleur moyen pour obtenir des informations sur la solvabilité d'une client est de le solliciter, puis d'examiner son comportement de paiement, il est également conseillé de se rapprocher des greffes des tribunaux de commerce, en faisant, notamment, appel à des sociétés spécialisées.
3 À quelle fréquence vérifier la solvabilité de ses clients?
Vérifier la solvabilité de ses clients doit se faire pour tout nouveau client, lorsque le moindre changement est constaté au sein d'une entreprise (retard de paiement mais aussi changement de dirigeant) ou au moins tous les ans, au moment de la publication des comptes. Suivre régulièrement l'évolution d'une entreprise permet d'anticiper et de s'assurer que son client est en bonne santé au moment où il devra payer. En quelques mois, une société jugée solide peut être amenée à déposer le bilan, surtout en période de crise.
Ainsi, si l'on voit que la situation se dégrade, on peut réagir avant l'échéance: soit en contactant le client pour comprendre ce qui se passe, soit en le relançant pour s'assurer d'être payé en temps et en heure. Les mises sous surveillance proposées par certains acteurs du marché (Altares, Coface, ou encore Creditsafe) sont, de ce point de vue, très intéressantes. Même s'il est possible de mettre en place le même genre de système en interne, pour peu que l'on dispose des ressources nécessaires.
En période de crise, une entreprise jugée solide peut déposer son bilan en quelques mois seulement. Aussi est-il primordial de suivre régulièrement l'évolution de ses clients ou de prendre contact avec ces derniers dès qu'un changement est constaté.
4 Combien coûte une enquête de solvabilité ?
Vérifier la solvabilité de ses clients prend du temps et, surtout, a un coût. Le premier conseil est de se méfier des informations que l'on trouve gratuitement sur Internet, qui sont souvent peu fiables ou en tout cas rarement mises à jour. Et pour les services payants, vu le nombre important d'acteurs qui proposent des bases de données, des mises sous surveillance ou des enquêtes de solvabilité, une étude de marché s'impose, fondée sur deux critères: son coût et surtout le niveau d'information apporté.
On peut obtenir une copie intégrale des comptes annuels auprès d'Infogreffe pour une dizaine d'euros. L'accès à une base de données associé à la mise sous surveillance d'une centaine de sociétés coûte entre 1500 et 3000 euros par an, selon les acteurs. Une enquête de solvabilité réalisée sur une entreprise française revient à une centaine d'euros (entre 80 et 500 euros) et varie entre 200 et 600 euros pour une société étrangère.
Face à la profusion d'acteurs, une étude de marché s'impose, en examinant, d'une part, le coût d'une étude de solvabilité et, d'autre part, le niveau d'information apporté.
5 Comment travailler avec des clients à risque ?
Si, à travers l'enquête de solvabilité que l'on a menée, on se rend compte qu'un client ou un prospect a des difficultés, cela ne veut pas dire qu'il faut cesser tout business avec lui. "L'entreprise connaît des cycles: nous ne portons pas de jugement définitif, elle peut se redresser", insiste Olivier Robert, directeur adjoint marché des entreprises et institutionnels de Banque Populaire qui commercialise l'outil Créance Info.
La bonne réaction, pour limiter ou annuler le risque, consiste en une vigilance accrue et un réaménagement des conditions de paiement: demander davantage de garanties, de verser un acompte à la commande... voire de payer à la commande si les difficultés vont en s'accroissant. "Le choix doit se faire par rapport à la connaissance que l'on a du client et au risque que l'on veut prendre", indique Sandrine Morille.
En revanche, avec un client jugé solvable, on peut s'accorder plus de souplesse et augmenter ses échanges avec lui. Vérifier la solvabilité client, c'est non seulement s'assurer d'être payé, mais aussi développer son activité avec des partenaires de confiance et éloigner le risque de contentieux.
Client à risque ne signifie pas client à blacklister. Les maîtres mots ? Vigilance accrue et réaménagement des conditions de paiement.
6 Les assureurs crédit, des partenaires potentiels dans la prévention du risque client
Les assureurs crédit (Coface, Euler Hermes SFAC...), qui garantissent les entreprises contre les défauts de paiement, peuvent également être des partenaires de la prévention du risque client. En effet, ces sociétés suivent de près les clients de leurs assurés et génèrent des alertes en cas de modifications. " Il y a chez les assureurs une véritable exigence de qualité des informations données, car ils sont eux-mêmes engagés, témoigne Emmanuel Lesage, Daf du groupe Atrya, spécialisé dans les solutions pour habitat (portes, fenêtres, volets, vérandas, énergies nouvelles...). Et c'est aujourd'hui d'autant plus vrai qu'un certain nombre d'acteurs fait face à des difficultés de trésorerie accrues." Mais c'est un choix beaucoup plus onéreux, à réserver aux entreprises qui travaillent avec une multitude de clients, dont beaucoup sont à risque.
Si les assureurs crédit garantissent les entreprises contre les défauts de paiement, ils peuvent également être des partenaires de la prévention du risque client, en générant notamment des alertes en cas de modifications.
7 Cas pratique : la société Options mise sur la prévention
Options, qui offre des services de mise en scène de l'art de la table et de la décoration pour tout type d'événement, compte plus de 15 000 clients. Une clientèle hétérogène composée de grandes entreprises et de TPE. En 2009, la société décide de prendre en main la prévention du risque client: après un tour de marché, elle opte pour la solution de Creditsafe qui offre l'avantage de s'intégrer à l'outil CRM de l'entreprise.
Depuis, tous les 15 jours, un reporting détaillé de chacun des clients est envoyé par e-mail, ce qui permet de réagir rapidement en cas de modification. Les effets ne se sont pas fait attendre: " Nous avons amélioré nos délais de règlements moyens, qui sont passés en un an de 72 à 60 jours, rapporte Olivier Genty, Daf d'Options. Grâce à cet outil, nous anticipons mieux le risque client. Nous sommes plus vigilants et mettons tout en oeuvre pour être sûrs d'être payés. "Les conditions générales de vente de la société prévoient le versement d'acompte (50 %) et d'un chèque de garantie encaissé en cas de non-règlement du solde. Les litiges sont aussi traités plus rapidement, grâce aux études financières publiées régulièrement.
Raison sociale : Options
Activité : Art de la table et décoration pour événements
Forme juridique : SAS
Dirigeant : Gérard De Chalain
Daf : Olivier Genty
Effectif : 500 collaborateurs
CA 2012 : 50 ME
En 2009, la société Options, spécialisée dans les arts de la table et la décoration, décide de prendre en main la prévention du risque client. En un an, le délai de règlement moyen est passé de 72 à 60 jours.
8 Pour aller plus loin...
Évaluer la stabilité de vos fournisseurs
La relation client, à défaut d'être parfaitement maîtrisée, est bien connue des Daf. Tel n'est pas le cas de la relation fournisseur, désormais tout aussi importante. Pour Louis Chavanat, expert en credit management, la gestion de ce poste passe par l'évaluation de la solvabilité et de la stabilité du fournisseur.
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