L'épargne salariale, un levier à ne pas négliger
Pour motiver les troupes ou compenser un potentiel gel des salaires, l'épargne salariale peut être un levier intéressant d'un point de vue RH autant que fiscal.
Alors que la crise sanitaire a mis à mal la trésorerie des entreprises et que les conditions de reprise sont encore incertaines, les Daf et DRH ont tout intérêt à mener une véritable réflexion autour de l'épargne salariale avec une prise en compte du volet social des différents dispositifs. Qu'il existe déjà ou non un régime d'épargne salariale au sein de l'entreprise, c'est le bon moment pour étudier les différentes options et utiliser au mieux ce levier à la fois RH et fiscal.
Les impacts de la crise sont multiples
Avant la crise sanitaire, le marché de l'épargne salariale avait atteint un niveau historique avec près de 145 Md d'euros à fin 2019 en cumulant participation, intéressement et actionnariat salarié, et bénéficiait de surcroît d'un effet loi PACTE qui a ouvert le dispositif aux TPE PME. Mais la crise sanitaire est passée par là avec plusieurs conséquences...
" Dans les entreprises où il y avait déjà un dispositif d'épargne salariale, les montants d'épargne ont fortement baissé sous l'effet de la chute des marchés financiers, ce qui est bien sûr délicat à expliquer pour les DRH et les Daf ", explique Benjamin Sanson, responsable Epargne Retraite et Epargne Salariale chez Mercer France.
Par ailleurs, certaines entreprises ont envisagé le report du versement des primes liées à ces dispositifs. " Cela ne remet pas en cause leurs montants puisqu'elles sont basées sur les résultats de l'exercice précédent ", précise Nada Kada, directrice Épargne Salariale, Retraite, et Actionnariat-salarié du groupe Henner.
Si les grands groupes ont pour la plupart maintenu le calendrier de versement, les ETI et PME ont été prises entre deux feux : d'un côté leur besoin de trésorerie et la tentation du report, rendu possible jusqu'à la fin de l'année sans avoir à souffrir de pénalités de retard, de l'autre, la nécessité pour une partie des salariés de toucher ces primes pour compenser la perte temporaire dû au chômage partiel.
" Toutefois nous avons constaté que si certaines PME et ETI n'ont pas pu éviter un report des versements, elles ont veillé à contenir ce décalage dans le temps en visant, quand cela était possible un versement avant les congés d'été ", explique Aurélien Fortier, consultant senior Épargne Salariale et Retraite chez Henner. Lorsqu'elles ont pu le faire, les entreprises ont interrogé leurs salariés en leur laissant selon les recommandations du ministère du Travail, un délai un peu plus long pour se positionner sur l'option placement ou versement. Ce qui a eu pour effet de décharger un peu les équipes de tenu de compte.
De son côté, Benjamin Sanson a observé un décalage des projets au sein des entreprises qui s'intéressaient à ces produits avant la crise. " Les services RH étaient focalisés sur la mise en place du télétravail et de l'activité partielle, ce n'était plus la priorité ", note-t-il.
Un effet compensatoire
Mais il ne faudrait pas que le décalage soit trop lointain car ce type de dispositif pourrait être utile dans les mois à venir. " Si ce n'est pas déjà le cas, des problématiques budgétaires vont apparaître ", déclare Benjamin Sanson. Dans bon nombre d'entreprises on parle déjà de gel des salaires. Pour faire accepter ce type de mesure très peu populaires, les entreprises et leur Daf devront trouver une compensation sociale acceptable et pourraient proposer la mise en place d'un système d'épargne salariale, fiscalement avantageux, contrairement au salaire direct trop chargé.
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" Les entreprises qui ne disposent d'aucun dispositif ont tout intérêt à songer à un système qui permettra de compenser la perte pour ses salariés tout en restant eu coûteux pour l'employeur ", insiste Benjamin Sanson de Mercer qui conseille aux Daf d'anticiper les NAO du début d'année prochaine afin d'avoir des alternatives à proposer pour compenser la baisse des primes sur objectifs et primes sur résultat. Car il est à prévoir que les montants versés en 2021 seront beaucoup mins importants. " Toutes ces primes sont chargées et pourraient représenter une perte importante pour le salarié. " Pour les experts, l'épargne salariale est un très bon dispositif de distribution collective. " De par sa souplesse de mise en oeuvre, la prime PEPA n'est pas forcément versée à tous les salariés de l'entreprise contrairement à l'épargne salariale ", estime Nada Kada de Henner.
Une motivation pour la reprise
Si l'épargne salariale peut avoir un effet compensatoire pour les salariés des entreprises sous tension, il peut aussi être utilisé comme levier de motivation pour les entreprises qui auront besoin de soutenir une reprise d'activité forte. " Les Daf en collaboration avec les DRH seront nombreux à chercher une façon de motiver les troupes, or la prime PEPA ne suffira pas à répondre à ce besoin l'an prochain ", indique Nada Kada. Pour les experts du groupe Henner l'épargne salariale sera un dispositif majeur pour les entreprises.
Par ailleurs, ce dispositif de distribution collective, combiné à une prime individuelle constitue un levier de valorisation important. " Dans le cas où un Daf opterait pour une prime individuelle chargée à l'identique du salaire, les salariés bénéficiaires peuvent faire le choix d'utiliser ces montants pour réaliser un versement volontaire au sein de dispositifs collectifs dédiés à l'Epargne Retraite (PER Collectif ou PER Obligatoire). Ils verraient ainsi leur fiscalité réduite. Il existe un véritable intérêt à promouvoir ces dispositifs collectifs défiscalisant, même si le choix du Daf s'est porté sur une prime exceptionnelle plutôt qu'un supplément d'Intéressement, par exemple ", estime Aurélien Fortier.
Comme en 2008, la crise du Covid-19 pousse les entreprises à travailler le package de rémunération en ne se basant pas uniquement sur le salaire fixe. Bien justifier les choix et bien communiquer sur ces mesures sera crucial surtout s'il existe en plus d'un dispositif collectif, un système de valorisation individuel. " Les entreprises auront tout intérêt à diffuser des bilans sociaux individuels et à industrialiser la communication pour chaque salarié. Cela permettra à chacun d'avoir une meilleure compréhension du package de rémunération appliqué ", conclut Benjamin Sanson.
A retenir
La participation, calculée sur le résultat de l'exercice précédent, sera en raison de la crise beaucoup moins importante en 2021.
L'intéressement, calculé sur la base d'objectifs fixés et non pas sur le résultat de l'entreprise, mis en place pour 1 an ou 3 ans, peut être une solution de compensation ou de valorisation intéressante et peu fiscalisée.
La prime PEPA n'est pas déterminée par des objectifs. C'est le dirigeant qui décide du montant et du versement pour une année renouvelable. Avant la crise, la 1ere année l'employeur versait la prime comme il l'entendait, la 2e année le dispositif devait être rattaché à un accord d'intéressement. Avec la crise du Covid-19 les conditions ont évolué. La prime est limitée à 1000 € s'il n'existe pas d'accord d'intéressement et 2000 € si elle est rattachée à un accord d'intéressement.
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