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La délégation de pouvoir : outil au service d'une organisation interne efficace

La responsabilité pénale des dirigeants peut être engagée lorsqu'une infraction a été commise au sein de l'entreprise. Les règlementations étant particulièrement abondantes et les zones de risques nombreuses, il est fondamental de cartographier les risques existants et de faire supporter à chacun la responsabilité qui lui incombe.

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La délégation de pouvoir : outil au service d'une organisation interne efficace

1. Intérêt de la délégation de pouvoir : le caractère exonératoire de responsabilité pénale

La délégation de pouvoirs est un acte juridique par lequel un dirigeant - délégant - transfère une partie de ses pouvoirs à une personne subordonnée - délégataire - tout en faisant peser la responsabilité pénale sur la personne qui est réellement investie des prérogatives. Elle exonère ainsi le dirigeant qui a délégué ses pouvoirs.

En cas de manquement exposant le dirigeant à une sanction pénale, il pourra opposer l'existence de la délégation et communiquer les coordonnées du délégataire à la juridiction, afin qu'elle poursuive la personne juridiquement responsable.

En cas de délégation reconnue valable, c'est alors le délégant qui sera poursuivi et condamné.

2. Les conditions de validité de la délégation de pouvoirs

Le délégataire doit être lié à l'employeur par un lien de subordination et disposer des compétences, de l'autorité et des moyens nécessaires à l'exercice pouvoirs délégués.

A noter que le délégant se dessaisit au profit du délégataire d'une partie de ses pouvoirs et ne peut intervenir dans l'exercice des pouvoirs délégués ; il reste néanmoins tenu d'une obligation de vigilance et doit s'assurer du respect des conditions de la délégation.

La délégation doit par ailleurs être certaine, précise et spéciale ; même si aucune condition de forme n'est exigée, il est à cet égard conseillé de la formaliser par écrit.

La jurisprudence a régulièrement l'occasion de se prononcer sur la validité de délégations de pouvoirs afin d'exonérer ou au contraire de faire supporter aux dirigeants les condamnations pénales attachées aux culpabilités établies.

A titre d'exemple, la chambre criminelle de la Cour de cassation a récemment rappelé les conditions (Cass.crim, 4 avril 2023, nº 21-81.742). Ainsi, à la suite d'un accident du travail mortel, l'entreprise a cherché à faire porter la responsabilité sur la victime, faisant valoir qu'elle avait commis une faute et qu'elle disposait d'une délégation de pouvoirs relative à l'établissement des règles de sécurité. Or, ni la Cour d'appel ni la Cour de cassation n'ont reconnu la validité de la délégation de pouvoirs alléguée. En effet, pour la Haute juridiction :

- une simple mention figurant en annexe du contrat de travail, est incertaine et imprécise ;

- « le salarié ne disposait pas des compétences techniques, juridiques et des moyens nécessaires à l'exercice d'une mission de garantie de sécurité et des moyens nécessaires pour veiller à l'observation des règles en vigueur en la matière ».

Par conséquent, la délégation de pouvoirs alléguée n'a pas été reconnue et n'a pu emporter exonération de responsabilité.

3. La clarification des périmètres d'actions et de responsabilités

Il arrive souvent que des infractions soient commises, ou des accidents surviennent, en raison de carence dans l'organisation, chacun pensant ne pas être en charge de tel domaine et imaginant de bonne foi qu'il est de la responsabilité d'un autre.

La réflexion sur la mise en place / à jour de délégations de pouvoirs a le mérite de clarifier des périmètres, lesquels sont bien souvent flous ou a minima ne sont pas optimaux, et d'établir une cartographie précise des champs de responsabilités.

Elle permet de répondre avec précision à la double question, essentielle : « qui fait quoi ? qui est responsable de quoi ? ».

L'objectif est de structurer l'entreprise de telle sorte qu'en responsabilisant, notamment pénalement, ses collaborateurs, l'organisation permette de mieux couvrir les champs de responsabilités et de limiter les risques.

En pratique, on s'assurera que chaque délégataire dispose d'un périmètre de responsabilité clair et pertinent par rapport à ses fonctions, et remplit les conditions de validité rappelées ci-avant.

On s'assurera également de l'absence de chevauchement des délégations au risque de les rendre inefficaces ; en effet, si la délégation d'un même domaine à différents directeurs ayant autorité sur leurs propres services est possible, il n'est en revanche pas possible de se prévaloir d'une délégation de pouvoirs consentie à plusieurs personnes pour l'exécution d'un même travail, ni de déléguer à des personnes différentes des missions en apparence distinctes mais reconnues indissociables dans les faits.

L'auteur : Emilie Meridjen, associée en droit social chez Sekri Valentin Zerrouk est la partenaire de sociétés françaises et étrangères qu'elle conseille dans l'élaboration et la mise en oeuvre de documentations et stratégies sociales pertinentes, pragmatiques et sécurisées. Elle défend également ses clients devant les juridictions du travail et de la sécurité sociale.


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