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Bénéficiaire effectif : notion et enjeux fiscaux pour les remontées de trésorerie

La notion de bénéficiaire effectif (« BE ») est au coeur de nombreuses décisions de jurisprudences récentes. L'enjeu est crucial pour les entreprises car l'administration fiscale se fonde sur l'absence de caractérisation de la qualité de BE des non-résidents afin de remettre en cause les exonérations ou réductions de retenue à la source sur dividendes versés par des sociétés françaises.

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Bénéficiaire effectif : notion et enjeux fiscaux pour les remontées de trésorerie

L'utilisation de la notion de bénéficiaire effectif (BE) se fait obligatoirement dans un contexte et selon un cadre spécifique qu'il convient de rappeler. Par principe, les paiements de dividendes de source française réalisés au profit de sociétés étrangères sont soumis à une retenue à la source de 25% (75% si le bénéficiaire est établi dans un Etat Non-Coopératif). Toutefois, ce taux peut être réduit voir éliminé, sous conditions, par :

  • L'exonération de retenue à la source prévue par la directive mère fille européenne transposée en droit interne ;
  • Les exonérations ou réductions de retenue à la source prévues par les conventions fiscales internationales.

Ces exonérations et réductions de retenue à la source sont dans la plupart des conventions et textes conditionnées par la qualification de BE de la société récipiendaire des dividendes et redevances.

Les praticiens observent depuis plusieurs années un accroissement des redressements fiscaux de « montages » ayant bénéficié d'exonérations ou réductions de retenues à la source sur paiements transfrontaliers en remettant en cause la qualité de BE des récipiendaires de ces paiements. Il en a ainsi été par exemple de dividendes versés par des SPPICAV (Société à prépondérance immobilière à capital variable) ayant bénéficié du taux réduit de retenue à la source (5%) prévu par l'ancien traité entre la France et le Luxembourg ou encore de dividendes versés par une SAS (Société par actions simplifiée) avec une activité immobilière à une entité luxembourgeoise pour lesquels le bénéfice du traité et de la directive mère fille a été remis en cause car le récipiendaire n'était pas le BE.

Tout l'enjeu réside ainsi dans la qualification de BE du récipiendaire du dividende, ce qui requiert d'appréhender les contours de cette notion.

Notion de BE et abus de droit

La notion de BE est d'origine anglo-saxonne et fut introduite pour la première fois dans le modèle de convention OCDE de 1977. Les commentaires OCDE sur ce modèle donnant à ce titre une définition négative du BE : n'est pas le BE d'un paiement celui qui a une obligation légale ou contractuelle de le rétrocéder à une autre personne.

En droit interne et communautaire, la définition et les contours de cette notion proviennent d'une construction jurisprudentielle. Les premières décisions liant la notion de BE à celle d'abus de droit ont depuis été complétées pour permettre un refus d'application des réductions / exonérations de retenues à la source sur le seul fondement de l'absence de BE (décisions de la CJUE de 2019 dites des « Danish Case Law » ou arrêt du Conseil d'Etat min. c/ Performing Rights Society Ltd de 2021).

La jurisprudence définit fréquemment le BE de manière négative par opposition à une société « relais ». La Cour administrative d'appel de Paris a ainsi récemment rappelé, dans un arrêt du 7 décembre 2022, la définition d'une société relais remettant en cause la notion de BE : « lorsque celle-ci (la société) a pour unique activité la perception des dividendes et la transmission de ceux-ci au bénéficiaire effectif ou à d'autres sociétés relais. L'absence d'activité économique effective doit, à cet égard, à la lumière des spécificités caractérisant l'activité économique en question, être déduite d'une analyse de l'ensemble des éléments pertinents relatifs, notamment, à la gestion de la société, à son bilan comptable, à la structure de ses coûts et aux frais réellement exposés, au personnel qu'elle emploie ainsi qu'aux locaux et à l'équipement dont elle dispose ».

Les bonnes pratiques pour qualifier le BE

Une analyse des dernières jurisprudences a permis de dégager 3 grands principes et de mettre en avant une grille de lecture.

Les trois grands principes sont les suivants :

  • Autonomie de la notion de BE par rapport à celle de l'abus de droit ;
  • Absence de nécessité d'un texte (une condition « implicite » de BE) ;
  • Possible application du traité entre la France et l'Etat du véritable BE (quand le traité entre la France et l'Etat du bénéficiaire « apparent » n'est pas applicable).

La grille de lecture identifie 5 critères afin de vérifier si la société possède de « bonnes pratiques » lui permettant de qualifier de BE :

  • Activité de la société : exercice d'une activité économique propre en plus de la simple perception de produits de filiales et création de valeur ajoutée ;
  • Diversification des revenus et Bilan comptable : existence de plusieurs sources de revenus et justification d'un bénéfice imposable significatif ;
  • Reversement : la société ne doit pas être tenue par une obligation légale ou contractuelle (voire une pratique factuelle) de redistribution venant limiter son pouvoir de disposition des sommes (ex. de remise en cause : un contrat de licence prévoyant un reversement d'un pourcentage des redevances reçues) ;
  • Structure de coûts et moyens matériels, immatériels & humains : frais réels, personnel employé, locaux et équipements ;
  • Gouvernance : absence de dirigeants communs, capacité et qualification des dirigeants & autonomie de la prise de décision.

Cette grille de lecture devrait être utile afin d'apprécier le risque de remise en cause des exonérations sur le fondement du défaut de bénéficiaire effectif dans les structures existantes et à mettre en place. La jurisprudence devrait toutefois continuer à évoluer.

Après le BE, les société relais et les paiements transfrontaliers

La question des sociétés relais et des retenues à la source sur paiements transfrontaliers devrait également être sous le feu des projecteurs avec l'arrivée prochaine de la directive ATAD 3 instituant des tests de substance avec une entrée en vigueur programmée pour début 2024 (et une analyse de critères rétroactive à début 2022).

Cette directive devrait entraîner la remise en cause dans certains cas des exonérations/réductions de retenues à la source, certaines structures devant toutefois rester hors de son champ d'application (sociétés de personnes transparentes ; fonds règlementés). Gageons que la transposition de cette directive par la France sera une des plus sévères en Europe.

Les auteurs :

Maître Christine Daric est avocat à la Cour, associée au cabinet BCLP. Elle a développé au fil des années une expertise reconnue en matière de fiscalité des entreprises, notamment au profit de l'industrie immobilière.



Maître Thomas Poiret est avocat à la Cour au sein du cabinet BCLP. Il conseille des clients français ou étrangers dans le cadre de leurs opérations et investissements immobiliers (structuration, refinancement, due-diligences fiscales, quotidien et relations avec l'administration fiscale). Il assiste également les clients du secteur de l'énergie pour toutes leurs problématiques fiscales.

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