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IFRS 16, immobilier et contrats de location inscrits au bilan : preneurs, PREPAREZ-VOUS !

Cette norme doit s'anticiper en raison de sa portée sur le bilan, la dette et les covenants. Tel est l'avertissement récurrent dispensé par différents experts, sollicités sur le cas d'une ETI, locataire, de ses bureaux par exemple.

Publié par Florence Leandri le - mis à jour à
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IFRS 16, immobilier et contrats de location inscrits au bilan : preneurs, PREPAREZ-VOUS !

Objectif de ces lignes : dresser la liste des principaux impacts de la norme IFRS 16, en s'intéressant au seul poste immobilier, côté entreprises locataires. Siège, bureau, usine, stockage, magasin... l'immobilier est un poste très conséquent pour les entreprises, quel que soit le secteur. Les conséquences de cette norme, qui vise plus largement tous types de biens (mais exclut par exemple les locations portant sur de faibles montants), s'y mesurent donc plus aisément. Avec une entrée en vigueur pour 2019, bien des entreprises concernées négligent de s'y préparer. Une légèreté très française.

Inventaire et droit d'utilisation

" Le reproche adressé à la précédente norme était de permettre un choix trop manipulable des contrats de location à retraiter " , précise Laurence Malès, CAC, fondatrice de DyLeaM et intervenante dans les formations DFCG. " La nouvelle norme, qui vise tous les contrats de location, considère comme tel tout acte qui transfère du bailleur au preneur le droit de contrôler l'utilisation du bien. " Une condition essentielle, à étayer. Sur la durée du contrat, ce droit d'utilisation du bien repose sur deux critères. En premier lieu, l'obtention de la quasi-totalité des avantages économiques liés à cette utilisation - sous-location du bien, possibilité de vendre ses produits dans ledit local -, indépendamment de la propriété. En second lieu, le droit d'en diriger l'utilisation. Appliqués à l'immobilier, ces critères signifient, schématiquement, que le propriétaire légal ne peut influer sur l'usage commercial du bien, ni exproprier "facilement" le locataire. Pour Laurence Malès, " en matière immobilière, on trouvera bien souvent un contrat de bail classique, donc une location au sens d'IFRS 16. Certains contrats plus complexes peuvent requérir un oeil extérieur, notamment pour apprécier cette notion de droit d'utilisation " .

L'audit devra aussi s'intéresser de près à la notion de "bien identifié". C'est en tout cas l'un des points de vigilance signalé par Benoît Lebrun, associé KPMG et vice-président des études comptables CNCC : " Dès lors, le contrat qui prévoit un droit de substitution, tel qu'un changement d'étage, peut être qualifié de contrat de service. "

Pour bon nombre d'entreprises, le recensement de l'immobilier ne sera pas l'étape la plus chronophage

Traitement comptable et durée d'utilisation

Cette notion de bien identifié s'appréciera d'ailleurs au regard du critère évoqué plus haut : la pleine maîtrise de l'utilisation du bien loué. Emmanuel Paret, associé KPMG et directeur de la doctrine comptable, évoque " les entreprises qui ont recours à un contrat de location avec un entrepôt de marchandises où on ne loue pas 100 % d'un volume " : " C'est une location partielle de mètres cubes. Sous IFRS, c'est un contrat de service si l'emplacement du volume loué n'est pas identifié dans l'entrepôt ". Une possible bonne nouvelle pour les entreprises de logistique. Mais les experts KPMG en conviennent : pour " bon nombre d'entreprises, le recensement de l'immobilier ne sera pas l'étape la plus chronophage ".

Qui dit contrat de location, immobilière donc dans notre déroulé, dit retraitement afin de faire figurer au bilan à l'actif un droit d'utilisation pour tout immeuble loué et au passif une dette, au compte de résultat, des amortissements et des charges financières se substituant aux loyers. Ici, Laurence Malès attire l'attention des Daf : " Faites des hypothèses, notamment sur la durée du bail, son renouvellement ou son éventuelle résiliation pour ensuite le suivre et le revisiter. " " Ce pari est une démarche nouvelle qui traduit que les IFRS nous amènent à des interprétations. Plus prosaïquement, cela induit une mise à jour régulière des hypothèses " , continue-t-elle.

La détermination de la durée d'utilisation ne peut donc être déconnectée des clauses du contrat, même si celles-ci ne suffisent pas, bien évidemment : pour un distributeur, un commerçant, on ne peut négliger la question de l'emplacement.

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Bilan, ratios... donc covenants

" Lorsque la location concerne un magasin, il est plus que probable que l'entreprise se projettera pour un bail long ", constate Emmanuel Paret. Et de poursuivre : " S'il s'agit de bureaux, le besoin de mètres carrés est plus variable, l'offre plus conséquente, l'emplacement moins stratégique. La durée de la location peut être plus courte. Mais la durée comptable de la location sera au minimum égale à la durée fixe du bail, souvent comprise entre neuf et douze ans, non résiliable par périodes triennales. "

Faire passer une location qui apparaît au résultat d'exploitation, un peu plus bas, au niveau du compte de résultat, en dotations d'amortissement et frais financiers... le résultat d'exploitation sera meilleur, le résultat financier dégradé. Le ratio de rentabilité de l'activité économique va bouger, les flux de trésorerie opérationnels vont apparaître comme meilleurs.

"L'effet de la nouvelle norme peut être désastreux sur le ratio dette financière sur capitaux propres ou gearing", Emmanuel Paret (KPMG)

Pour calculer la charge d'intérêt et le montant de la dette au bilan, il faudra choisir un taux d'actualisation. Or, " la méthodologie proposée par la norme, qui consiste à retenir le taux implicite du bail, connu du bailleur, et à défaut le taux d'endettement marginal du preneur, est difficile à mettre en oeuvre " , avertit Benoît Lebrun. " L'effet de la nouvelle norme peut être désastreux sur le ratio dette financière sur capitaux propres ou gearing " , alerte de son côté Emmanuel Paret.

Dès lors, se profile la question des covenants financiers. Prenez les devants pour renégocier un ratio d'endettement moins serré, d'autant que, selon les experts interrogés, si toutes les agences de notation évaluant les dettes d'entreprises prennent déjà en compte la dette de location immobilière, les banques pourraient la négliger. Pour approfondir cette question de renégociation de covenants, lire ici.


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Trois questions à... Michel Danis, directeur au sein du département conseil immobilier de Colliers France

Comment doit s'envisager l'impact de la norme IFRS 16 ?

Le premier enjeu est celui de l'audit-diagnostic. Puis celui de la gestion de l'immobilier, avec deux questions centrales : quelle organisation pour prendre et suivre les décisions, et quelle stratégie quant au mode de détention : location, acquisition, refinancement... D'autant que le contexte est porteur, avec des taux d'intérêt d'emprunt au plus bas.

Comment percevez-vous la préparation des entreprises à cette norme ?

Seules les filiales de groupes américains ont anticipé cette norme

Il y a un certain attentisme. Nous ­portons ce sujet auprès de nos clients qui, sans le découvrir, ne l'ont pour la plupart pas anticipé. À une exception près : les filiales de groupes américains. Question de culture, sans doute. Et puis cette norme, en dis­cus­sion de puis 2011, a sans doute été identifiée comme visant à rendre comparables des activités pour ­lesquelles le choix du mode de détention était structu rant : compagnies aériennes, retail ou secteur hôtelier. C'est un tort, tout le monde sera ­impacté par l'immobilier.

Quelles entreprises doivent envisager le passage à la propriété ?

Les secteurs retail, hôtelier, médical et les entreprises industrielles, qui ont de nombreux actifs et qui ont beaucoup externalisé. Mais toute entreprise peut être concernée, y compris lorsqu'il n'y a que du tertiaire.

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